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 Les coucous quittent leurs nids || Elsa

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Manfred Mohr
Manfred Mohr
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MessageSujet: Les coucous quittent leurs nids || Elsa   Les coucous quittent leurs nids || Elsa Icon_minitime1Mer 27 Aoû - 17:52

La mécanique avait une proportion considérable à mal se passer, jugeait Manfred, qui s'y connaissait un peu. Même s'il était pilote et pas mécanicien, il lui arrivait de recevoir les mécanos de la base, ou même d'inspecter leur travail, voire même qu'ils lui demandent d'être présent, en particulier lorsqu'ils examinaient les avions qui devaient transporter les hauts gradés. Si on découvrait une erreur mécanique et qu'un avion se crashait, Mohr en prenait plein la tête, mais c'est eux qui seraient sans doute débarqués par le régime, comprenez fusillés. Manfred n'avait rien contre eux, donc il préférait éviter ce genre de choses, et pour ça, il supervisait lui même la plupart des opérations, s'y connaissant suffisamment pour comprendre. Même s'il trouvait ça ennuyant et lassant : il adorait voler, il vénérait les avions, sans aucun doute. Mais la mécanique...oh, qu'est-ce qu'il trouvait ça ennuyant.

« Bon, que se passe-t-il ?
-Je ne sais pas trop Herr Oberst. Un problème de carburant je crois... »

C'était l'heure du déjeuner et Manfred rejoignait trois ou quatre pilotes dans un restaurant de l'Ile de la Cité pour manger. On n'était pas lundi, le jour où il rencontrait ses supérieurs et qu'il déjeunait au Meurice pour parler entre autre stratégie. Non, aujourd'hui, comme tous les jours, du samedi au dimanche, il allait prendre la voiture et déjeuner. On parlerait plan de vol et bombardement. Bombardement sur l'Angleterre, bien sur, il fallait leur montrer, à ces gens là, ce qu'il en coutait de s'en prendre à l'Allemagne. Churchill allait voir ce qu'il allait voir, tiens, ce communiste qui ne s'assumait pas. S'il était majoritairement considéré comme un homme posé et calme, il ne fallait pas parler à Manfred des communistes et des capitalistes, tous à mettre dans le même panier selon lui, complices et créateurs du Diktat et à l'initiative de la crise économique. Anti-sémite ? Non, il ne l'était pas, mais pas pour des raisons humanistes : tout simplement parce que que l'anti-sémitisme primaire, c'était un truc de bouseux, de paysans en culotte de peau buvant de la bière dans leur Bavière natale, un truc pour les SS, mais pas pour lui, l'Oberst Mohr, décoré par le Kaiser en personne, vétéran de la Grande Guerre, commandant à un poste important, homme instruit et raisonnable. Sauf qu'il redevenait un peu incohérent dès qu'on parlait des communistes et autres ennemis de l'Allemagne, mais ça, on n'allait pas le refaire à soixante ans. Distrait, donc, il commenta :

« Bon, nous verrons ça après, Dieter. Allez donc déjeuner, je vais en faire autant, on en parlera cet après midi. »


Après quoi il gagna sa voiture pour aller en ville. Le chauffeur était nouveau et ne valait pas l'ancien : heureusement, grâce à son fidèle guide, rédigé entièrement en allemand, qu'il avait acheté pour trois franc six sous chez un bouquiniste des quais ils purent retrouver le chemin, et sauva la mise à Manfred, qui donna la route de manière assez précise au conducteur, pour arriver à l'heure au déjeuner.

