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 ADMIN :: EDOUARD

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Edouard Cabanel
Edouard Cabanel
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Masculin

■ topics : OUVERTS
■ mes posts : 2321
■ avatar : Ryan Gosling
■ profession : Ambassadeur de Vichy à Paris

PAPIERS !
■ religion: Ne croit qu'à la politique. Dieu ? ça fait longtemps qu'il n'existe plus, non ?
■ situation amoureuse: Coincé dans un mariage malheureux avec Madeleine Claussat. Trop occupé à cause de son beau-père pour avoir le temps d'aller voir ailleurs.
■ avis à la population:

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MessageSujet: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Dim 3 Fév - 23:24



Édouard Cabanel

Parisiens



Ryan Gosling © Tumblr

Et Toi Alors?

Partie s'adressant au joueur


☆ Prénom/Pseudo ? Bouh. Elle se reconnaîtra.
☆ Age ? Je suis bien trop vieille pour toi.
☆ Etude/Travail ? Cela fait maintenant dix ans que je mène des recherches pour prouver l'existence du siège de Marsal.
☆ Où as-tu connu YT ? Dans un profond délire schizophrénique, il m'est apparu en rêve.
☆ Un truc à nous dire ? Je suis la lumière au bout du chemin et le chemin lui-même.



Papiers?


Un personnage inventé
Un poste vacant


    ♠ Selon l’état civil, Édouard Cabanel est né le 10 janvier 1909 à Vanves dans la banlieue parisienne. Il a donc actuellement trente-quatre ans.
    ♠ Édouard est issu d'une famille on ne peut plus française, bien insérée dans la vie politique et les affaires. Cela ne l'a pas empêché de voyager dans sa jeunesse, notamment en Grande-Bretagne ou en Afrique du Nord. Maîtrisant parfaitement l'anglais, ce qui est fort rare pour un homme de son époque, il a une excellente connaissance des pays anglo-saxons et a pu mener une carrière diplomatique brillante.
    ♠ Édouard est marié depuis juin 1930 à Madeleine Claussat, la fille de Léon Claussat, plusieurs fois député et ministre des différents gouvernements et surtout haut dignitaire du régime de Vichy depuis 1940. Le mariage fut un mariage de raison, peu heureux, mais les deux conjoints ont néanmoins trois enfants ensemble, deux filles de dix et sept ans, Rose et Léonie ainsi qu'un petit garçon de trois ans, Gaston. Depuis quelques temps cependant, persuadée qu'elle est une femme trompée, Madeleine menace Édouard de le quitter.
    ♠ La question de sa confession ne se pose pas pour ce descendant d'anticléricaux convaincus qui se sont toujours battus pour la stricte séparation de l’Église et de l’État et contre les « abominables curés » manipulateurs de consciences. Édouard n'a jamais été baptisé mais croit en une sorte de force supérieure, un grand Architecte de l'univers qui n'intervient pas dans les affaires des hommes. Comme beaucoup d'autres députés radicaux, il a longtemps fait de son irréligion une force et une arme politique.
    ♠ Édouard a très tôt suivi la voie ouverte par son père et son grand-père en politique. Après des études brillantes, il est passé de postes de secrétaire à ceux de conseiller avant de connaître enfin la consécration en étant élu député de Seine en 1933, à la suite de son père. Bien placé au sein du parti radical, celui qui est alors au cœur des alliances pour constituer des majorités parlementaires, il fait plusieurs fois parti de gouvernements notamment celui du Front populaire, souvent dans la diplomatie grâce à sa maîtrise de l'anglais. Depuis 1940, il travaille pour le régime de Vichy avec un dévouement remarquable pour Pétain et la mise en place de la collaboration ce qui l'a aidé à se faire nommer conseiller de l'ambassadeur de Vichy à Paris. Mais ce dévouement n'est qu'apparent...


Petit Questionnaire



♠ Son livre préféré ? « Voilà une question bien compliquée par un homme de lettres tel que moi ! S'il fallait ne choisir qu'un seul livre, je dirais sans doute que j'ai été très impressionné par le Gilles de notre ami Drieu La Rochelle qui montre la décadence de la France et propose la seule voie qui mène à sa régénérescence, ce changement radical de la société que nous sommes en train de mettre en œuvre ». En réalité, Édouard a eu peine à terminer ce roman nauséabond et préfère mille fois les tomes d'A la recherche du temps perdu de Marcel Proust pour sa description sans complaisance de la haute société. Mais on ne peut pas avouer apprécier un auteur réputé juif à Vichy.
♠ Son lieu préféré dans Paris ? « J'ai toujours beaucoup aimé le Ve arrondissement pour ses petits libraires, l'histoire toujours vibrante dans les murs de ses rues et pour l'animation qui y règne sans cesse ». Enfin, c'est surtout que cet arrondissement lui rappelle ses années de jeunesse passées au lycée Henri IV et à la Sorbonne, les meilleures de sa vie, quand il se sentait encore libre.
♠ Son avis sur les Allemands ? « Je ne suis pas sans ignorer le passé que partagent nos deux peuples mais je suis convaincu que nous devons collaborer main dans la main car la guerre a été gagnée par l'Allemagne, il est temps désormais de faire la paix et de nous engager ensemble vers le futur ». Édouard n'a jamais eu de dent contre les Allemands, même s'il a une culture plutôt anglo-saxonne, au contraire, il a toujours été favorable à des solutions pacifiques quand il travaillait dans la diplomatie. S'il leur sourit en permanence, il doit cependant avouer que leur présence devient de plus en plus insupportable et l'idéologie nazie de plus en plus écœurante.
♠ Son avis sur les juifs ? « Les traîtres à la patrie n'ont pas leur place dans notre pays et la Révolution nationale chassera tout ceux qui nous mettent des bâtons dans les roues. Les Juifs sont le symbole de toute la décadence de la France, ils sont corrompus et complotent depuis toujours dans notre dos ». Voilà bien un discours qui arrache le cœur d’Édouard quand il doit le prononcer. Non seulement son grand-père a été un des grands défenseurs d'Alfred Dreyfus et membre de la Ligue des Droits de l'Homme en son temps mais Édouard a surtout connu de nombreux Juifs dont certains étaient avec lui au lycée ou à la Chambre des députés. Des amis pour beaucoup d'entre eux.
♠ Aime-t-il sortir et où ? « Depuis le temps où je suis devenu député, je suis un véritable mondain qui apprécie toujours une soirée dansante ou une sortie au théâtre, de préférence en compagnie de ma femme, Madeleine qui a de nombreuses amies dans les cercles de la bonne société. Passer un agréable moment en bonne compagnie, voilà le seul vrai plaisir, n'est-ce pas ? ». Ce sont surtout les soirées idéales pour avoir l’œil attentif et les oreilles grandes ouvertes, on parle toujours plus facilement quand on se sent en sécurité et avec un verre à la main. Depuis qu'elles se sont transformées en occasions d'espionnage, Édouard éprouve beaucoup moins de plaisir à s'y rendre, il faut bien l'avouer.
♠ Son premier geste le matin ? « J'apprécie toujours de lire les journaux en buvant un café brûlant pour bien me réveiller, en compagnie de mon épouse s'il l'est possible ». Bien sûr, il n'ajoutera pas que la première page qu'il consulte est celle des avis de décès, qu'il attend toujours le courrier avec une certaine angoisse et que son épouse est rarement bien disposée à son égard.
♠ Sa couleur favorite ? « Voilà bien une question dont je ne me préoccupe guère ! Mais je suis bon patriote, je répondrais donc le bleu, le blanc et le rouge, évidemment ! ». En secret et à cause de sa passion pour l’Égypte, Édouard a surtout un faible pour le bleu lapis-lazuli et le jaune doré, chair des dieux à l'époque des pharaons et symbole d'immortalité.
♠ A-t-il des manies/tics ? « Je suis quelqu'un d'extrêmement minutieux qui aime que les choses soient bien faites, que tout soit à sa place ce qui n'est pas sans provoquer des conflits avec ma secrétaire actuelle pour qui le concept de rangement est dépassé. Mais je ne laisse rien au hasard ». Depuis une petite année, Édouard dissimule aussi sa nervosité à la perfection derrière son sourire ou son apparente confiance en lui mais il ne peut s'empêcher de souvent regarder derrière lui.
♠ Sa saison préférée ? « Sans aucun doute, l'été pour sa chaleur et son soleil étouffant qui me rappelle les mois passés en Égypte à la recherche de tombeaux de pharaons, j'aime sortir et me balader, c'est le moment idéal de l'année ! ». Édouard n'avouera pas qu'il a également une certaine affection pour le printemps depuis quelques temps, le printemps comme symbole de la renaissance, la saison qui vainc toujours l'hiver même le plus dur.
♠ Son avis sur les manifestations ? « Elles doivent stopper car elles n'ont aucune raison d'être. Évidemment, je comprends la souffrance des Parisiens et les difficultés qu'ils rencontrent mais ils doivent comprendre que la Révolution nationale s'installe progressivement et régler tous leurs problèmes. La victoire sur les ennemis anglais et bolcheviques est proche et la situation ne pourra alors que s'améliorer ». Édouard craint surtout que ces manifestations n'irritent le pouvoir allemand et que le contexte dégénère sans qu'il ne puisse rien y faire. Ces manifestants ne sont pas exempts de courage mais il ne peut évidemment leur montrer ce qu'il pense.



Ton Histoire


Minutes du procès de monsieur Édouard Cabanel
Cour d'Assises de Paris  – Avril 1949

1ère audition, 05 avril 1949
[…] L'accusé, monsieur Édouard Cabanel, entre dans le box lui étant réservé. Il apparaît pâle et les traits fatigués mais son pas est décidé et après s'être assis, il échange quelques mots avec ses avocats qui se trouvent sur les bancs devant lui. Il ne semble pas prêter attention à la presse nationale qui le filme. Le président de la cour lui demande de décliner son identité, ce qu'il fait, et lui présente les avocats de la partie civile, représentant l'accusation. […]
PRÉSIDENT : Nous allons tout d'abord vous poser quelques questions pour nous permettre de mieux cerner votre personnalité, monsieur Cabanel et surtout vous présenter à messieurs les jurés. C'est moi qui vais mener l'interrogatoire, si vous désirez intervenir sans y avoir été invité tout comme votre avocat, vous devez en faire la demande officielle.
Monsieur Édouard Cabanel se contente de hocher la tête.
PRÉSIDENT : Vous êtes né en 1909 à Vanves, n'est-ce pas ?
E. CABANEL : C'est exact, monsieur le président. Mon grand-père, Joseph Cabanel, y était alors le maire, comme son père avant lui et mon père après lui.
PRÉSIDENT : Avez-vous connu votre grand-père, Joseph Cabanel ? Vous parlait-il de son implication dans l'affaire Dreyfus au début du siècle ? Votre père, Gaston Cabanel était-il aussi impliqué que lui concernant le combat contre l'antisémitisme ?
E. CABANEL : J'ai en effet connu mon grand-père même si je ne garde que des souvenirs confus, c'était un homme intraitable qui me terrifiait car il parlait toujours comme s'il se trouvait à la tribune de la Chambre. Mais j'ai peu eu l'occasion de le rencontrer car il n'approuvait pas le mariage de mon père avec ma mère. J'ai toujours su qu'il avait été un ardent défenseur d'Alfred Dreyfus et mon père n'a jamais fait de distinction entre les hommes à cause de leur religion et m'a appris à ne pas en faire.
PRÉSIDENT : Tous deux sont morts avant la prise de pouvoir du maréchal Pétain et votre implication dans le gouvernement de Vichy.
E. CABANEL : C'est exact. Où voulez-vous en venir ?
PRÉSIDENT : Qu'en était-il de votre mère ?
E. CABANEL : Ma mère ? Que vient-elle faire ici ?


---
Aérodrome d’Étampes, juillet 1917

- Ils m'ont simplement remerciée ! Oui, remerciée comme si je n'étais qu'une petite fille venue réclamer un présent, s'insurgeait Rose Boucher en avançant à larges enjambées, ce qui lui était permis par les jodhpurs de jockey qu'elle portait cette journée-là et ce qui obligeait ceux qui la suivaient à trottiner pour rester à sa hauteur.
- Ce n'est pas plus mal, observa son époux dont elle refusait obstinément de prendre le nom (elle avait déjà du mal à se faire appeler « madame » et non « mademoiselle ») et auquel elle laissait le soin de porter le dernier-né, le petit Maxime, à peine un an et demi, avais-tu pensé au danger que tu courrais ?
Il n'ajouta pas qu'il aurait été un comble que sa femme participe directement à l'effort de guerre alors qu'il en était dispensé en tant que député mais dut se contenter d'un reniflement méprisant en réponse. Évidemment, Rose Boucher ne pensait jamais aux obstacles ou aux dangers, elle se contentait de foncer et d'assumer toutes les conséquences de ses actes. C'était bien pour cela qu'il était tombé amoureux d'elle dès qu'il l'avait vue ôter ses lunettes de protection en descendant de son petit avion dans lequel elle venait de faire quelques loopings impressionnants lors d'un meeting à Etampes une dizaine d'années auparavant. Gaston Cabanel, le fils de bonne famille destiné à devenir homme politique comme son père, qui n'avait connu que des dames enserrées dans des corsets et ne sachant parler que de tricot et d'enfants avait été ébloui par cette apparition tombée du ciel sous la forme d'un petit bout de femme qui parlait haut et fort pour donner son avis, avait un don pour l'aviation et une formation en égyptologie qui la conduisait fréquemment à se rendre en Afrique du Nord pour y mener des fouilles. Une aventurière qui n'était pas de son monde, qui avait refusé trois fois de l'épouser avant de finir par dire « oui » après qu'il l'ait suivie sur l'autre continent mais qui n'avait jamais été acceptée par ses parents traditionalistes. Il fallait dire que Joseph Cabanel avait beau être ouvert d'esprit, Rose Boucher concentrait trop de modernisme en une seule et même (petite) personne qu'on ne pouvait que l'adorer ou la détester. Et il avait été achevé en voyant sa propre belle-fille manifester devant le palais Bourbon pour réclamer le droit de vote pour les femmes.
Dans son sillage, la jeune femme aux boucles blondes n'entraînait pas seulement son époux mais aussi un jeune garçon qu'elle tenait par la main mais auquel elle ne prêtait aucune attention jusqu'au moment où, après avoir traversé la moitié d'un champ secoué par le vent, ils atteignirent enfin le petit monoplan. Mais Édouard n'en avait cure et même l'air contrarié de sa mère ne pouvait faire fléchir le sourire qu'arboraient ses lèvres et la joie qui le faisait bondir depuis le moment il avait retrouvé cette mère qu'il vénérait, aussi revêche soit-elle. A huit ans, de toute façon, il était encore trop jeune pour comprendre la raison de l'indignation de Rose, à savoir le refus des autorités de laisser participer l'Union des aviatrices patriotes à l'effort de guerre. Parvenus devant la carlingue, la jeune femme se retourna vers lui avec une mine songeuse et passa une main dans les cheveux blonds de son fils aîné, presque affectueusement :
- J'ai une surprise pour toi, mon chéri.
- Oh maman, vous allez me laisser monter dans votre avion ? S'écria Édouard, plein d'espoir.
C'était ce qu'il demandait à chaque fois que la petite famille se rendait à Étampes lors des entraînements de Rose Boucher mais cette dernière n'accédait pas toujours à sa demande. En l'occurrence, elle lui déclara qu'elle avait encore quelque chose de mieux et passa devant le monoplan pour se rendre jusqu'au hangar où elle salua quelques connaissances, son fils sur ses talons. Édouard était légèrement déçu mais il savait que le présent serait forcément formidable s'il lui venait de sa mère. A chaque fois qu'elle apparaissait (et lui arrivait souvent de disparaître plusieurs mois quand elle se rendait en Égypte), il faisait tout pour attirer son attention et obtenir n'importe quoi de sa part, sourire ou caresse de préférence. Rose était ce genre de mère à la fois terriblement distante et peu affectueuse (après tout, elle n'avait jamais désiré d'enfant) et à la fois exceptionnelle et admirée. Si elle n'était pas sévère, si elle n'offrait guère de tendresse et d'amour, elle prenait souvent son fils sur ses genoux et lui racontait des histoires : comment Osiris avait été coupé en morceaux par son frère Seth et comment Isis était allée chercher tous les morceaux du corps de son époux pour en faire une momie. Comment Rê traversait le ciel dans sa barque avant d'être attaqué pendant la nuit par le serpent Apophis. Comment elle, Rose arpentait les déserts pour retrouver le tombeau de la plus grande femme pharaon Hatshepsout. Et il n'y avait rien de tel pour faire briller des milliers d'étoiles dans les yeux bleus d'un enfant qui partageait son temps entre son collège de Vanves, le Jockey club où le traînait son grand-père et ses cours de tennis.
- Tiens, mon chéri, dit-elle en lui tendant un petit paquet emballé dans du papier journal recouvert d'une écriture arabe, dégoté au fond d'un sac de toile qui lui appartenait et qui était resté au vestiaire.
Sans plus attendre, Édouard arracha le papier et en sortit une petite statuette de chat en bois, très finement réalisée et recouverte d'une peinture noire. Le chat était assis sur son arrière-train et gardait les yeux fixés droit devant lui, les oreilles pointées en avant, comme attentif.
- Oh, c'est pour moi, maman ?
- Il s'agit de la déesse Bastet, expliqua Rose, je l'ai rapportée de mon dernier voyage en Égypte, nous l'avons retrouvée dans un temple. Elle te portera chance et veillera sur toi.
- Elle est tellement belle, je la garderai toujours, je vous le promets, s'exclama le petit garçon en serrant le fragile objet contre lui.
Enfin, un sourire éclaira le visage de sa mère et elle s'approcha pour lui serrer l'épaule avant d'ajouter d'un ton doucereux, les yeux pétillants :
- Mais dis-moi, tu ne voulais pas monter dans mon avion ?