Il n'y avait pratiquement que des soldats allemands Chez Albert, le petit restaurant typiquement parisien où les officiers d'Orly déjeunaient, mais c'était une ambiance plus simple, et surtout moins mondainement hypocrite qu'au Meurice, où on faisait des soirées luxueuses avec un pianiste – un pianiste, comme si les gens avaient les moyens de se le payer, ça n'allait pas les faire bien voir auprès des français, ça non ! Enfin cela dit, simple...retirant ses gants, il remarqua un soldat qui fêtait son anniversaire.Le gâteau était en forme de croix gammée. Certains ne savaient plus quoi inventer pour se faire bien voir...Lui rejoignit la table des officiers, et le soldat au gâteau gammé partit peu de temps après. On déjeuna très correctement pour une période de rationnement, puis ils parlèrent un peu des plans de vols, mais pas beaucoup, la conversation tourna rapidement autour de ce qu'il allait se passer après, la tournure générale de la guerre, ce genre de choses. Friedrich Wilfrich, qui avait un peu trop bu, parlait de son cousin qui travaillait à Berlin :

« Je vous jure, Oberst Mohr, Frank travaille avec le Reichfuhrer depuis longtemps. Il paraît qu'Hitler a appelé Churchill, personnellement, c'est sur, et qu'il va faire la paix avec lui.
-Ttt. Et qu'est-ce que le Fuhrer ferait après ça, Friedrich, hm ? Il se trompe, votre cousin, il n'abandonnerait jamais l'Allemagne.
-Parait qu'il aime bien les fleurs. Peut-être fleuriste ?
-Oui, bien sur, sans doute. Vous devriez vous reposer, mon vieux. Pas de vol pour vous aujourd'hui. »


Ce qui voulait dire pas de vol pour assez longtemps, ce genre de propos frolait la trahison, et Manfred ne plaisantait pas avec ça, c'était donc mise à pied immédiate en ce qui le concernait. Les officiers partirent, dont Wilfrich en tanguant un peu, et Manfred rangea consciencieusement ses documents dans le restaurant désormais vide, avant de repartir vers sa voiture. Il allait y monter, sans se douter le moins du monde de quelque chose d'ailleurs, lorsque le premier coup de feu retentit, ricocha sur la portière. Les rares passants qu'il y avait s'enfuirent en courant. Mohr jura entre ses dents, à couvert de la voiture. Les coups de feux continuaient impitoyablement. Il sortit son propre revolver. Mauvais chauffeur, mais bon tireur, son subalterne tirait aussi. Il allait se défendre, ça oui ! Pas question de finir comme le type de Berlin qui s'était fait descendre comme un lapin ! C'était la confusion, on ne savait pas trop ce qu'il se passait. Et ça continuait...
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J'ai vu la mort se marrer et ramasser ce qu'il restait.



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MessageSujet: Re: Les coucous quittent leurs nids || Elsa   Les coucous quittent leurs nids || Elsa Icon_minitime1Dim 28 Sep - 22:27

Cette fois, il n’était pas question de manquer la cible. C’est ce qu’avait dit Elsa aux deux membres de la Brigade qui l’accompagnaient ce jour-là, aux alentours d’un petit restaurant de l’Île de la Cité, réputé pour être la table favorite de plusieurs officiers de la Luftwaffe. Cette fois, il n’était pas question de repartir bredouille (ou pire) et de laisser l’Oberst Mohr, le responsable d’Orly et donc des avions qui en décollaient pour aller bombarder l’Angleterre, le haut gradé respecté de ses pairs sortir vivant de cette petite rue. L’opération avait été préparée minutieusement, après plusieurs jours de planque sur les pas du colonel, qui avait par ailleurs un quotidien tellement routinier que l’on avait même été en mesure de prévoir l’attentat plus tôt que prévu. Ses sorties, ses rendez-vous, ses déplacements semblaient être réglés comme du papier à musique, et jamais ou presque il ne dérogeait à ses habitudes, si bien que lorsqu’elle retrouva Emile qui faisait mine de se promener tout en surveillant les environs, Elsa savait déjà qu’il lui annoncerait que Manfred Mohr s’était présenté une trentaine de minutes plus tôt devant la brasserie Chez Albert, pour y déjeuner avec quelques collègues. Selon les observations du jeune homme qui avait assuré quelques tours de filature les jours précédents, il ne devrait guère mettre plus d’une autre demi-heure à en sortir, ce qui laissait le temps à la chef de la Brigade de se mettre en place, sans avoir à attendre trop longtemps, et donc à risquer d’éveiller les soupçons. Elle salua Emile d’un bref signe de tête, comme s’ils n’étaient effectivement que deux passants, et lui un inconnu auquel elle avait demandé du feu pour allumer une cigarette, puis poursuivit son chemin sans plus lui adresser un regard. Le jeune homme savait parfaitement ce qu’il avait à faire : s’installer à la terrasse du café depuis laquelle on avait une vue plongeante sur le restaurant, se plonger dans la lecture du Courrier Parisien dont la une clamait l’arrivée prochaine d’un invité de marque (donc allemand) à Paris et lorsque les officiers et Mohr seraient sur le point de sortir, avertir ses camarades en repliant son journal et en se levant. Le but pour Emile était d’avoir quitté les lieux avant les coups de feu afin d’échapper à tout soupçon. Le reste de l’opération revenait à Elsa, qui se chargerait d’abattre le colonel, tandis que Marcel, embusqué un peu plus loin avec les vélos nécessaires à la fuite, ne devait intervenir que dans le cas où il faudrait couvrir leur départ ou induire d’éventuels poursuivants en erreur. Tout en étaient en place, et les trois jeunes gens avaient tout calculé, avec toute la précision possible. Ils ne pouvaient pas manquer leur coup.