---

E. CABANEL : Ma mère n'a rien à voir avec toute cette histoire. Elle était une étoile filante qui s'est éteinte en juin 1924 quand son monoplan a été pris dans une tempête dans le désert égyptien, j'avais à peine quinze ans. Nous n'avons jamais retrouvé ni son corps ni son avion.
PRÉSIDENT : C'est elle qui vous a donné envie d'être égyptologue ?
E. CABANEL : En effet mais là encore, cela n'a rien à voir avec ce procès. L’Égypte antique est une passion de jeunesse. Laissez ma mère en dehors de tout cela.
PRÉSIDENT : Ne soyez donc pas sur la défensive. Nous cherchons uniquement à comprendre. Après le collège Michelet de Vanves, vous êtes entré au lycée Henri-IV à Paris, n'est-ce pas ?
E. CABANEL : C'était là où avait étudié mon père, oui.
PRÉSIDENT : Vous étiez un élève turbulent mais ambitieux d'après les témoignages que nous avons pu recueillir des personnes qui vous ont connu à cette époque.
E. CABANEL : Est-ce un crime pour un adolescent d'être turbulent ?
PRÉSIDENT : Votre réputation n'était alors pas à faire. Votre ancien professeur de latin, monsieur François Richet a déclaré que vous étiez également impulsif et que vous participiez régulièrement à des bagarres.
E. CABANEL : Que cherchez-vous à me faire dire ? Ce n'était pas « régulier » et du haut de mes seize-dix-sept ans, j'avais toujours d'excellentes raisons.


---
Lycée Henri-IV, mars 1925

- Cabanel, rends-moi mon Gaffiot, s'écria Biauley en voyant son camarade s'apprêter à sortir de la salle de la classe sans lui avoir retourné son précieux livre qui s'était retrouvé pour une raison inconnue (du moins le professeur Richet préférait l'ignorer) à la table d’Édouard Cabanel, soit quatre rangs devant.
Sous l’œil inquiet du professeur, bien qu'habitué que sa salle (la 25bis selon l'administration, la 57 selon la plaque sur la porte, le terrain de jeux selon les élèves) soit le théâtre de tels lancers, un dictionnaire vola de manière nonchalante jusqu'à la tête de Biauley en décrivant une courbe parfaite qui eut fait la fierté du professeur de mathématiques. Avant qu'il ne puisse déterminer s'il était parvenu à assommer son cher camarade, Édouard Cabanel prit la poudre d'escampette et rattrapa en quelques enjambées Alexandre Reigner, au milieu de la cour du méridien, en oubliant momentanément qu'il lui en voulait toujours suite à leur dernière émission de radio – pirate évidemment, sinon c'était moins drôle – pendant laquelle son soit-disant ami avait osé lui dire que personne n'avait rien à faire de Ramsès III et de son complot du harem ce qui avait vexé Édouard, « définitivement » comme il l'avait déclaré sur le coup sur les ondes au milieu de noms d'oiseaux qu'ils se lançaient à la figure. Certes, c'était passer sous silence qu'il s'était lui-même endormi à l'antenne au cours d'une péroraison d'Alexandre mais seuls les auditeurs qui n'avaient pas retrouvé l'ouïe suite au bruit qu'avait fait le micro quand la tête d’Édouard était malencontreusement tombé dessus s'en souvenaient encore. De toute façon, cette brouille durait depuis deux jours, c'était déjà beaucoup trop pour deux amis comme Alexandre et Édouard.
- On tente la sortie à Fénelon demain soir ? Lança l'adolescent avec un détachement feint qui cachait mal l'excitation que lui causait cette idée, ta sœur a pu me transmettre un plan pour rentrer en toute discrétion et c'est bien connu que les pions sont plus distraits le vendredi soir. C'est Lorgnon en plus, on l'entend ronfler dans tout le couloir.
Ce vieux pion avait été le complice involontaire de bien des bêtises faites dans la vieille et vénérable institution comme à le rappeler le proviseur, de l'emprunt des sapins du Panthéon autour de Noël, compétition qu'ils se livraient avec les internes de Louis-le-Grand et qui avait été remportée haut la main cette année-là par Henri-IV aux passages réguliers dans le lieu formellement interdit – et donc particulièrement tentant –, la fameuse tour Clovis qui égrenait les heures passées dans l'enfer de cet établissement, heures de travail acharné et de repos bien mérité. Du moins pour les autres. Car s'ils étaient de jeunes hommes brillants, ils alliaient à leurs qualités une véritable nonchalance et évidemment une arrogance absolument agaçante. Avec sa confiance en lui et ses qualités de beau parleur, tout le monde savait bien qu’Édouard terminerait comme son père à la chambre des députés de toute façon. On espérait juste que le lycée Henri-IV serait toujours debout d'ici là malgré leurs frasques.
Mais avant la réponse d'Alexandre à cette proposition qu'il ne pouvait pas refuser, Agnan Ducort apparut devant eux en balbutiant un discours incompréhensible et en agitant les bras de manière affolée :
- Le père Sacriste a trouvé ses hosties vertes ? Suggéra Édouard avec excitation, en faisant allusion à l'une des plaisanteries par ailleurs fort sympathiques qu'Alexandre et lui avaient joué dernièrement à l'aumônier qui officiait à Henri-IV.
- Lorgnon a enfin trouvé la relique égyptienne, les colorants, les autres produits interdits et donc apparemment le plan de Fénelon dans l'armoire de Cabanel ? Ah non, j'y suis, les restes du sapin de cet hiver qu'il a tenu à conserver ! Proposa Alexandre sans se laisser troubler par le regard noir de son ami.
Ducort s'interrompit quelques instants pour leur adresser une expression perplexe mais choisit de ne pas chercher à comprendre et enchaîna de manière plus limpide :
- Non pas du tout... C'est encore cette bande de première année qui est allée insulter le petit Darenne, tu m'avais dit que tu voulais le savoir, Cabanel, toute la cour ne parle que de ça. Ils l'ont traité de « femmelette » à force d'être toujours derrière son livre, de « couard » et...
Mais Édouard n'en avait pas besoin de davantage et il n'eut besoin que d'un regard interrogateur envers Alexandre pour savoir qu'il était avec lui pour aller venger l'honneur de son cousin. Face à l'adversité, leur amitié née dès les premiers jours du lycée faisait taire tout le monde. Et cette contravention à leur autorité – car il était évident qu'on ne touchait pas au cousin de Cabanel, méritait punition. Édouard remonta ses manches et se dirigea droit vers la « bande » comme l'appelait Agnan, encore près du banc où Dominique avait fermé son livre, flanqué d'Alexandre qui n'arborait pas son air le plus aimable. Il apostropha la tête du groupe, un cancrelat à peine aussi grand que lui :
- Hé toi ! Répète un peu ce que tu as osé dire à mon cousin ?
Il allait frapper sans même attendre la réponse mais le cancrelat en question eut la mauvaise idée de rétorquer avec un sourire malin en avisant Alexandre :
- Tiens, Cabanel, tu te sens obligé de venir avec ta cavalerie pour sauver Darenne ?
La protestation de Dominique qui ressemblait à quelque chose comme « ça n'en vaut pas la peine » passa totalement inaperçue car ce fut le poing de Reigner qui s'enfonça dans le nez du garçon et le fit chuter à terre, déclenchant par là-même le début des hostilités. Les camarades des deux amis rentrèrent bientôt dans la bagarre sans vraiment savoir quels en étaient les enjeux et la cour du méridien fut la scène d'une bataille dont le lycée Henri-IV se souviendrait longtemps. Si les pions durent intervenir pour séparer tout le monde, on put dire qu'Alexandre et Édouard étaient largement vainqueurs, et d'ailleurs la touffe de cheveux du cancrelat qu'Edouard avait en main était là pour le prouver. Dominique bondit sur lui pour l'accabler de reproches dès qu'il fut tiré d'affaire :
- Franchement, quelle idée de se mettre dans des états pareils ! Rien ne vaut l'indifférence, ajoutait-il d'un air sérieux (qui ne ressemblait pas à Édouard) en rangeant son livre dans son sac pour l'entraîner sur un banc afin de soigner une main blessée.
- Il t'avait insulté, grommela Édouard, j'ai promis à tante Darenne de garder l’œil sur toi et de t'aider en cas de problème.
Il n'était pas certain que sa tante qui l'avait pris sous son aile, lui et Maxime depuis la mort de leur mère et la profonde mélancolie de leur père, ait pensé à ce genre d'aide quand elle l'avait demandé à Édouard mais ce dernier considérait qu'il fallait être plus clair dans ces cas-là. La cloche sonna pour annoncer le début du cours de physique-chimie et Édouard se leva d'un bond pour rejoindre Alexandre qui lui faisait des signes qui indiquaient qu'un Sacriste fort énervé venait vers eux. Tant mieux, au cas où il les retrouverait, ils seraient armés d'acide et de scalpels.

---

PRÉSIDENT : Oh mais je ne doute pas que vous aviez de bonnes raisons, vous aviez sans doute un grand sens de justicier à cette époque. Vous avez côtoyé d'éminentes personnalités au lycée Henri-IV à cette période d'après ce que j'ai cru comprendre.
E. CABANEL (après un temps de silence) : C'est le cas, j'ai été l'élève du professeur Alain en philosophie.
PRÉSIDENT : Vous étiez également dans la classe de monsieur Charles Biauley, qui était de la même année que vous. C'est là que vous l'avez connu, n'est-ce pas ?
E. CABANEL : Je l'ai connu au lycée, oui. Où voulez-vous en venir ?
PRÉSIDENT : Monsieur Biauley est une personnalité que messieurs les jurés connaissent bien. Il a été convaincu d'intelligence avec les Allemands lors de son procès en 1945 et de faits de collaboration...
E. CABANEL : Biauley n'a jamais été mon ami ! J'étais également dans la classe d'Agnan Ducort et vous pourrez toujours chercher à salir son nom pour mieux m'accuser, vous n'y parviendrez pas !
PRÉSIDENT : Je vous prie de garder votre calme, monsieur Cabanel. Nous tenions juste à éclaircir quelles relations vous aviez avec monsieur Biauley, une connaissance de jeunesse, donc.
E. CABANEL : Nous ne nous sommes pas revus pendant des années après notre sortie du lycée jusqu'à mon retour à Paris en 1942.
PRÉSIDENT : Il étudiait pourtant à la Sorbonne comme vous, n'est-ce pas ?


---
Marches du Panthéon, octobre 1929

- C'est pas Biauley là-bas au loin qui sort de la fac ? Notre cher Brutus fait du droit ? S'exclama Édouard en pointant une vague silhouette de l'autre côté de la place qui se faufilait dans la petite masse des étudiants, remarque, ça lui va bien, c'est bien le genre à embobiner son monde derrière sa face de traître !
- Tu sais que je suis contraint de le supporter dans ma promo une année de plus, alors que je le vois déjà bien assez dans mes entraînements d'escrime ? Répliqua Alexandre Reigner en s'asseyant à ses côtés sur les marches sous le fronton du Panthéon où trônait la fameuse devise « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », alors si on pouvait éviter de gâcher notre salive avec Brutus...
Édouard lui tapota l'épaule en signe de compassion, un peu amusé et enchaîna, le regard toujours perdu sur cette place où ils avaient commis tant de leurs forfaits (quelle idée d'y planter des sapins, aussi, c'était un appel au vol !) :
- Ne t'inquiète pas, je sais que tu rêves d'entendre mes aventures égyptiennes...
- J'aimerais surtout comprendre le pourquoi de cette statuette que tu m'as..., l'interrompit Alexandre qui devait n'avoir aucune envie d'écouter son ami monologuer sur Néfertiti ou Cléopâtre, ce qui laissait pourtant présager le sourire ravi d’Édouard et son teint bronzé acquis sous le soleil d'Afrique du Nord.
- Ah, je savais qu'elle te plairait, s'écria le jeune homme d'un ton réjoui avant d'ajouter d'un ton de confidence : ce chantier de fouilles était absolument fascinant et nous avons déterré plusieurs petits objets de bronze de cette sorte mais quand j'ai reconnu Alexandre – c'est sur un modèle de Lysippe vois-tu, il est parfaitement reconnaissable malgré son absence de lance –, je me suis dit qu'il était pour toi.
Pendant quelques minutes qui parurent sans doute très longues au jeune Reigner, Édouard se laissa aller à son enthousiasme pour décrire l’Égypte actuelle, la façon dont il s'était retrouvé dans une mauvaise posture en dérobant la statuette et surtout la joie qu'il avait eue en découvrant la tombe d'un scribe de la Basse époque « bon, certes, pas aussi riche que celle de Toutankhamon » – et il comptait bien y retourner pour partir à la chasse de celle d'Hatshepsout. Pendant quelques mois, il avait réussi en effet à partir dans le pays rêvé de son enfance avec une mission française, lesquelles s'étaient multipliées depuis les fabuleuses découvertes du début de la décennie. L'élève dissipé qu'il était s'était voué en jeune homme sérieux et ambitieux même s'il ne résistait pas à l'attrait de quelques bêtises, et son travail avait été apprécié au sein des archéologues rencontrés pour la plupart à l’École du Louvre qu'il avait intégrée à sa sortie du lycée, en même temps que la Sorbonne où il avait suivi une formation en lettres et en langues (seul endroit où miracle, il y avait des filles !). Son meilleur ami, Alexandre, avait suivi une voie différente en choisissant le droit mais les deux garçons s'étaient retrouvés sur les bancs de l’École de Sciences Politiques – en même temps que François Richet qui avait fini par quitter Henri-IV... Et au grand désespoir de celui-ci.
Profitant d'un instant où Édouard reprenait son souffle, Alexandre prit la parole pour lui demander :
- Nous avons à peine pu nous croiser à ton retour d'Angleterre. Pourquoi être parti si tôt pour l’Égypte ?
- C'était une occasion inespérée et on m'a plus embarqué que proposé de venir de toute façon. Tu sais que mon père m'a trouvé un poste chez un député pour que je me forme au métier comme il dit, je commence dans quelques semaines. C'était bien là les seuls mois de libre que j'avais.
- Comment était Oxford ?
A ces mots, Édouard eut un sourire rêveur. Comment décrire cette université où il avait vécu une année formidable ? Il avait le don pour repérer les situations favorables aussi avait-il sauté sur l'occasion qui lui avait été offerte de passer un an en Grande-Bretagne où il avait pu perfectionner son anglais – même si l'intérêt de la chose dépassait totalement son père – et découvrir les us et coutumes de ce peuple étrange de l'autre côté de la Manche. Les premières semaines avaient été un peu difficiles mais il s'était vite habitué à ce nouveau mode de vie et son assurance et sa facilité à se faire remarquer en toutes circonstances lui avaient très vite attiré des amis et il avait passé d'excellents moments en leur compagnie. Et puis il fallait bien avouer que les Anglaises étaient plutôt jolies... Il allait développer ce thème (essentiel) quand un jeune adolescent tout aussi blond que lui fit irruption à leurs côtés.
- Maxime ! Que fais-tu ici ? Tu vois bien que je suis en pleine conversation ! S'écria Édouard d'un ton de reproche alors que son frère haussait les épaules comme si ce n'était pas bien intéressant.
Maxime était rentré peu de temps auparavant au lycée Henri-IV et semblait bien décidé à perpétuer la réputation des Cabanel au sein du vénérable établissement qui s'était à peine remis des frasques de Reigner et de son aîné. La frayeur des professeurs à la lecture de la liste d'appel en arrivant aux « C » était pour Maxime chose bien réjouissante.
- Désolé, grand frère, mais Alex m'a promis de me fournir un secret de vos années lycée, répondit le jeune garçon en passant une main dans sa chevelure, le décoiffant encore un peu plus.
- Pour les sapins, faut pas faire ça le premier soir, les flics sont toujours sur le coup mais ne laissez pas traîner où les mecs de Louis-le-Grand vous auront doublés, ânonna Édouard, si ce n'est que ça... D'ailleurs, je compte sur toi pour faire honneur à Henri-IV, c'est pas normal que nous ayons perdu ces deux dernières années, à croire qu'il n'y a personne pour prendre la relève !
- Encore mieux ! Avança Maxime avec malice et en récupérant un bout de papier que lui tendit Alexandre, bout de papier dont il devina tout de suite la teneur en le reconnaissant :
- Oh non, le plan de Fénelon ?
- Ton frère a une demoiselle à y retrouver, il paraît !
- Elle s'appelle Emy et elle est vraiment très jolie et très intelligente, je suis sûr d'avoir mes chances...
Édouard haussa un sourcil perplexe mais ne protesta pas davantage. Après tout, son frère aurait tout le temps de se rendre compte que le plan dessiné en son temps par la sœur d'Alexandre avait pour principale caractéristique d'être illisible !