Ayant quitté Emile, Elsa, dont la chevelure rousse trop reconnaissable était plus ou moins dissimulée sous un béret, le reste de sa personne se cachant derrière des vêtements de garçon, gagna un passage étroit entre deux immeubles, d’où elle pouvait à la fois voir Emile et se trouver à portée de tir lorsque l’Oberst sortirait du restaurant, puis fuir pour retrouver Marcel. La rue n’était pas pour abattre un officier : il était difficile d’y rester discret, mais l’endroit était toujours moins dangereux que ceux que fréquentaient Manfred Mohr le reste du temps. Les alentours du Meurice où il se rendait une fois par semaine avaient été rapidement exclus, de même que l’aéroport d’Orly, trop loin de Paris dont les multiples rues dans lesquelles on pouvait se perdre avaient une fonction tout à fait vitale. Les abords Palais du Luxembourg, où la Luftwaffe avait établi ses quartiers, n’étaient pas envisageables non plus. Le moment où le colonel allemand se rendait Chez Albert était l’un des rares où les environs ne regorgeaient pas d’éventuels renforts prêts à leur tomber dessus à la moindre alerte, et puisqu’Elsa était déjà connue comme le loup blanc parmi les troupes allemandes, elle avait préféré sacrifier la discrétion à la sécurité. Quand bien même elle ne s’avançait jamais sur le résultat d’une mission et ses conséquences, autant multiplier les chances de s’en sortir car après tout, le seul moyen d’allonger la vie, c’est d’essayer de ne pas la raccourcir. Lorsqu’elle eut gagné sa place, la jeune femme promena un regard toujours froid autour d’elle, puis se tourna pour s’assurer qu’Emile était bien assis derrière son journal. Elle avait croisé Marcel en arrivant, Mohr était désormais le seul à manquer à l’appel. Une fois encore, alors qu’elle chargeait son arme et la dissimulait à l’intérieur de sa veste, la jeune femme songea qu’il n’était pas question de manquer ce coup. En plus de désorganiser pour quelques jours les bombardements sur l’Angleterre, en abattant l’Oberst, ils s’offraient encore l’occasion de frapper un grand coup, au coeur du dispositif allemand à Paris. La mort du favori d’Hitler, Hansmüller, avait fait du bruit, mais n’avait pas perturbé outre mesure les autorités d’occupation. Avec Manfred Morh, Elsa comptait sur la piqûre d’aiguille qui déstabiliserait, même temporairement, les dispositions allemandes, qui ne feraient peut-être que vaciller légèrement, mais c’était le lot des actions isolées de la résistance. C’est bien pour cela qu’elle tenait à réunir les différents réseau pour coordonner les opérations, pour frapper plus fort.