---

E. CABANEL : Biauley n'était pas à la Sorbonne à proprement parler mais à la Faculté de droit, j'ai rarement eu l'occasion de le rencontrer. Et il n'était en aucun cas un ami. Vous ne pouvez me reprocher d'avoir été en classe avec lui.
PRÉSIDENT : Non, évidemment. Mais changeons de sujet, voulez-vous ? Étiez-vous proche de votre frère, Maxime ?
E. CABANEL : Nous avions six ans d'écart, en conséquence je me suis toujours senti responsable de lui.
PRÉSIDENT : Votre père n'exerçait qu'une autorité très lointaine...
E. CABANEL : En effet, il voulait le meilleur pour nous mais je pense qu'il a été en deuil tout le restant de sa vie après la mort de ma mère. Nous n'avons pas partagé de jeux ensemble mais je lui portais et je continue de lui porter une grande affection. Il est mon frère.
PRÉSIDENT : Quitte à aller le chercher dans des commissariats ?
E. CABANEL : Je ne l'ai fait qu'une fois, il avait volé des sapins sur la place du Panthéon dans le cadre de la rivalité avec le lycée Louis-le-Grand.
PRÉSIDENT : Mais vous l'avez toujours soutenu, n'est-ce pas ?
E. CABANEL : Oui, il était un jeune garçon un peu indécis, je l'ai toujours aidé à trouver sa voie, il venait souvent me voir même après mon mariage avec ses conquêtes car il savait que notre père n'aurait pas apprécié et notre tante encore moins.
PRÉSIDENT : Il nous a confié l'admiration qu'il avait pour vous. Il est certain que vous ne l'auriez jamais laissé tomber dans les moments difficiles.
E. CABANEL (l'interrompant) : Oui mais...
PRÉSIDENT : Silence, monsieur Cabanel, s'il vous plaît. Votre frère était peut-être indécis mais en 1939, il a quitté ses études de droit pour s'engager dans l'armée. Que lui avez-vous dit ?
E. CABANEL : Que c'était folie bien sûr.
PRÉSIDENT : Mais vous l'avez laissé partir ?
E. CABANEL : Maxime peut être terriblement buté mais là encore...
PRÉSIDENT : En mai 1940, il est fait prisonnier par les troupes allemandes et amené sur le territoire allemand dans un camp de prisonniers, est-ce exact ? Espériez-vous sa libération ? Répondez !
E. CABANEL (après un silence) : Oui, évidemment mais jamais je n'ai pensé collaborer pour le voir libre, il m'envoyait des lettres, il était bien traité !
PRÉSIDENT : Merci, monsieur Cabanel. Messieurs les jurés... Nous allons lever séance et reprendre dès demain avec audition des témoins.







Dernière édition par Edouard Cabanel le Mer 2 Juil - 1:00, édité 22 fois
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Dim 3 Fév - 23:32

Bienvenue sur YT ! cutehi

Bon courage pour la rédaction de ta fiche ! joy
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Dim 3 Fév - 23:38

Salut à toi, la personne qui se cache derrière ce personnage que je connais face

Bon courage pour ta fiche happy
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Emy Hale
Emy Hale
La chance ne sourit pas à ceux qui lui font la gueule.



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Je parle pas aux cons, ça les instruit.
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PAPIERS !
■ religion: Irrémédiablement athée.
■ situation amoureuse: Célibataire endurcie, le couple c'est bourgeois et catholique, d'abord.
■ avis à la population:

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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Dim 3 Fév - 23:49

(Non je n'ai pas changé de compte exprès face)

Aaaaah Eddy, cher Eddy... bienvenue :gnihi:
Après en avoir tant parlé (a)

J'ai vraiment hâte de lire l'histoire hearrts
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Dim 3 Fév - 23:50

Mon cousin anti-clérical préféré que moi aussi je sais qui tu es face

Bienvenue (ou plutôt re-bienvenue) sur le fofo ! J'ai hâte de voir enfin la fiche d'Eddy, depuis le temps face
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Lun 4 Fév - 2:37

Mais quelle surprise pas surprenante face j'ai hâte de lire ta fiche =D
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Lun 4 Fév - 12:30

Je sais pas t'es qui face
Mais je te souhaite la bienvenue quand même \o/
Une certaine partie de moi-même a hâte de lire cette fiche ! :gnhehe:
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Mar 5 Fév - 20:37

Tiens donc! Toi? Ici? face

(oui, ceci vaut un "bienvenue" x) )
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Edouard Cabanel
Edouard Cabanel
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■ profession : Ambassadeur de Vichy à Paris

PAPIERS !
■ religion: Ne croit qu'à la politique. Dieu ? ça fait longtemps qu'il n'existe plus, non ?
■ situation amoureuse: Coincé dans un mariage malheureux avec Madeleine Claussat. Trop occupé à cause de son beau-père pour avoir le temps d'aller voir ailleurs.
■ avis à la population:

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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Dim 10 Mar - 19:38

Minutes du procès de monsieur Édouard Cabanel
Cour d'Assises de Paris – Avril 1949

2ème audition, 06 avril 1949
[…] Pendant l'audition des différents témoins, monsieur Cabanel est resté impassible et n'a pas baissé la tête une seule fois pour fixer monsieur Maxime Cabanel ou mademoiselle Rose Cabanel. Son visage n'a pas ébauché un sourire excepté lorsque son frère, Maxime Cabanel a protesté contre ce qu'il appelle la « partialité de ce jury ». [...] Le président de séance a décidé de poser une nouvelle série de questions à l'accusé.
PRÉSIDENT : En 1930, vous décidez d'épouser mademoiselle Madeleine Claussat, la mère de mademoiselle Rose Cabanel à laquelle nous venons de poser quelques questions. Comment l'aviez-vous rencontrée ?
E. CABANEL : Lors de soirées mondaines, le genre de soirées auxquelles vous êtes obligé de participer lorsque vous voulez vous faire des relations. Mon père en avait déjà beaucoup mais je devais me faire connaître par moi-même.
PRÉSIDENT : Vous saviez alors qu'elle était la fille de monsieur Léon Claussat, député socialiste indépendant ?
E. CABANEL : Qui ne le savait pas ? Évidemment le nom de Claussat était moins connu à l'époque, ou du moins pas pour les mêmes raisons qu'aujourd'hui mais son père connaissait le mien de longue date et je savais qu'une telle alliance était intéressante.
PRÉSIDENT : Etiez-vous amoureux d'elle ?
E. CABANEL : Cela ne vous regarde pas.
PRÉSIDENT : Je reformule ma question alors : l'avez-vous épousée uniquement par intérêt ? Parce que vous saviez qu'à partir de là, vous auriez un beau-père influent et puissant ?
E. CABANEL : J'ignorais que la justice était là pour donner son opinion sur les mariages contractés par les accusés. Pourquoi ? Si je l'avais épousée sans amour, cela vous pose-t-il un problème ? Je vous trouve bien romantique !


---
Chambre des députés, Paris, avril 1933

- Félicitations, Cabanel ! S'exclama un député radical du nom de Hay d'une voix de stentor matinée d'un accent charentais en tapotant dans le dos du jeune homme qui pénétrait tout juste dans le salon Delacroix du palais Bourbon, pièce réservée aux députés qui siégeaient à gauche.
- En quel honneur ai-je le droit à vos félicitations ? Sourit Édouard, pas le moins du monde impressionné par la carrure de son aîné.
- Tout d'abord pour nous rejoindre, à force de vous voir arpenter ces couloirs, je me doutais bien que je finirais par vous retrouver assis à mes côtés. Le plus jeune député est radical, voilà qui est un honneur ! Enfin il faut bien dire que ça ne va pas nous poser de problème, au moins, le siège ne change pas de nom.
- Voilà, vous n'êtes pas en risque de vous tromper quand vous serez à court d'arguments et que vous aurez besoin de moi pour aller à la tribune, répliqua le jeune homme au tac-au-tac.
Jean Hay éclata d'un rire qui fit trembler les murs du salon Delacroix et il sembla à Édouard que tout le monde se tournait vers eux même les allégories de l'Agriculture ou des différents fleuves ou mers de France peintes par l'artiste du même nom.
- Je vois qu'on sait sortir les griffes ! Et qu'on ne manque pas de confiance en soi, j'ai hâte d'écouter votre premier discours !
Édouard répondit qu'il espérait ne pas décevoir mais l'excitation qui lui était propre courrait déjà dans ses veines et il savait qu'avec une telle provocation, il allait très vite être envoyé poser des questions ou donner l'avis de son groupe parlementaire sur telle ou telle question pour qu'on puisse le tester. Mais ce n'était pas ce genre de choses qui pouvait l'inquiéter, cela faisait des années qu'il avait attendu le moment où son père se retirerait comme maire de Vanves pour lui laisser son siège. Il avait été facilement élu dans ce bastion radical et enfin, il était passé de l'autre côté de la barrière. Enfin, il n'allait plus devoir s'asseoir et simplement écouter, lui aussi entrait dans l'arène et pouvait participer à cet immense jeu d'échecs que se livrait la chambre des députés, renversant régulièrement le roi et sa cour – toute métaphore gardée dans une république. Il se savait bon orateur, ses années à étudier la littérature et les sciences politiques lui avaient servi à quelque chose et surtout, il ne se laissait jamais démonter. C'était ce jeu entre les partis, ces alliances prêtes toujours à être détruites qui le fascinaient. Parfois, il se souvenait que c'était l'avenir d'un pays qui se jouait dans ces discussions enflammés mais pour rien au monde, il n'aurait voulu se taire. La politique c'était d'abord celle des bons mots plus que des mesures.
- Mais il est vrai qu'on doit aussi vous féliciter pour tout autre chose , annonça Léon Claussat en s'avançant vers le petit groupe, vous avez une naissance à fêter, n'est-ce pas ?
Édouard se rengorgea pour annoncer fièrement :
- Oui, mon épouse a donné naissance à une petite fille avant-hier, nous l'avons appelé Rose.
- Ainsi vous êtes grand-père , poursuivit Jean Hay en donnant une bourrade à Claussat qu'il connaissait depuis toujours ou presque, bravo.
Léon Claussat remercia, adressa un coup d’œil à son gendre avant de se décider à rejoindre le reste de socialistes indépendants, ce petit groupe exclu de la SFIO quelques temps auparavant. Évidemment il avait donné un coup de pouce non négligeable pour l'élection d’Édouard mais il semblait considérer de sa responsabilité de favoriser la carrière de celui qui avait épousé sa fille unique. C'était bien là la seule consolation pour le jeune homme. Pourtant tout avait bien commencé entre Madeleine et lui, il l'avait tout de suite remarquée dans les quelques soirées mondaines auxquelles il participait en tant qu'attaché parlementaire ou conseiller de députés. Tous deux avaient un point commun : ils n'étaient jamais seuls mais toujours entourés de connaissance et d'amis. Madeleine était au centre d'un petit groupe de jeunes femmes de son âge qui riait à ses plaisanteries – Édouard devait apprendre plus tard qu'elle avait un don certain pour les moqueries – et elle possédait de courts cheveux bruns, frisés ainsi qu'un sourire éblouissant. Il avait cherché à l'approcher et elle lui laissait faire des avances, par pure frivolité, flattée qu'un beau garçon s'intéresse à elle. Il était tombé amoureux, idiot qu'il était ! Leurs pères respectifs étaient alors entrés en scène pour organiser des fiançailles puis un magnifique mariage pour unir leurs destinées. Édouard était un jeune homme ambitieux et calculateur. Son cœur semblait là s'accorder à sa raison dans le cas présent. Un mariage aussi bien d'amour que d'intérêt. Alexandre avait bien été une voix discordante en conseillant à son ami de ne pas épouser une telle femme qui ne lui inspirait pas confiance mais il était bien connu que les sentiments aveuglent.
Trois ans plus tard, Édouard avait bel et bien ouvert les yeux et découvert que son épouse n'était pas la femme charmante et intelligente qu'il avait connue dans les soirées mondaines. Quand l'amour s'étiole, on découvre tous les défauts qu'on avait refusé de voir jusqu'alors. Madeleine était l'une de ces femmes de peu de cœur et d'esprit peu élevé. Détestant les conversations trop intellectuelles (dans la catégorie desquelles elle avait rangé tout ce qui avait trait à l’Égypte) tout comme la lecture ou l'art, elle se complaisait à l'inverse dans les futilités et les ragots qu'elle partageait avec joie avec ses compagnes. Elle faisait une parfaite épouse pour un homme politique pour autant mais Édouard était considérablement déçu. Il aurait presque préféré rester amoureux et ne jamais savoir à quelle femme il avait uni son existence. Les « Je te l'avais dit » d'Alexandre n'arrangeaient rien à son amertume. Il s'efforçait pour autant de rester bon ami avec elle et il espérait que la naissance de leur fille, la petite Rose (car elle avait catégoriquement refusé de prendre un nom tel que « Néfertiti » ou « Cléopâtre » au grand désespoir d’Édouard), prénommée comme la mère d’Édouard allait les réconcilier. Du moins, donner un sens à leur mariage.
- Allez Cabanel, on va vous laisser entrer premier pour votre première fois , l'apostropha Jean Hay.
Avec un grand sourire de victoire, Édouard passa au milieu de la haie formée par les députés radicaux, socialistes et communistes pour pénétrer dans l'hémicycle. Maintenant qu'il était là, il n'avait pas l'intention d'en sortir de sitôt !

---

PRÉSIDENT : Gardez votre calme, monsieur Cabanel, votre colère ne vous aidera à vous disculper, au contraire. Je tenais seulement à souligner les liens que vous partagiez avec monsieur Claussat, liens dont vous étiez parfaitement conscient et dont vous avez usé. Revenons sur la façon dont vous êtes devenu député de Seine, s'il vous plaît.
E. CABANEL : Mon beau-père m'a aidé en effet mais si je suis parvenu à être élu député, c'était surtout grâce à mon père qui voulait se retirer de la Chambre parce qu'il était, dès cette époque, très fatigué et malade. Je me suis présenté à sa suite.
PRÉSIDENT : Pourquoi vouliez-vous devenir député et entrer en politique ?
E. CABANEL : Suis-je obligé de répondre à cette question ?
PRÉSIDENT : Nous cherchons à comprendre, vous étiez passionné d'égyptologie et vous aviez fait des études de lettres et d'histoire de l'art qui auraient pu vous conduire à d'autres carrières qu'à celle de votre père. Votre fille, mademoiselle Rose Cabanel, a elle-même témoigné devant ce tribunal que vous étiez resté fasciné par la civilisation égyptienne...
E. CABANEL : Est-ce un crime d'avoir une passion ? Il n'a jamais été question d'hésitation, c'était ce que je devais faire et c'était le métier que je voulais exercer. Je n'ai pas une seule seconde douté.
PRÉSIDENT : Pourtant vous n'étiez pas animé de grandes convictions, vous n'aviez pas de causes à défendre – exceptée peut-être celle de la laïcité encore que vous ayez gardé le silence lorsque la loi de 1904 interdisant aux religieux d'enseigner dans les établissements publics a été abrogée en septembre 1940 ou lorsque des subventions ont été accordées aux écoles privées en 1941. Les débats et les votes font preuve de votre grande facilité à passer d'un avis à l'autre au gré des changements d'alliance.
E. CABANEL : Je suivais les consignes de mon parti. Cherchez donc le vertueux qui est toujours resté ferme dans ses positions à la Chambre, vous ne le trouverez pas !
PRÉSIDENT : Mais vous saviez bien où étaient vos intérêts... Ainsi, en 1936, après votre facile réélection sur les thèmes du Front populaire, vous avez été l'un des plus jeunes à entrer au gouvernement Blum. C'était déjà une belle réussite. Qu'aviez-vous promis en échange ?
E. CABANEL : Comment osez-vous faire de telles insinuations !


---
Ministère des Affaires étrangères, Quai d'Orsay, novembre 1936

- Quelles nouvelles d'Espagne ? Demanda Édouard Cabanel en se laissant tomber sur un fauteuil du cabinet alloué généreusement par le ministre aux secrétaires d’État et autres conseillers du Quai d'Orsay, lesquels étaient pour la plupart pendus au téléphone et en train de déchiffrer leurs télégrammes venus du monde entier.
Il venait de rentrer d'une séance houleuse à la Chambre où les députés en étaient presque venus aux mains sur cette même question et les atermoiements du gouvernement n'aidaient en rien Édouard à défendre ses positions. En tant que spécialiste de la Grande-Bretagne, en soit, il ne trouvait que peu d'intérêt à ce qui se passait dans les pays du sud mais plus les mois passaient et plus la république espagnole était en danger et il sentait bien l'inquiétude palpable que cela créait au sein du ministère des Affaires étrangères. S'il pouvait comprendre l'opposition de l'Alliance démocratique (c'était bien connu que ce parti avait tendance à rassembler les imbéciles comme il ne cessait de le répéter à Alexandre depuis que celui-ci avait tourné sa veste au lendemain de l'élection du Front populaire), il y avait même eu quelques députés radicaux pour s'opposer à l'idée de prendre les armes pour aider les républicains alors que les communistes, ces rouges qui vitupéraient pour un oui ou un non, incapables de soutenir le gouvernement qu'ils avaient pourtant élu, semblaient prêts à mettre l'Europe à feu et à sang tandis que les socialistes préféraient demeurer attentistes. De fait, même Édouard qui n'était pas connu pour s'angoisser facilement reconnaissait que la situation était délicate. Épuisé par les heures de débat qui n'avaient mené à rien sinon à déchirer encore plus les trois partis au pouvoir, il s'enfonça dans le fauteuil et ferma les yeux quelques secondes, sans s'apercevoir qu'il n'avait même pas ôté sa veste.
- Hitler a envoyé sa légion Condor au secours des franquistes qui veulent prendre Madrid aux dernières nouvelles, lui lança l'un de ses collègues.
- Évidemment, soupira Édouard, semblant oublier que la France avait fourni des armes aux républicains, à quoi bon respecter les engagements internationaux ?
Abandonnant là le problème qu'il avait cherché à résoudre une bonne partie de la journée, il se saisit d'un journal et entreprit d'en commencer la lecture en diagonale à la recherche d'informations qui pourraient l'intéresser, au milieu du crépitement des machines à écrire et des éclats de voix. Il se sentait parfaitement à l'aise au cœur même de la diplomatie malgré le peu de mois qu'il y avait passé. C'était le ministre radical Yvon Delbos lui-même qui avait demandé un député maîtrisant parfaitement l'anglais pour le conseiller sur les affaires avec les pays anglo-saxons. De fait, Édouard avait rapidement prouvé qu'il était polyvalent et qu'il savait aussi bien négocier que se battre à la Chambre des députés. Son jeune âge l'avait même conduit à se faire de véritables amitiés au sein de son parti avec des jeunes gens emplis d'enthousiasme et d'idées, souvent connus lors des manifestations auxquelles il avait participé en février 1934 pour faire barrage au fascisme. Jean Zay, Pierre Mendès France ou Pierre Cot voulaient tous rénover en profondeur le parti radical en s'appuyant sur le planisme (Édouard ayant voyagé aux États-Unis leur offrait un point de vue intéressant et il les soupçonnait de ne l'avoir approché que pour cela à l'origine), la réforme du régime parlementaire et la fédéralisme européen. La presse les appelait les « Jeunes Turcs », un peu par dérision. Mais leur chef de file, Édouard Daladier était au gouvernement et tous les espoirs semblaient permis.
- Ne regardez pas la page « France », lui conseilla une attachée parlementaire qui passait par là et avec laquelle il avait sympathisé.
Immédiatement, Édouard avança jusqu'au passage concerné pour constater que ce journal de droite continuait à s'en prendre aux ministres juifs du gouvernement et notamment à Léon Blum. Les quelques insultes qu'il put lire lui donnèrent la nausée mais il y avait pire encore : la cabale contre Roger Salengro à l'Intérieur reposant sur des accusations de désertion lors de la Première guerre mondiale se poursuivait. Agacé, Édouard chiffonna le papier dans l'indifférence générale et parvint à le lancer du premier coup dans la corbeille, signe que ses années de pratique du tennis dans sa jeunesse lui avait servi. Il ne connaissait pas personnellement Salengro mais il avait été amené à travailler avec l'un de ses conseillers, Philippe Gauthier et il aimait beaucoup taquiner ce dernier sur ses mésaventures avec une jeune femme à laquelle il faisait la cour, une certaine Lucie et lui donnait parfois des conseils pleins de bon sens car à défaut d'avoir un mariage réussi, Édouard était un charmeur plutôt doué. A force de travailler avec eux, il avait appris à connaître les socialistes et admirait leur force de conviction et leur volontarisme. Et bien qu'il ne soit pas sorti du même monde, Gauthier et lui s'entendaient plutôt bien.
- Cabanel ? Ah bien vous êtes encore là, s'exclama le chef de cabinet en tombant sur lui au sens figuré et quasiment au sens propre, vous devez filer à la Guerre, Daladier vous demande. Quelque chose à voir avec le vote du budget, il a besoin de savoir quelles orientations se dessinent pour l'Espagne.
- Je pensais qu'en tant que conseiller, je ne ferais pas le travail de pigeon voyageur, répliqua Édouard d'un ton goguenard mais en se levant tout de même.
Le chef de cabinet demeura un instant stupide avant de comprendre qu'il s'agissait d'une plaisanterie et partit en levant les yeux au ciel. Édouard se massa la nuque et se dit qu'il en avait encore bien pour quelques heures d'âpres discussions entre ceux qui s'inquiétaient de la montée en puissance de l'Allemagne dont elle venait de faire étalage lors des jeux olympiques (Édouard, bien qu'invité, avait décliné pour être présent à la naissance de sa deuxième fille, Léonie) et voulaient stopper les fascismes en Europe et ceux qui ne voulaient rien faire sans l'Angleterre. Daladier voudrait sûrement son point de vue car il le savait du même avis que lui. S'il était favorable à la paix en Europe, Édouard savait bien que les dépenses militaires devaient être accrues. Cela promettait d'être long et ennuyeux. Il aurait bien besoin d'un verre pour se remettre de ses émotions avant de rejoindre Madeleine. A pas de loup, il s'approcha d'une dactylographe qui venait de terminer d'envoyer un télégramme et s'appuya contre son bureau pour la gratifier d'un large sourire :
- Chère Hélène, peut-être pourriez-vous me rendre un service ?
La jeune femme s’empourpra, lui répondit qu'elle n'avait pas le temps mais finit par céder après s'être fait un peu désirer. Elle finit par se saisir de son télégraphe :
- Que voulez-vous envoyer ? Pour la Chambre des députés, c'est cela ?
- Voilà. RDV ce soir au bar Le Caribou. Stop. Pas avant 19h. Stop. Prépare la monnaie. Stop. Pas d'excuses. Stop. Signé Octave. Stop.
- Pardon ? S'étonna la secrétaire.
- Oui, Octave, voilà. A l'attention d'Alexandre Reigner.
- Reigner... Le député de droite ?
- Vous connaissez beaucoup de députés appelés Reigner qui se lancent dans de longues péroraisons dont personne n'a rien à faire dans l'assemblée – tout le monde dort d'ailleurs – et profitent de leur voix de stentor – forcément à force d'avoir hurlé dans des prétoires – pour déranger les discours des autres ? S'écria Édouard d'un ton joyeux.
La secrétaire sembla penser qu'il était plus prudent de ne faire aucune remarque, même s'il était parfaitement étrange qu'un député radical puisse donner rendez-vous à un député de droite dans un bar, aussi se tût-elle jusqu'au moment où le télégramme fut dûment envoyé.
- Vous êtes un ange, Hélène ! Lui dit-il en guise de remerciement avant de partir.

---

PRÉSIDENT : Vous êtes conscient d'avoir été accusé d'avoir fait chuter le gouvernement Blum en juin 1937... C'est en tout cas ce que l'on retrouve dans la presse à scandales...
E. CABANEL : C'est une accusation ridicule ! Depuis quand vous basez-vous sur ce genre de... Papier pour préparer vos questions ? Mais on m'a accusé de tout et n'importe quoi après juillet 1939, comme si j'avais pu faire tomber le gouvernement dans lequel j'étais et qui devait redresser la France !
PRÉSIDENT : Pourtant...
E. CABANEL : J'avais une grande admiration pour Léon Blum qui n'a jamais vacillé malgré toutes les horreurs qui ont circulé sur son nom, tous les propos antisémites qu'on lisait quotidiennement dans les nationaux. J'aurais été incapable de comploter contre lui...
PRÉSIDENT : Oh oui, nous aurons l'occasion de reparler de cette « admiration éperdue ». J'aimerais que l'on revienne sur les événements de juillet 1939 justement. Lorsque votre nom est sorti sur toutes les unes des nationaux pour une affaire de trahison.
E. CABANEL : Je ne souhaite pas reparler de ces événements.
PRÉSIDENT : Nous le devons pourtant car c'est à la suite de cela que vous avez été mis au ban du parti radical... Votre propre parti dont vous aviez suivi les lignes directrices si scrupuleusement, n'est-ce pas ?


---
Appartement de la famille Cabanel, Paris, septembre 1939

La porte d'entrée claqua, faisant sursauter Madeleine qui était assise sur un fauteuil pour lire ses lettres. Elle leva les yeux sur son époux, prête à lui demander comment s'était passée sa journée mais s'avisant de l'air furieux qu'il arborait, elle ne fit aucun commentaire. Contrairement à son habitude, Édouard ne s'arrêta pas pour embrasser ses petites filles dont l'aînée, Rose, six ans, jouait avec des effigies en bois des dieux égyptiens dans un coin de la pièce, objets que, malgré tous ses efforts, Madeleine n'avait pas réussi à ôter des mains de la fillette alors qu'elle aurait mille fois préféré la voir jouer avec un poupon qu'avec Osiris dans ses bandelettes et Hathor aux seins découverts. Léonie voulut s'élancer vers son père mais il se détourna sans paraître la voir, au grand désappointement de la gamine, et lançant un journal en direction de sa femme, il lui jeta un regard noir et quitta la pièce pour aller s'enfermer dans son bureau. Quelle mouche l'avait piqué ? La jeune femme tendit la main pour lire la une et ne trouvant rien d'intéressant, faillit renoncer, pensant que son époux était encore furieux pour des histoires sans grand intérêt comme l'histoire du prix du lait dont personne n'avait rien à faire. Mais entre plusieurs encarts consacrés à l'invasion de la Pologne et la mobilisation générale qui en avait découlé (Madeleine ne comprenait d'ailleurs pas pourquoi il fallait aller se battre pour un pays qui avait déjà été conquis), elle vit quelques lignes entourées d'un trait rouge : « Le radical Édouard Cabanel, mis au ban de son propre parti ». Visiblement, les députés avaient très mal pris les révélations du Petit Parisien, sorties dans l'été. Elle songea un instant à aller rejoindre son époux mais décida que le mieux était encore de le laisser reprendre ses esprits seul.
Édouard avait de nouveau claqué la porte de son bureau derrière lui et un instant, s'adossa contre le battant. Il se sentait fou de rage et toute cette colère était tournée contre une personne, celle qui avait divulgué les arrangements secrets qu'il avait pris pour faire chuter le gouvernement Daladier en mai. Il n'avait pas fallu beaucoup pousser les communistes pour qu'ils ôtent leur soutien au pouvoir, les socialistes et les radicaux avaient fait plus de difficultés mais Édouard avait eu la satisfaction de n'être pas le seul que la présence d'éminentes figures de droite à des postes clés avait gêné. Mais tout cela, il l'avait fait dans les confidences, sous le manteau, de bouche à oreille et personne n'avait intérêt à ce que ça sorte. Léon Claussat lui-même s'était considérablement mouillé si bien que son gendre ne prenait pas les risques seuls. Et pourtant. Dans un geste de rage, il balaya ce qu'il y avait sur son bureau et les statuettes de bronze rapportées d’Égypte pour la plupart chutèrent au sol dans un bruit sourd. Jamais, il n'avait osé maltraiter ses reliques adorées de cette manière auparavant mais la colère l'aveuglait au point qu'il s'en prit à ses dossiers qui volèrent dans la pièce puis aux livres de sa bibliothèque. C'était Emy Hale qu'il aurait aimé avoir devant lui ! Cette peste qui l'avait espionné pendant des mois pour aller tout cracher dans la presse ! Il lui avait fait confiance pourtant ! Au bout de plusieurs dizaines de minutes, il s'effondra sur sa chaise et se prit la tête entre les mains. Il n'était pas homme à avoir de nombreux amis ou à avoir besoin d'être entouré de manière générale. Il n'avait rien à faire des insultes qu'on pouvait lui adresser, des reproches et des regards haineux. Mais quand il s'était avancé dans la chambre cette journée-là, pour la reprise des débats, il avait vu tous ses camarades du parti se détourner les uns après les autres et refuser même de simplement le voir. Tout ça parce qu'il aurait « trahi » ? Allons, pourquoi se dressaient-ils tous dans leur soudain parangon de vertu alors que deux mois plus tard ils auraient été prêts à faire chuter Daladier sur une histoire de prix du lait ?
Il releva à peine la tête quand la porte s'ouvrit mais ne put s'empêcher de pousser un grognement de mécontentement quand une voix enthousiaste lui dit :
- Alors, grand frère, on boude ?
- Sors tout de suite, Maxime ou je te jure que je te réserve le sort que j'avais prévu pour Emy Hale !
Mais son petit frère n'obéit pas et évitant de marcher sur les objets au sol, vint s'asseoir de l'autre côté du bureau pour ôter les mains du visage d’Édouard :
- Ah, elle n'est pas revenue se présenter à toi après cela ?
- Et elle a bien fait, répliqua le jeune homme en examinant Maxime d'un œil noir, non, elle m'a fait passer sa démission. D'ailleurs, tu ferais bien de faire profil bas toi aussi, grâce à qui l'ai-je rencontrée ?
- Hé, je n'y suis pour rien moi ! Tu n'étais pas obligé de l'embaucher comme attachée parlementaire. Et puis franchement, si tu veux mon avis, le coupable dans cette histoire c'est toi. Qui a fait chuter ce gouvernement ? Ce n'est pas Emy à ce que je sache ! Continuait Maxime d'un ton guilleret, tout en ignorant les sourcils froncés de son frère.
- Peut-être mais elle n'avait pas à se servir de mes confidences pour se faire embaucher dans son journal, ce procédé est malhonnête. Et de toute façon, je suis bien puni, plus personne ne veut m'adresser la parole, même pas ce foutu Claussat qui est aussi coupable que moi !
- Ils oublieront, affirma son petit frère en haussant les épaules, un autre scandale viendra éclabousser celui-là et on aura besoin de toi pour une coalition, voilà tout. Avec les événements, ça arrivera même peut-être plus vite que tu ne le crois.
- Peut-être, lui concéda Édouard, mais pourquoi es-tu venu aujourd'hui ? As-tu enfin changé d'avis concernant ton engagement dans l'armée ? Je peux encore t'aider à...
- Mais non, tu n'en feras rien, il est de mon devoir de porter l'uniforme et avoue que ça ne ferait pas trop de mal aux Cabanel d'avoir enfin un soldat dans la famille. Je crois bien que ce n'est jamais arrivé, s'exclama le jeune homme en passant sa main droite sur son crâne par réflexe alors que ses boucles blondes avaient été coupées, ta charmante femme m'a appelé, elle s'est dit que j'étais le mieux placé pour venir te parler puisqu'Alex a du partir dans le sud. Mais pardon, je dois te quitter, je dois me rendre à l'opéra, il faut bien que j'en profite avant mon départ. Tiens, tu savais que la petite sœur d'Emy avait finalement réussi par y entrer ?
Maxime déballa encore quelques informations de peu d'importance avant de quitter le bureau en sautillant joyeusement. Avant de sortir, il fit volte face et désigna du doigt la seule statuette encore debout sur le bureau de son frère :
- Joli chat au passage. Maman serait contente de savoir que tu l'as toujours.
Bastet, assise sur son arrière-train, les oreilles pointées en avant fixait en effet Édouard de ses yeux d'or.

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E. CABANEL : J'avais des querelles d'ordre personnel avec des membres de ce gouvernement et je n'approuvais pas l'orientation résolument catholique que prenaient leurs directives.
PRÉSIDENT : Vous avez donc choisi de faire tomber un gouvernement d'union nationale, le seul d'ailleurs, peut de temps avant une déclaration de guerre... Je ne suis pas politicien mais il me semble que ces désordres internes n'ont pas favorisé la fermeté de la France face à la menace nazie qui pointait à l'est.
E. CABANEL : Cela faisait bien longtemps que cette menace « pointait » comme vous dites et je pensais qu'un gouvernement radical prendrait mieux les choses en main.
PRÉSIDENT : Il n'empêche qu'au début de la guerre, vous étiez isolé à la Chambre à cause de cette affaire. Et que finalement, la défaite et la constitution d'un nouveau régime vous ont bien arrangé.
E. CABANEL : Non ! C'est entièrement faux ! Je...
PRÉSIDENT : La séance a été longue aujourd'hui. Nous allons clore ici.



Minutes du procès de monsieur Édouard Cabanel
Cour d'Assises de Paris – Avril 1949

3ème audition, 09 avril 1949
PRÉSIDENT : Revenons aux événements de 1940 si vous le voulez bien car j'ai le sentiment que tout s'est joué à ce moment-là. Vous avez quitté très rapidement Paris devant l'approche allemande d'après les dates que nous avons. Pourquoi tant de précipitation ?
E. CABANEL : Je ne pense pas avoir fui plus rapidement que les autres. Ma femme était enceinte et je voulais que mes filles soient en sécurité. Il était de toute façon évident que les troupes allemandes allaient finir par arriver rapidement dans la capitale et le gouvernement était désemparé, nous sommes donc partis peu de temps avant mon beau-père Léon Claussat qui devait nous rejoindre avec sa propre épouse.
PRÉSIDENT : Le gouvernement, cet énième replâtrage, n'a pas fait appel à vous ?
E. CABANEL : Il n'était plus le temps d'avoir des spécialistes de la culture anglo-saxonne, il fallait des hommes résolus et des militaires.
PRÉSIDENT : On vous a proposé d'embarquer sur le navire Massilia avec messieurs Mendès France, Zay, Delbos, votre ancien ministre de tutelle...
E. CABANEL : C'est exact.
PRÉSIDENT : Qu'est-ce qui a guidé votre choix de refuser ?
E. CABANEL : Ma femme allait accoucher. Je ne me voyais pas partir loin d'elle en ces circonstances troublées. Et ce qui s'est passé pour la suite pour les passagers de Massilia nous a tous prouvé que le hasard avait finalement bien fait les choses en ce qui me concerne.
PRÉSIDENT : Et le 10 juillet, vous avez voté « oui » pour accorder les pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain instituant ainsi l’État français de Vichy.
E. CABANEL : Que voulez-vous que je réponde ? J'ai voté « oui » en effet.


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Assemblée nationale, Vichy, juillet 1940

On aurait difficilement pu parler de bonne ambiance cette journée-là alors que les députés et les sénateurs, la mine sombre, s'installaient les uns après les autres pour siéger dans l'Assemblée, dans un silence pesant pour certains, dans un murmure fatigué pour d'autres. Il fallait dire que le soleil chaleureux de juillet qui brillait sur Vichy dissimulait mal la situation à cause de laquelle ils étaient tous obligés de se réunir si loin du palais Bourbon ou de Versailles. Édouard Cabanel marqua un temps d'arrêt au moment d'entrer dans l'hémicycle et regarda un instant ses collègues prendre place. Toutes ces têtes lui étaient connues depuis ces longues années où ils avaient travaillé ou vitupéré ensemble mais il en manquait de nombreuses autres. Les rangs de l'extrême-gauche notamment étaient clairsemés, les communistes ayant été déchus depuis le dernier mois de septembre en raison du pacte germano-soviétique. Au sein même du parti radical, de nombreux sièges allaient rester vides et pendant une courte seconde, Édouard sentit ses yeux se fixer sur l'endroit où auraient dû se trouver ses amis – ou du moins ses anciens amis avant sa mise au ban –, ce groupe des Jeunes Turcs qui était parti en majorité sur le navire Massilia et qui était à l'heure actuelle prisonnier à Casablanca. Il aurait dû être parmi eux... Ce fut le regard de son beau-père Léon Claussat qui le transperça soudainement et le fit revenir à ce mois de juillet 1940, à cet instant précis où l'abattement plus que la colère ou la tristesse dominait. La défaite avait été beaucoup plus rapide que prévue, les vieilles et sourdes rivalités dans la chambre n'avaient pas permis de trouver des solutions ensemble et maintenant la France était envahie par les chars d'Hitler. De mémoire d'homme, jamais situation n'avait été plus catastrophique. Il paraît que l'on reconnaît les grands hommes à la manière dont ils réagissent devant les sursauts de l'histoire. Édouard n'avait simplement rien fait. Il avait quitté Paris avec sa famille devant l'avancée allemande et au moment où il avait hésité à partir pour Bordeaux pour continuer la lutte, Madeleine s'était décidée à accoucher. Il était resté, alors, il avait assisté à la naissance de son fils. Et il n'avait pas trouvé d'excuses pour éviter d'avoir à venir ce jour-là. Il savait confusément qu'il serait amené à le regretter.
Heureusement, face aux indécis, il y a toujours ces hommes qui profitent de ces situations pour sortir du lot et se réjouir du malheur des autres. Léon Claussat ne détacha pas son regard de son gendre jusqu'au moment où celui-ci alla rejoindre le parti radical dont la plupart des députés le virent arriver avec un œil noir et se détournèrent pour ne pas avoir à lui parler. Le président de séance Jeanneney réclama le silence et ce fut donc la boucle close que les parlementaires allaient devoir prendre la responsabilité du cours des événements. Édouard, lui, s'était adossé contre le dossier de son siège et se prenait à repenser à la discussion qu'il avait eu la veille avec son beau-père. C'était Madeleine, rapidement remise de ses couches, qui lui avait ouvert et l'avait invité à s'installer dans le salon qui leur avait alloué dans le grand hôtel occupé par les députés à Vichy.
- Qu'avez-vous l'intention de faire, Cabanel ? Avait demandé Claussat de but en blanc.
- Comment cela ?
- Allons, ne jouez pas l'idiot avec moi, vous savez bien que nous allons voter pour accorder ou non les pouvoirs exceptionnels à Philippe Pétain. J'estime avoir le droit de savoir ce que vous avez prévu de faire.
Édouard avait tenté de botter en touche mais c'était mal connaître la famille Claussat et pour son plus grand malheur, il commençait fort bien à la connaître :
- La guerre n'est pas encore terminée...
- La guerre est terminée, l'avait coupé Madeleine, restée à la porte et prête à partir, et il serait bien que tu commences à penser à ta famille et à son avenir.
- Ma fille n'a pas tort, Cabanel. Vous aviez l'intention de voter « non », n'est-ce pas ? Je commence à savoir quand vous hésitez..., avait continué le vieux député en prenant un air pensif mais dont les lèvres s'élargissaient en un sourire presque mauvais, et vous êtes dans l'incertitude depuis quelques temps. Laissez moi vous montrer le chemin à suivre.
- Pourquoi donner les pouvoirs au maréchal ? Vous savez quelle valeur les miens ont toujours accordé à la république !
- La république n'est pas terminée, elle a juste besoin d'un nouveau souffle, je sais que Philippe Pétain peut nous l'apporter. Il est grand temps de revenir à la vertu et à la morale surtout dans nos rangs !
- Vous avez reçu des propositions de poste, n'est-ce pas ? N'avait pu s'empêcher de lancer Édouard, provocateur, enfin votre amitié intéressée avec ce faux socialiste, ce traître amer et revanchard va vous servir, ce Pierre...
- Est-il un crime de penser à sa carrière ? L'avait coupé Claussat d'une voix tonitruante alors que ces sourcils se fronçaient, vous devriez penser à la vôtre parfois, c'est toujours moi qui suis obligé de le faire à votre place ! Je ne crois pas que vos atermoiements « dois-je partir ou non sur Massilia » nous prouvent vos grandes résolutions !
Édouard accusa le coup en silence, tout en se demandant comment son beau-père avait pu savoir. Il aurait voulu se défendre mais Léon était lancé et ses yeux lançaient des éclairs :
- Vous êtes même très mal placé pour venir faire votre malin et vouloir défendre la république, ô vous la grande âme, vous n'êtes pas en position de discuter. Dois-je vous rappeler qu'il ne sera pas long avant que vous ne soyez soupçonné de franc-maçonnerie et de traîtrise à la patrie ?
- Personne ne sait que...
- Vos anciens amis parlent, Cabanel ! Pas long avant que vous ne soyez sur les bancs des accusés que vos amis de Massilia vont bientôt rejoindre. Dans les temps de révolution que nous vivons, nous n'avons pas à nous encombrer de bras cassés ! Réfléchissez-y demain, Cabanel, au moment du vote. Je peux vous protéger, je peux vous offrir la carrière que vous méritez. Mais si vous nous faites défaut... Songez qu'il serait triste pour vos enfants de grandir sans père.
Édouard revint à la réalité au moment où le président de séance demandait que le vote se fasse après que Léon Blum eut refusé de prendre la parole. Mais la voix terrible de son beau-père au moment où il proférait ces menaces continuait de résonner dans son esprit. Il avait été tellement surpris par ce ton qu'il n'avait même pas répliqué, laissant partir un Léon Claussat fou de colère. Mais c'était désormais le moment fatidique après une nuit blanche. Avait-il le choix ? Au moment de prendre sa décision, il se dit qu'il se trouvait décidément bien isolé. Seul face à l'histoire.
« Oui ».
Il venait de sceller son destin.

---

PRÉSIDENT : Au vu de la suite de vos actions, il nous est difficile de croire que ce vote n'ait pas été guidé par un intérêt. Vous avait-on promis un poste ? Vous êtes un carriériste et un ambitieux, avez-vous choisi d'accorder ces pleins pouvoirs sans récompense ?
E. CABANEL : Mon principal intérêt a été de ne pas me retrouver sur le banc des accusés.
PRÉSIDENT : Vous n'auriez pas été le seul à refuser ! Ils ont été quatre-vingt à dire « non » cette journée-là, pourquoi s'en serait-on plus pris à vous qu'aux autres ?
E. CABANEL : Je n'ai pas non plus été le seul à dire « oui » et parmi nous, certains ont fini dans la résistance, certains ont fini dans des camps, certains ne sont plus là aujourd'hui pour témoigner !
PRÉSIDENT : Calmez-vous, monsieur Cabanel. Vous avez voté en votre âme et conscience et vous admettrez que sur le papier, votre trajectoire est parfaite. Votre beau-père est devenu un éminent membre du cabinet du ministre de l'Intérieur et y est d'ailleurs resté malgré les fluctuations entre messieurs Laval et Darlan. Quant à vous, vous avez trouvé un poste assez élevé dans le cabinet du secrétaire d'état aux Affaires étrangères, vous montrant zélé et efficace au travail.
E. CABANEL : Pendant plusieurs mois, une longue année peut-être, j'ai vraiment cru que la guerre était terminée et qu'il fallait prendre ma carrière en main.
PRÉSIDENT : Vous avez signé ce que vous deviez, vous n'avez jamais cherché à protester ?
E. CABANEL : Dans ce genre de circonstances, dans la paranoïa ambiante qui régnait à Vichy, on n'avait pas le droit de protester. Mais je commençais à m'interroger sur le bien-fondé de certaines actions. Je suis un farouche républicain et j'ai vite compris que le maréchal Pétain n'avait aucune envie de rappeler la chambre.
PRÉSIDENT : Vous hésitiez tellement que le 23 février 1942, vous avez été appelé à témoigner à la barre des témoins aux procès de Riom. Et que vous avez vilipendé les propres gouvernements auxquels vous aviez appartenu.
Monsieur Cabanel garde le silence et baisse les yeux.
PRÉSIDENT : Monsieur Cabanel, vous confirmez ?
E. CABANEL : Ce fut le pire moment de mon existence.


---
Cour suprême de justice, Riom, février 1942

La foule était plutôt nombreuse cette journée-là mais Édouard Cabanel n'y prêtait aucune attention, trop concentré sur ses propres sentiments et cette sourde angoisse qui enserrait sa gorge. Il faisait illusion pourtant, il avait appris au fil des années à garder un sourire chaleureux aux lèvres ou avoir l'air grave mais serein suivant les circonstances. Sa confiance en lui néanmoins avait nettement diminué depuis qu'il avait lu le papier qu'on lui avait confié afin qu'il apprenne par cœur ce qu'il devait dire à la barre quand l'avocat général le lui demanderait. Il avait gardé le bout de papier couvert de l'écriture de son beau-père au fond de sa poche et parfois, il éprouvait le besoin de le toucher pour constater qu'il était toujours là et que ce n'était pas un simple et sombre cauchemar. Depuis la prise du pouvoir par le maréchal, pourtant, il accomplissait son travail avec la plus parfaite régularité, signant les papiers qu'on lui demandait de signer sans sourciller, prenant les décisions qui lui semblaient nécessaires quand il fallait les prendre. Jamais il n'avait permis au doute de l'envahir et lorsqu'il restait silencieux, il sentait toujours le regard de Léon Claussat se vriller sur lui. Les menaces qui pesaient sur sa tête lui paraissaient bien trop importantes pour prendre le moindre risque et il ne s'était jamais senti l'âme d'un martyr, il préférait réserver cela aux bons croyants et aux hommes de conviction. Comme il s'y était attendu, son beau-père avait obtenu un poste important au sein de l'administration vichyste et n'admettait pas le moindre son discordant, surtout venu de ses proches. Les Cabanel faisaient donc office de parfaite petite famille, l'exemple même de la Révolution nationale qu'on avait mis en branle à Vichy à la fin de la guerre. Édouard songea non sans une amertume désabusée que cela faisait pourtant bien longtemps que Madeleine et lui n'avaient plus rien du couple. Mais les apparences en ces temps-là sont uniquement ce qui compte.
Au loin, dans la foule, il vit la silhouette de son ami de toujours, Alexandre Reigner qui ne participait pas au procès malgré la demande qui lui en avait été faite mais il se détourna avec empressement, peu désireux d'engager une conversation. Il n'avait rien à lui dire. Tout ce qu'il souhaitait en cet instant, c'était d'être débarrassé de ce qu'on lui avait demandé de faire, de faire durer le moment le moins longtemps possible avant de retourner à ses tâches quotidiennes auprès du secrétaire d'état aux Affaires étrangères qui louait son zèle. Tout sauf cette attente interminable avant de pouvoir entrer dans le prétoire. Son souhait finit par être exaucé car on fit pénétrer la presse et les spectateurs et bientôt la séance débuta. On n'allait pas tarder à le faire appeler à son tour car il devait passer dans les premiers. Il s'efforça de prendre des inspirations calmes mais une forme d'inquiétude le troublait toujours autant. Il savait bien que cette demande, cet ordre plutôt, ne venait pas de son beau-père qui aurait tout fait pour l'empêcher s'il l'avait pu mais de plus haut, du maréchal lui-même peut-être. D'un de ces hommes qui voulait savoir s'il était vraiment fidèle, s'il pouvait dépasser ses anciennes amitiés par loyauté. La paranoïa était inhérente aux plus hautes fonctions, surtout quand celles-ci étaient nées sur les ruines d'une défaite. Édouard voulut sortir le papier de sa poche pour le relire une dernière fois mais il était trop tard et avant qu'il eut le temps de le faire, il fut appelé à la barre des témoins.
Son entrée dans la salle d'audiences fut suivie d'un murmure mais le président du jury réclama le silence qu'il obtint immédiatement. Édouard avait gardé la tête baissée mais la releva pour examiner plus en détail ce qui l'entourait et eut un regard large sur le public, une foule d'anonymes ou du moins ne reconnut-il aucun visage. Il dut décliner deux fois son identité quand on la lui demanda, sa gorge était si sèche que personne n'avait rien entendu la première fois. Il aurait voulu répondre que cela ne servait à rien car il était bien connu mais le visage sévère du président l'en dissuada.
- Monsieur Cabanel, vous avez été secrétaire d'état aux Affaires étrangères de juin 1936 à juin 1937 dans le gouvernement Blum. De quoi étiez-vous chargé plus spécifiquement ?
Le peu d'attention d’Édouard s'était fixé sur l'avocat général, maître Gabolde qui lui posait ses questions. Il se sentait pâle et une fine sueur perlait sur son front. Pour éviter à ses mains de trembler, il les joignit à hauteur de son ventre avant de répondre d'un ton calme :
- Monsieur Delbos avait besoin de moi pour les affaires avec les pays anglophones.
On attendit qu'il rajoutât un commentaire mais il se tut et baissa de nouveau les yeux. L'avocat le bombarda d'interrogations pas toujours pertinentes pour le procès avant d'en venir au cœur de l'affaire :
- Le gouvernement de monsieur Blum et ceux qui ont suivi ont-ils préparé la guerre ? Ont-ils pris des mesures ?
- Notre armée était forte et puissante mais elle a manqué de moyens du fait de l'impréparation de gouvernements aveugles sur la réalité et souhaitant une paix qui n'était qu'utopique, récita Édouard en s'efforçant de mettre du cœur à ce qu'il disait, les mesures prises par le gouvernement auquel j'ai participé ont enlisé notre pays dans une crise économique sans précédent, favorisant le retour de la récession et la médiocrité dont la France devait pourtant se relever. La semaine de quarante heures, les congés payés ou pire encore, les nationalisations ne sont que des causes à la régression industrielle que nous avons vécu ces dernières années...
Édouard commit alors la pire erreur qu'il pouvait faire en cet instant. Après avoir réussi à donner un peu de souffle à son discours, il releva les yeux et pour la première fois depuis son entrée dans le prétoire, il fit face aux accusés des procès. La Chambre et Gamelin qu'il connaissait mal ne le regardaient pas. Mais Léon Blum et Édouard Daladier, assis côte à côte le fixaient sans ciller. Saisi, Édouard en perdit ses mots mais l'avocat général insista :
- La France n'a-t-elle pas aussi été secouée par des éléments révolutionnaires ?
Pendant quelques courtes secondes, Édouard soutint le regard indéchiffrable de Blum mais l'immense déception qu'il put lire dans celui de Daladier le fit détourner les yeux sur maître Gabolde qui s'agitait mais il ne savait plus pourquoi.
- Monsieur Cabanel ?
Il se sentait étouffer mais il réussit à prononcer jusqu'au bout avec un ton ferme issu d'heures de pratiques à la chambre qui reflétait bien mal l’état dans lequel il se trouvait :
- Les différents gouvernements ont laissé gronder les ennemis de la patrie, les ont laissé nous déstabiliser. Les communistes ont certes beaucoup fait de mal aux bons patriotes.
On le remercia de son témoignage et enfin, on l'autorisa à quitter les lieux. Édouard ne le fit pas répéter et sortit, à bout de souffle, en nage et pour la première fois de son existence, empli de haine. Contre lui-même. De cette haine avec laquelle Vichy considérait ses ennemis, cette haine qui ne pouvait que se retourner contre ce régime injuste.
Terriblement las, il mit ses mains moites dans les poches de son pantalon et sentit qu'il y avait toujours le papier qu'il avait placé là. A force de le tordre, il commençait cependant à s'effriter et Édouard imaginait bien que l'encre s'effaçait petit à petit. Dans ce cas précis, si les écrits disparaissaient, ses paroles seraient vouées à rester, à être répétées, à condamner peut-être.

---

E. CABANEL : Je n'oublierai jamais le regard que les accusés m'ont porté cette journée-là.
PRÉSIDENT : Vous l'avez fait néanmoins.
E. CABANEL : Oui, que voulez-vous que je vous réponde de plus ? C'est sans nul doute à partir de là que j'ai compris qu'il me fallait agir. Vichy ne gagnerait pas sur des mensonges et sur l'injustice.
PRÉSIDENT : Vous avez accepté une promotion après votre intervention à Riom, malgré cette fameuse prise de conscience dont vous nous parlez si brillamment.
E. CABANEL : L’État de Vichy n'a que très tardivement rompu les liens avec Churchill. J'ai été envoyé comme ambassadeur à Londres car j'étais le plus à même de négocier étant donné ma carrière dans la diplomatie et ma connaissance de l'anglais. Je suis allé à Londres au début de l'année 1942 avec pour mission de voir quelles ouvertures nous pourrions avoir avec le gouvernement de Churchill.
PRÉSIDENT : Le couronnement de votre carrière à Vichy, on vous faisait assez confiance pour vous envoyer à Londres et on vous jugeait assez loyal pour ne pas y tourner votre veste malgré vos passifs en tant que député.
E. CABANEL (haussant la voix) : Je ne vous permets pas...
PRÉSIDENT : Vous n'avez rien à me permettre ou à me défendre, monsieur ! La séance est ajournée jusqu'à nouvel ordre. Nous pourrons continuer à interroger monsieur Cabanel.








Dernière édition par Edouard Cabanel le Lun 11 Mar - 12:03, édité 2 fois
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■ religion: Ne croit qu'à la politique. Dieu ? ça fait longtemps qu'il n'existe plus, non ?
■ situation amoureuse: Coincé dans un mariage malheureux avec Madeleine Claussat. Trop occupé à cause de son beau-père pour avoir le temps d'aller voir ailleurs.
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ADMIN :: EDOUARD Empty
MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Dim 10 Mar - 19:59

Minutes du procès de monsieur Édouard Cabanel
Cour d'Assises de Paris – Avril 1949

4ème audition, 11 avril 1949
PRÉSIDENT : Mesdames, messieurs, nous nous étions donc arrêtés en 1942, nous allons donc reprendre à cette date. Cela vous convient-il, monsieur Cabanel ? Je rappelle que malgré votre « difficulté », selon vous, à témoigner contre les accusés des procès de Riom, vous avez reçu une belle promotion qui montrait que l'on vous accordait désormais une confiance pleine et entière, vous avez mené une ambassade à Londres.
E. CABANEL : C'est en effet le cas, je suppose que le maréchal ou que le vice-président Darlan pensaient que j'avais tourné la page une fois que j'eus renié mon passé au gouvernement et mes anciens amis. Pourtant, ils ne se doutaient pas que mon passé allait resurgir à Londres d'une tout autre façon.
PRÉSIDENT : Que s'est-il passé à Londres ? Avez-vous rencontré des membres de la France libre ? Est-ce à ce moment-là que, selon vous, vous seriez entré dans la résistance ?
E. CABANEL : C'est le cas en effet. Oh, loin de la résistance héroïque des réseaux clandestins qui fleurissaient partout à cette époque sur notre territoire mais je devais servir de taupe au sein du gouvernement de Vichy et surtout parce que je pouvais être en contact avec les Allemands. Je pouvais être utile.


---
Londres, mars 1942

Londres avait changé de visage depuis sa dernière visite. La cité riante qu'il avait connu dans son adolescence vivait désormais au rythme des nouvelles de la guerre et des bombes qui continuaient de tomber du ciel de manière régulière, emportant avec elles les hauts immeubles anglais et parfois quelques-uns de ses habitants. Pourtant ce n'était pas le découragement ou l'abattement qu'on lisait sur les visages de ces Londoniens dans les rues mais une forme de fatalisme mêlée d'une fermeté qui n'admettait pas de faiblesse. C'était à cela que songeait Édouard Cabanel dans la voiture qui les ramenait, lui et ses collaborateurs, à Knightsbridge. Il s'était détourné vers la fenêtre et scrutait les lambeaux de nuit qui envahissaient la ville pour la priver de lumière pendant de longues heures, n'écoutant que d'une oreille distraite la conversation menée par ses collègues. Édouard avait été reçu avec tous les honneurs dus à un ambassadeur de Vichy mais ce soir-là, il savait bien que sa mission avait échouée, aussi se sentait-il volontiers porté à la mélancolie. Dans sa jeunesse, le défi était de réussir à fuir Oxford pour rejoindre Londres et sa vie mondaine déjantée. Il eut un sourire à ce souvenir mais très vite, il se rappela que c'était Londres que désormais beaucoup voulaient fuir. Peut-être aurait-il eu le cœur plus léger malgré son échec s'il avait été certain que ce qu'il faisait était juste. Mais depuis son témoignage aux procès de Riom, un malaise profond l'habitait. La certitude qu'il ne pouvait en parler à personne car hésiter n'était plus permis, l'impression d'avoir été lancé dans un cercle infernal dont il ne distinguait pas la sortie, tout concurrençait à le faire douter de lui-même. Il avait pourtant fait son travail tel qu'on le lui avait demandé mais sir Anthony Eden, malgré la vraie gentillesse teintée de compassion dont il lui avait fait preuve, était resté sévère sur ses conditions qui n'étaient pas acceptables en l’état par Vichy. Pas vraiment par mauvaise volonté, surtout parce que dans les faits, ce gouvernement ne contrôlait plus grand chose. La collaboration qui aurait dû leur permettre de garder une forme de souveraineté, de faire revenir les prisonniers de guerre dont Maxime faisait toujours partie n'était qu'une illusion. Mais de toute façon, combien étaient-ils dans ce régime ceux qui voulaient réellement se démarquer des nazis ?
Arrivés à Knightsbridge, ses collègues descendirent dans un brouhaha et Édouard s'apprêtait à les imiter quand le chauffeur lui demanda de rester à l'intérieur. La jeune femme qui se trouvait assise aux côtés de ce dernier consulta l'agenda :
- Ah oui, monsieur Cabanel, un de vos vieux amis souhaitait vous revoir et nous n'avions que cette soirée de libre pour cela, lui expliqua Harriet Rosewood.
- Un vieil ami ? S'étonna Édouard. Lequel de ses camarades d'Oxford souhaitait assez le rencontrer pour bousculer l'organisation de son emploi du temps dûment rédigé par les Anglais ?
- Oui... La jeune femme se concentra pour déchiffrer : un certain Mark Leepee.
L'ambassadeur eut beau fouiller dans sa mémoire, ce nom ne lui disait rien mais mû par une soudaine intuition, il souhaita la bonne soirée à ses collègues qui ne prirent même pas le temps de regarder la voiture s'éloigner pour rentrer dans l'ambassade de France. Édouard garda le silence une bonne partie du trajet, saluant juste la jeune femme quand on la déposa devant chez elle tandis que le chauffeur lui jetait des regards dans son rétroviseur. Ce ne fut pas long avant que le véhicule ne stoppe devant un grand immeuble blanc.
- Où sommes-nous ? S'interrogea Édouard avant de mettre la tête dehors.
- 4, Carlton Gardens dans le quartier de Westminster, lui répondit mystérieusement le chauffeur.
L'ambassadeur avait néanmoins compris qu'il venait de se faire piéger mais il avança tout de même vers la porte et fut introduit par la plus grande courtoisie par des Français qui le menèrent jusqu'à un bureau où un homme était assis dans l'ombre. Quand on ferma la porte derrière lui, l'homme en question, un peu dégingandé dans son uniforme militaire se redressa, laissant apparaître un visage bien connu, caché derrière des lunettes rondes.
- Ducort ! Agnan Ducort ! S'exclama Édouard, stupéfait, mais que fabrique-tu dans cet habit en plein cœur de Londres en te faisant appeler Mark Leepee ?
- Marc Lépide, corrigea Agnan en s'approchant de lui pour lui donner une accolade amicale, c'est mon nom de code ici, le nom avec lequel je parle à Radio Londres, je me suis dit que tu saurais apprécier la référence à nos années lycée.
Édouard lui rendit son étreinte avec enthousiasme en éclatant de rire, ce qui ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps, avant que les deux hommes ne s'installent face à face de part et d'autres du bureau et que Ducort ne lui serve un verre d'alcool fort.
- Sérieusement, qu'est-ce que tu fais ici et que veut dire cette mise en scène ? Demanda l'ambassadeur après qu'ils se soient remémorés quelques bons souvenirs de jeunesse.
Ducort redevint plus grave :
- J'ai été dans le renseignement militaire et après la défaite, j'ai suivi le général de Gaulle jusqu'à Londres pour continuer la lutte.
- Une belle carrière, commenta Édouard en prenant une gorgée, je ne peux pas en dire autant mais je suppose que tu sais déjà tout de moi.
- Je sais surtout que tu n'as rien à faire à Vichy, Édouard, répliqua Agnan d'un ton tranquille mais sans appel.
Cabanel ne répondit rien. Il n'y avait rien à répondre à ça car c'était vrai.
- Tu ne peux pas avoir oublié toutes tes amitiés et toutes tes valeurs ! Ne proteste pas, derrière ton insouciance caractérisée, ton jeu de politicien, tu as des valeurs et clairement, Vichy les bafoue toutes les unes après les autres. Tu es un humaniste, Édouard, c'est un régime de mort.
- Mais je ne peux pas... Que veux-tu que je fasse ? Je suis un lâche sans doute, lâcha son interlocuteur en se prenant la tête entre les mains, coudes sur la table.
- Au contraire, tu peux beaucoup. Je ne suis pas seul ici, il y a aussi Laudel, Boissy, Lorincz, tous tes confrères de la Loge, nous sommes des milliers, nous sommes des millions à protester, rien n'est terminé, la guerre n'est pas finie. Et nous pouvons avoir besoin de toi.
- Comment pourrais-je être utile ?
C'était l'espoir qui perçait dans la voix du jeune homme. Agnan Ducort, le Lépide de sa jeunesse, se leva et ordonna à son vieil ami de l'imiter avant de se diriger vers le fond de la pièce qui dissimulait une autre porte qu'il ouvrit et fit signe à Édouard d'avancer :
- Le Général va te recevoir.

Selon un autre procédé pour échapper aux soupçons du reste de la délégation, Édouard était retourné au 4, Carlton Gardens. C'était la dernière fois qu'il allait pouvoir s'adresser aux représentants de la France libre avant de retourner à Vichy, son ambassade avait été raccourcie au vu de l'échec patent de celle-ci. Il salua Agnan Ducort avec enthousiasme ainsi que d'autres de ses amis qui avaient rejoint Londres dès 1940 pour la plupart. On tenait à lui donner les derniers détails concernant la mission. Mais pour Édouard, tout était clair. Anglais et Américains espéraient bien pouvoir débarquer un jour sur le sol français pour frapper les armées allemandes, il lui fallait leur faciliter la tâche au maximum. Pour cela, tout renseignement était bon à prendre, il ne serait rien d'autre qu'une taupe au sein du gouvernement. Il serait également bien placé pour trouver des soutiens dans les administrations publiques, voire pour essayer de les noyauter et devrait essayer de voir s'il existait des réseaux de résistance et si oui, de quelle force ils disposaient. En somme, c'était risqué mais pas infaisable. Du moins, il le pensait jusqu'à ce qu'on lui présente celle qui devrait l'aider dans cette tâche.
- Enchantée Édouard ! Je suis ravie de faire votre connaissance. J'ai si hâte de travailler avec vous ! A nous deux, nous allons faire des merveilles, s'écriait la jeune femme qu'on lui avait dit s'appeler Alice Boulanger et qui serait sa nouvelle secrétaire autrement dit agent du MI6 en formation.
Édouard avait eu un regard perplexe vers Agnan. Pourquoi lui avait-on mis une fille aussi jeune dans les pattes ? Certes, elle était cryptologue et douée apparemment mais aussi particulièrement maladroite (les verres en firent les frais) et paraissait fort nerveuse. Loin d'essayer de la mettre à l'aise, Édouard se contenta de hausser un sourcil devant ces faits d'armes en se disant qu'il n'aurait pas terminé de la reprendre à l'ordre. Même les plaisanteries qu'elle tenta le laissèrent de marbre. Néanmoins au moment de partir, après qu'ils eurent mis au point les modalités du voyage, il lui serra la main et affirma :
- A bientôt, mademoiselle Boulanger, je suis certain que nous serons efficaces.

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PRÉSIDENT : Monsieur Cabanel, je ne sais si vous vous en rendez compte mais votre belle défense dans laquelle vous vous prétendez « résistant », qui est un mot bien galvaudé de nos jours, est battue en brèche par toutes vos actions, même après votre passage à Londres en mars 1942.
E. CABANEL : C'est le principe d'une couverture de ne pas attirer les soupçons.
PRÉSIDENT : Vous avez accepté une promotion qui faisait de vous le conseiller de l'ambassadeur de Vichy à Paris en récompense de vos bons offices à Londres.
E. CABANEL : C'est moi qui suis allé demander ce poste à mon beau-père car j'estimais qu'être à Paris nous permettrait avec mademoiselle Boulanger de mieux remplir notre mission. J'étais là au cœur des véritables enjeux et dans la ville où se prenaient les décisions. Il fallait être honnête, les Alliés devaient libérer Paris pour reconquérir la France. Pour préparer un débarquement, c'était là où je devais me trouver.
PRÉSIDENT : Votre beau-père ne s'est pas méfié de votre envie soudaine ?
E. CABANEL : J'ai tout d'abord demandé le poste d'Eugène de Fabre de Mazan mais il m'a été refusé car ce monsieur faisait un trop bon travail. Léon Claussat a cru que j'avais enfin décidé de montrer un peu d'ambition et il m'a plutôt encouragé.
PRÉSIDENT : C'est pourtant une période où les autorités sont devenues très méfiantes et en tant que conseilleur du ministre de l'Intérieur, monsieur Claussat était bien placé pour enquêter sur d'éventuelles fuites aux plus hautes instances. Il aurait très bien pu se servir de son gendre pour remplir cette mission à Paris et...
E. CABANEL : Comment osez-vous ? Comment pouvez-vous seulement penser cela de moi alors que vous ne savez rien de mes pensées, de mon état d'esprit à cette époque ?
PRÉSIDENT : Mais nous essayons de comprendre, monsieur Cabanel ! Des faits nous laissent à penser que vous n'étiez peut-être pas aussi convaincu de la nécessité de résister que vous ne le dites aujourd'hui.
E. CABANEL : Encore une fois, je devais donner le change !
PRÉSIDENT : Est-ce que le nom de monsieur Maurice Lachal vous évoque-t-il quelque chose ?
E. CABANEL : Oui, en effet.
PRÉSIDENT : Nous allons donc appeler notre prochain témoin, monsieur Maurice Lachal.


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Soirée à l'hôtel de ville, Paris, novembre 1942

- Je suis ravi de vous avoir parmi nous et je sais qu'il en sera de même de mon épouse, elle se sent parfois un peu seule mais je suis certain que vous pourriez être son amie, pérorait l'officier allemand dans un français parfait en accueillant le couple Cabanel dans l'ancien hôtel qui lui servait de demeure à Paris.
Ce faisant, il baisa la main de Madeleine qui, en habituée de ces rencontres, lui assura qu'elle serait enchantée de faire la connaissance de la dame avant de s'éloigner vers les autres femmes de la soirée afin de laisser Édouard en compagnie de leur hôte. Ce dernier lui avait déjà servi un verre de champagne et bavardait gaiement sur des sujets culturels divers – car c'était là un thème de conversation qui lui tenait à cœur, l'homme se disait esthète –, le jeune conseiller de l'ambassadeur lui donnait la réplique avec aisance tout en observant les invités qui se trouvaient là. En soit, la soirée était raffinée et élégante, un pianiste jouait une douce mélodie qui était adaptée pour une telle compagnie, qui du moins aurait pu l'être en d'autres circonstances, songeait Édouard avec une certaine amertume en portant le verre à ses lèvres. Non loin, il distingua Alice Boulanger qui avait une discussion animée avec Eugène de Fabre de Mazan. Il s'arrangeait pour la faire inviter lors de ces sauteries en espérant que deux paires d'oreilles en valaient mieux qu'une mais ce n'était pas les discours de l'ambassadeur qui pouvaient être intéressants pour eux – Édouard était bien placé pour savoir ce que fabriquait Mazan ou pour connaître ses informations. Croisant le regard de sa secrétaire, il fronça légèrement les sourcils pour lui signifier de se débarrasser de cet importun et mademoiselle Boulanger ne trouva rien d'autre à faire qu'un geste de la main qui pouvait aussi bien vouloir dire « Je fais ce que je peux » que « Occupez-vous de vos affaires ». Édouard résista à l'envie de lever les yeux au ciel d'exaspération mais revint à temps dans sa propre conversation car l'officier venait de lui poser une question :
- Vous avez été à l’École du Louvre, n'est-ce pas ? Peut-être pourrez-vous nous faire une visite particulière un jour qui arrive ? Nous avons fait rouvrir quelques salles il y a peu pour que nos compatriotes puissent aller voir le plus beau musée du monde, c'est bien ainsi que vous l'appelez, n'est-ce pas ?
- C'est bien cela, confirma Édouard avec un petit rire, hélas de nombreuses œuvres ont été déménagées en province pour leur éviter de subir de mauvais sorts pendant le conflit, monsieur Jaujard les conserve désormais en province.
L'Allemand poussa un soupir déçu mais enchaîna avec bonne humeur comme s'il venait de trouver une bonne idée :
- Oh mais vous êtes un spécialiste de l’Égypte ancienne ?
- Modeste amateur, corrigea Édouard en ébauchant un sourire.
- Si vous m'accompagnez, je suis sûr que vous pourriez nous être utile. Nous avons récupéré quelques belles pièces égyptiennes et vous pourriez facilement les identifier à mon avis.
- Vraiment ? S'enthousiasma le conseiller, des œuvres des réserves ?
- Non, nous trions en ce moment les œuvres mises sous séquestre, expliqua l'officier sans se départir de son sourire avant d'enchaîner avec un ton presque humoristique, vous comprenez, nous avons un gros arrivage ces derniers temps...
Édouard se crispa mais parvint à faire comme si de rien n'était et à conserver son affabilité. Néanmoins, avisant l'un de ses collègues, il souhaita une bonne soirée à son interlocuteur et s'empressa de filer pour ne pas en entendre davantage. Le collègue en question n'était autre que Philippe Gauthier qui arborait une mine renfrognée. De toute façon, depuis le tragique décès de son épouse Lucie au début de l'Occupation, tout le monde s'accordait à dire qu'il n'avait plus rien à voir avec l'homme qui avait travaillé dans le ministère de l'Intérieur sous le Front populaire. Depuis quelques temps, persuadé que la mort de sa femme pouvait lui donner des idées de revanche, Édouard l'approchait sans cesse pour tenter de le sonder sur ses intentions. Si quelqu'un n'avait rien à faire là, c'était bien Philippe après tout.
- Sympathique soirée, n'est-ce pas ? Lança Édouard d'un ton que Philippe qui le connaissait assez pouvait bien deviner qu'il était ironique, voilà qui rappelle les fêtes auxquelles nous participions quand nous étions encore tous deux au gouvernement. Mais ne trouvez-vous pas qu'il y a quelques invités en trop ce soir ? Acheva-t-il dans un sourire tout en reprenant une gorgée de son champagne.
Il savait que Philippe pensait comme lui mais ce dernier parut mal à l'aise et ne répondit que des banalités d'usage en ces circonstances. Quand il se fut éloigné toutefois, le conseiller ne doutait pas qu'il puisse un jour devenir un allié solide. Dans sa mission, toutes les complicités étaient bonnes à prendre car seul – ou du moins avec cette chère mademoiselle Boulanger qui était en train d'essayer d'échapper à Mazan en se dissimulant derrière un officier allemand à la forte carrure, il ne parviendrait qu'à de maigres résultats. Il prenait certes des risques mais il pensait sincèrement que Philippe ne pourrait que taire les provocations de son collègue. Il s'apprêtait à rejoindre la conversation de quelques Allemands quand une silhouette connue passa devant lui pour s'approcher du buffet. Un instant, il fronça les sourcils en se demandant qui pouvait bien être cette gracieuse jeune femme et surtout pourquoi elle lui disait quelque chose. Visiblement, elle accompagnait un espèce d'illuminé écossais qui n'avait pas compris que c'était la guerre et qui avait été invité pour son amour des arts. Mais Édouard ne fut pas long à la reconnaître. C'était la jeune femme qui les avait accompagnés lors de son ambassade à Londres, jamais il n'aurait pu oublier de tels yeux.
- Mademoiselle Rosewood ! S'exclama-t-il en l'abordant, cela... Ne faisait pas si longtemps que cela, à vrai dire.
Elle ne se tourna que pour le foudroyer du regard mais tenta d'avoir l'air aimable.
- Édouard Cabanel, se présenta-t-il avec un large sourire, que faites-vous donc à Paris ? Lors de notre dernière rencontre, vous n'étiez pas prête à venir nous rendre visite dans notre belle capitale.
La jeune Harriet partit dans une histoire invraisemblable en invoquant des millionnaires écossais et des peintures françaises si bien qu’Édouard n'eut à souligner qu'une ou deux incohérences pour la faire fuir en direction de son protecteur que le jeune homme examina de loin d'un air un peu circonspect. Si son intuition était exacte, ces deux-là ne venaient pas que faire du tourisme en France et il se promit de retrouver la jeune femme pour lui faire avouer sa possible implication dans le SOE. De tels contacts ne semblaient pas à négliger. Arrivé au terme de ces réflexions, il avait également fini son verre et eut à peine le temps d'en saisir un autre – il fallait bien profiter un peu des avantages du travail – qu'il était de nouveau appelé par son hôte qui ne voulait décidément plus se passer de sa compagnie, à son grand désespoir.
- Vous connaissez le préfet Lachal ? Maurice Lachal ? Lui demanda l'Allemand en lui désignant l'homme grand et sévère qui se trouvait à ses côtés.
Édouard répondit par la négative et salua respectueusement le fonctionnaire de Vichy qui ne semblait pas être un joyeux drille. La conversation roula sur l'actualité de manière tranquille jusqu'à ce que l'officier ne trouve l'idée d'évoquer la récente invasion de la zone sud et de demander son avis au préfet Lachal. Ce dernier leva le menton et répliqua d'un ton sans appel :
- Je vais être honnête, c'est une grossière erreur. Les Français s'impatientent de l'Occupation et la sévérité avec laquelle vous vous acharnez à détruire tous les espoirs ne vous rend que plus impopulaires. Ce n'est pas en les affamant ou en étant une charge pour eux que vous parviendrez à vous imposer.
Édouard faillit s'étouffer avec son champagne et résista à l'envie de fermer les yeux pour attendre l'explosion de l'officier. Qu'est-ce qu'il lui prenait à ce Lachal pour jouer ainsi les héros ?
- Qu'en pensez-vous, Cabanel ? Demanda l'officier allemand en se tournant vers lui, l'air contrarié.
Le conseiller hésita. Évidemment le préfet n'avait pas tort et il ne pouvait pas le contredire entièrement car nul ne savait comment pouvait réagir leur hôte mais il était également incapable de l'approuver :
- Les Français se sont toujours plaints pour un oui comme pour un non, il est vain d'essayer d'être sympathique avec eux, ils s'y feront, je n'en doute pas.
Ces mots, il avait dû les arracher de sa bouche. Et si l'officier en face de lui semblait satisfait, il sentit le poids du regard noir que lui adressait le préfet Lachal.

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[…] Après avoir posé ses questions au témoin, le président de la séance se retourne vers monsieur Édouard Cabanel.
PRÉSIDENT : Il est désormais temps au bout de notre quatrième audition, au terme de ce témoignage éclairant d'en venir aux raisons qui vous ont conduit ici. Votre participation à la résistance reste peu claire mais en revanche votre implication dans cette affaire n'est pas discutable.
E. CABANEL : Et je souhaite que l'on ne me juge qu'à l'aune de ce que j'ai réalisé pendant l'occupation. De nombreuses personnes pourront vous confirmer que j'ai fait passé des renseignements et...
PRÉSIDENT : Nous ne sommes pas là pour déterminer si vous étiez un résistant convaincu, je pense que le jury se fera sa propre opinion. Nous sommes là pour juger vos actes du 17 février 1943 car tous les renseignements que vous avez bien pu donné n'excusent pas cet acte. Connaissiez-vous Paul Le Vasseur personnellement ?
E. CABANEL (après un silence) : Non, je n'avais jamais entendu parler de lui.
PRÉSIDENT : Jusqu'au 17 février 1943. Où vous l'avez condamné à mort.
E. CABANEL : J'ignorais que mon signalement allait le conduire à la mort !
PRÉSIDENT : Allons, vous connaissiez fort bien la milice, vous travailliez beaucoup avec elle et vous étiez là pour signer la paperasse à sa création.
E. CABANEL : Alors, jugez la milice, ce n'est pas moi qui ait braqué un pistolet sur sa tempe ! Je devais protéger ma mission coûte que coûte et des soupçons circulaient... Si je ne l'avais pas fait moi, il aurait été retrouvé d'une autre manière ! Et si je tombais, c'était toutes les graines que j'avais commencé à semer, toutes les recherches que j'avais commencé à mener qui tombaient à l'eau ! La fin non seulement pour moi mais aussi pour mes complices.
PRÉSIDENT : Mais si vous étiez résistant, vous deviez protéger ceux qui méritaient de l'être ! Vous l'avez signalé en étant conscient de ce que vous étiez en train de faire ! Que vous étiez en train d'envoyer les pourvoyeurs de mort à sa trace ! Comment avez-vous pu continuer à dormir la nuit ? Comment avez-vous pu supporter de vivre avec cela pendant tant d'années ?
E. CABANEL : Mais que croyez-vous ? Pensez-vous que c'était facile à cette époque, que les choix étaient évidents, que le bien était clairement séparé du mal ?Où étiez-vous, vous tous, pendant toutes ces années, vous qui vous posez en censeurs moraux aujourd'hui ? Vous avez continué à juger du haut de vos trônes d'albâtre, vous avez fermé les yeux sur les horreurs qui vous entouraient en vous drapant dans votre dignité mais vous avez autant servi l’État de Vichy que moi, vous aviez prêté serment à ce régime, à ce dirigeant ! Pourquoi suis-je donc celui qui suis à cette place aujourd'hui ? Je ne suis qu'un bouc-émissaire, messieurs, qu'un coupable idéal car il y a mon vote du 10 juillet 1940, ma signature sur des documents pour l'occupant, ma gueule d'opportuniste, comme si vous espériez juger à travers moi tout ce qui vous fait peur en vous, comme si j'étais le symbole de votre lâcheté et de vos erreurs. Je vais vous dire une chose, messieurs les juges, il y a une vérité que vous ne pourrez pas effacer même en tondant toutes les femmes que vous voulez ou en condamnant à mort tous ceux qui ont profité de la guerre pour accomplir leurs vengeances, pour laisser libre cours à leurs haines les plus primaires : nous sommes tous coupables. Vous aurez beau donner toutes les sentences et les châtiments même les plus sévères, c'est votre conscience qui ne sera plus jamais en repos. Alors, au lieu de vous livrer à cette mascarade pour essayer de savoir si j'étais un garçon aimable ou un député corrompu ce qui ne vous apporte rien, jugez-moi qu'on en finisse, mettez-moi en prison, livrez-moi en pâture aux médias, servez-vous de moi comme exemple, tuez-moi mais rappelez-vous de ce jour, rappelez-vous du moment où vous aurez décidé de condamner un homme qui a essayé de faire de son mieux pour servir la cause qu'il avait à cœur et qui regrette tous les sacrifices qu'il a dû faire.
PRÉSIDENT : Silence ! Silence, monsieur Cabanel, rasseyez-vous sinon je vais suspendre la séance !
E. CABANEL : Et quand vous serez devant les monuments aux morts...
PRÉSIDENT : Silence !
E. CABANEL : Quand vous verserez des larmes en voyant ces monuments sanguinolents qui maculeront à jamais notre mémoire, rappelez-vous que vous, vous n'avez rien fait !
PRÉSIDENT : La séance est suspendue, que l'on raccompagne monsieur Cabanel dans sa cellule.


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Bureau d’Édouard Cabanel, Paris, février 1943

- Je peux vous déranger quelques minutes ?
C'était Johannes Clément qui venait de passer la tête par l'ouverture de la porte tout en frappant quelques coups pour signaler sa présence. Édouard qui lisait un compte-rendu d'un entretien avec un officier tapé par Alice qui avait visiblement encore des progrès à faire en dactylographie leva la tête et adressa un sourire au nouveau venu.
- Évidemment, entrez et installez-vous, l'invita le conseiller Cabanel avant de se retourner vers la petite Léonie qui jouait avec les oreilles du chien, assise par-terre derrière sa chaise, va rejoindre mademoiselle Boulanger, ma chérie, elle te donnera un coloriage. Et amène Néfertiti avec toi.
La petite acquiesça sans faire de difficultés, embrassa son père et sortit avec le chien alors qu’Édouard fermait le battant derrière elle. Un coup de maître que cette amitié qu'il avait construite avec ce Clément, rencontré lors d'une énième soirée mondaine et avec lequel il avait dû travailler. En d'autres circonstances, Édouard aurait peut-être pu apprécier sa gouaille mais les choses étant ce qu'elles sont, Édouard voyait surtout cela comme un moyen d'obtenir quelques informations sur les administrations françaises et allemandes, Johannes ayant la chance, ou plutôt la malchance au vu de l'histoire d'être né moitié français moitié allemand.
- Qu'est-ce qui vous amène aujourd'hui ? Demanda le conseiller en s'asseyant de nouveau et en rangeant superficiellement les dossiers sur son bureau pour se donner une contenance plus que par nécessité.
- C'est un petit peu délicat, voyez-vous, se lança Clément d'un ton songeur tout en laissant son regard se balader sur les multiples statuettes de divinités égyptiennes qui occupaient l'espace devant lui, j'aurais sans doute dû vous en parler auparavant mais je voulais être certain de votre loyauté.
- Vous savez que vous pouvez l'être, affirma Édouard, non sans une certaine inquiétude, bien dissimulée.
- Voilà, j'occupe une fonction assez spéciale, je ne m'occupe que secondairement de politique. Mon premier métier est de trouver des traîtres à la patrie et de débusquer les taupes. Or, je suis persuadé qu'il y a des fuites dans cette administration française à Paris. Sans compter des gens qui délivrent des laisser-passer frauduleux. Vous savez ce qu'il faut faire quand il y a des fuites... Les colmater.
Édouard sentit son pouls s'accélérer et il craignit que son soudain trouble ne fut visible. Johannes n'entendait-il pas son cœur qui battait à tout rompre, qui l'assourdit quelques secondes, ne voyait-il pas ses mains devenir moites ? Depuis qu'il se trouvait à ce poste, c'était tout ce qu'il craignait. Des soupçons. Et surtout que ces soupçons puissent remonter à lui.
- J'aurais aimé savoir si je pouvais compter sur votre aide pour les débusquer. Évidemment, je me chargerais du reste.
Johannes Clément, ce jeune homme charmant venait de se transformer en prédateur et pendant un court instant, Édouard eut peur que cette phrase soit pleine de sous-entendus. Était-il déjà sur le fil du rasoir ? Il chercha à se rassurer en songeant que si c'était le cas, il se serait sans doute servi d'autres méthodes et ne serait pas venu le prévenir de cette façon. Mais l'angoisse qui venait de naître en lui ne s'éteignit pas aussi facilement. On ne pouvait la raisonner.
- Bien sûr, j'ouvrirai l’œil, vous pouvez en être sûr, répondit-il tout de même même si sa voix lui parut un peu étranglée.
- Je suis ravi que nous puissions collaborer, deux cerveaux sur cette affaire valent mieux qu'un ! S'exclama Johannes.
Ils échangèrent encore quelques nouvelles sans importance puis le jeune homme quitta Édouard pour aller remplir ses fonctions – peut-être encore moins innocentes que ce qu'imaginait le Français jusqu'à présent. Le conseiller n'était pas encore tout à fait calmé quand Alice Boulanger vint de nouveau ouvrir sa porte. Elle n'eut pas le temps de demander si elle pouvait introduire la personne qui demandait à le voir que déjà une vieille dame la bousculait à moitié pour pénétrer dans les lieux.
- Madame Volkov ! Cela fait si longtemps, l'accueillit chaleureusement Édouard avec un large sourire, songeant – à tort – que sa journée pouvait encore s'améliorer, cela fait combien d'années déjà ? C'est étrange de vous revoir ici plutôt qu'au milieu des Touaregs, voilà bien une cause qui vous tenait à cœur ! Je ne me suis jamais remis de ne pas avoir pu leur faire obtenir raison auprès des Colonies finalement.
- Vous pouvez encore vous racheter, lui dit Léonie Volkov avec une grande assurance sans s'ennuyer à faire des ronds-de-jambe (mais ce n'avait jamais été son genre) et elle lui lança un bout de papier qu'Edouard déplia pour lire un nom et une adresse. Un certain Paul Le Vasseur.
- Qui est cet homme ?
- Un malchanceux, il lui faut un laisser-passer et l'aider à quitter le pays. Vous pouvez bien faire ça, vous, maintenant que vous êtes à ce poste, n'est-ce pas ?
- Non.
Réponse claire et définitive. Édouard en avait lâché son bout de papier. Léonie Volkov n'avait pourtant pas l'intention d'en rester là et il aurait été illusoire de penser qu'elle l'aurait fait.
- Comment ça, non ?
Édouard aurait eu beaucoup de raisons à lui donner mais la principale venait de sortir de son bureau quelques minutes avant. Évidemment, il aurait été facile de retrouver cet homme, de lui fournir une fausse identité mais il était peut-être sous surveillance. Il ne voulait prendre aucun risque.
- Je pourrais vous faire arrêter pour cela, vous n'avez pas à me demander de vous faire une faveur illégale. Alors s'il vous plaît, sortez de mon bureau. Avant que je ne décide qu'il est criminel de vous laisser partir.
La vieille dame eut un regard noir et une véritable expression de déception se dessina sur son visage.
- Je vous croyais plus estimable que cela.
Les heures qui suivirent son départ furent parmi les plus longues de l'existence d’Édouard. L'inquiétude lui glaçait les sangs et pour la première fois depuis longtemps, depuis le mois de février 1942 très exactement, il se sentait perdre pied. Il devait donner une preuve de sa bonne volonté, de sa loyauté avant que son nom ne surgisse parmi les suspects. Ils ne seraient pas longs à faire le lien avec son ambassade à Londres, ses absences, voir qu'il avait été au courant de toutes les informations transmises à l'Angleterre. Que lui arriverait-il alors ? Parviendrait-il à garder le silence quand on lui demanderait de parler et de donner des noms ? Il ne pouvait donner de réponses satisfaisantes à ces questions. Avant de pouvoir faire une nouvelle fois volte-face, il prit son téléphone et demanda à parler à la milice. En quelques dizaines de minutes, un milicien se trouvait devant lui, carnet à la main.
- Nous cherchions justement ce Le Vasseur, expliquait-il, vous êtes sûr de l'adresse ?
- Certain, répliqua sèchement Édouard plus pâle que jamais.
- Comment avez-vous eu ces informations ?
- Vous n'avez pas besoin de le savoir.
- Permettez-moi d'insister, cela peut avoir son importance si...
- Je ne vous permets pas, termina Édouard en se levant pour lui donner son congé.
De nouveau, il se retrouva seul, les yeux perdus dans le vague. Il croyait à peine à ce qu'il venait de faire. Il entendait la voix de sa petite fille derrière la porte et il chassa à grand-peine les larmes qui menaçaient. Il s'était prouvé à lui-même qu'il pouvait dépasser des limites qu'il pensait infranchissables. Jusqu'où pouvait-il aller ? Qu'est-ce qui était acceptable et qu'est-ce qui ne l'était pas ? A quel point se connaissait-il réellement ?
Il baissa les yeux sur ses mains secouées de tremblements. Pour se calmer, il avait saisi la première statuette en bois qu'il avait trouvé sur son bureau et l'avait serrée jusqu'à ce que ses jointures blanchissent. Quand il rouvrit les paumes, la Bastet aux yeux d'or était brisée en trois morceaux.







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Edouard Cabanel
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■ religion: Ne croit qu'à la politique. Dieu ? ça fait longtemps qu'il n'existe plus, non ?
■ situation amoureuse: Coincé dans un mariage malheureux avec Madeleine Claussat. Trop occupé à cause de son beau-père pour avoir le temps d'aller voir ailleurs.
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Lun 11 Mar - 22:46

Fiche enfin terminée dance Je suis désolée d'avoir mis aussi longtemps et d'avoir fait aussi long mais j'ai eu besoin de mûrir ce personnage... J'espère qu'il vous plaira et j'ai hâte de vous rejoindre heart
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Lun 11 Mar - 23:17

Alors je vais te tuer valider plus tard ou demain en fonction d'à quelle heure je rentre ^^
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Mar 12 Mar - 20:14

Alors si j'arrive pas à me concentrer à mon prochain cours parce que mes neurones y seront restés, ça sera de ta faute kiyi

Un politicien qui trompe sa femme? C'est tellement pas courant face Mais il a l'air d'avoir bon fond alors on lui pardonne.

C'est sympa de faire ta fiche comme ça ça nous spoil de la suite de la vie d'Eddy

Alors petit détail, le fait que les femmes portent leur nom de jeune fille même en étant marié, c'est très récent, alors si la mère d'Edouard est mariée à son père, c'est Madame Cabanel ;). Haaan pieuse de temple O.O mon côté historienne s'insurge mdr. Alexandre et Edouard, pourquoi je m'y attendais...? Et tous en fac de droit en même temps (Ulrich et Raphaël y étaient à peu près à la même période, au même endroit).

*moment où on saute à la fin du sujet en se disant que fallait réserver des postes avant mdr*

C'est triste cette histoire de mariage :( le pauvre. Je suis persuadée que tu trouveras à te consoler avec d'autres sincerely. Ah l'extrême droite pendant Blum et la guerre d'Espagne... ><"... J'aurais bien voulu savoir ce que tu réservais à Emy moi face. Et il y a des mots en trois lettre qui transforment ta vie même s'ils sont minuscules. Tiens, Ecole du Louvre, Egypte Ancienne... Du vécut? :devil: Haaaaan Bastet fallait pas la casser :(

Bon bah ça promet...

Tu es à présent VALIDE. Merci de venir réserver ton avatar et recenser ton métier (sauf pour les membres de l'armée allemande). Une fois cela fait, tu pourras aller ouvrir tes liens et ta bibliothèque où tu trouveras des codages tous fais si tu ne sais pas coder. Pour t'intégrer plus facilement, tu trouveras ici un résumé de la vie des plus anciens personnages de Yellow Tricycle. Les rangs se font à partir de 100 messages et les logements à partir de 200 messages.

N'oublie pas, au début de chaque RP

Bon jeu parmi nous happy
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1Mar 12 Mar - 22:10

Merci de cette validation et pour avoir passé du temps sur ma fiche ! Désolée d'avoir été si longue mais j'ai en effet passé du temps dessus pour présenter un personnage construit et complexe afin d'avoir de quoi jouer.

Juste pour revenir sur tes remarques, Edouard n'a pas trompé sa femme, c'est elle qui se l'imagine toute seule, surtout parce qu'il est pas mal absent à cause de ses obligations et de son espionnage. Il n'est pas du genre à aller chercher consolation ailleurs. Il n'a jamais fait de droit non plus (lettres, langues, histoire de l'art et sciences po, c'est déjà pas mal pour un seul homme ^^). Et concernant sa mère, elle aimait se faire appeler par son nom de jeune fille (qui était donc une sorte d'usage) mais officiellement et sur les papiers, elle était évidemment madame Cabanel.
Au passage, la récupération des oeuvres d'art en Egypte (et partout d'ailleurs) était monnaie courante jusque très récemment... C'est bien grâce à ça que le Louvre en est rempli aujourd'hui :gnhehe: .

Encore merci ! Et le jeu est à moi bounce
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MessageSujet: Re: ADMIN :: EDOUARD   ADMIN :: EDOUARD Icon_minitime1

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