Elle venait d’écraser sa cigarette (une denrée rare ces derniers temps, surtout sans argent ni moyen légal de s’en procurer) quand des éclats de voix lui firent brusquement redresser la tête. A quelques pas du passage dans lequel elle était posté, elle découvrit non sans se crisper légèrement deux soldats allemands, qui parlaient entre eux dans leur langue incompréhensible avec de grands gestes qui semblaient désigner ce qui se trouvait autour d’eux. Elsa se rendit compte en leur jetant un regard glacial que l’un d’entre eux portait un appareil photo et, tout en répondant à son compagnon, ne cessait de prendre des clichés avec un enthousiasme presque incongru. Ils étaient en uniforme, mais visiblement désarmés, ce qui n’empêcha pas la jeune femme d’enfoncer un peu plus son béret sur sa tête. Lorsque les soldats l’aperçurent, elle crut un instant que la situation venait brusquement de se compliquer, mais s’ils se dirigeaient bien vers elle, ce fut pour lui adresser un large sourire et lui demander, dans un français approximatif, la direction du musée du Louvre.
- Vous connaitre le musée ? Très beau, très beaux tableaux ! s’exclamait l’un d’entre eux, lorsqu’elle eut désigné les quais. Français ont de la chance…

Elsa se contenta de hocher la tête, elle n’avait certainement pas le temps de leur faire la conversation, mais dut bien se résoudre à lâcher un commentaire sur la qualité des oeuvres de David avant qu’ils ne daignent la quitter, en reprenant leur discussion. Celui qui portait l’appareil photo immortalisa la devanture de Chez Albert avant de joindre son compagnon sans plus adresser un regard à la résistante, qui les observa s’éloigner d’un oeil froid, jusqu’à ce qu’ils disparaissent. Il était temps : du coin de l’oeil, elle vit Emile se lever, laisser quelques pièces sur la table, et s’éloigner non sans avoir jeté un regard dans sa direction, même s’il ne pouvait la voir. Mohr ne devrait plus tarder. Elsa profita du fait d’être encore seule pour sortir son arme et la laisser pendre au bout de son bras le long de sa jambe pour la dissimuler à d’éventuels regards indiscrets et fixa son regard impavide, terriblement résolu sur la brasserie et les hommes qui en sortaient. En l’occurrence, un petit groupe d’officiers, dont l’un semblait tanguer sur ses jambes. Certains s’en allèrent tout de suite, tandis que d’autres restèrent devant la porte en conversant, au plus grand dam d’Elsa qui ne pouvait distinguer Mohr - avant de se rendre compte qu’il n’était pas parmi eux, et devait donc toujours se trouver à l’intérieur du restaurant. Elle ne bougea pas d’un cil, jusqu’à ce sa silhouette reconnaissable à force d’observer les quelques photos prises à la dérobées ne se dessine à son tour devant le restaurant. Les autres Allemands, quant à eux, s’étaient peu à peu dispersés. Sans une once d’hésitation, Elsa fit quelques pas en dehors de sa cachette sans que quiconque ne lui prête attention, un peu plus loin qu’elle ne l’avait initialement prévu pour être certaine de ne pas manquer l’Oberst. Elle leva le bras d’un geste assuré, presque tranquille, visa la gorge afin être certaine qu’elle n’aurait pas à vider son chargeur pour le tuer, puis tira.

Lorsque la détonation résonna, Elsa savait déjà qu’elle ne l’avait pas touché. Il s’apprêtait à rentrer dans sa voiture, et une fraction de seconde plus tôt, il n’en aurait sans doute pas réchappé, mais dans le silence consterné qui s’installa brusquement sur la petite rue, la balle ricocha sur la carrosserie sans faire la moindre victime. Il y eu comme un instant d’hésitation général, avant chacun ne puisse réagir. La résistante ne se démonta pas immédiatement et tira une seconde fois, en vain, avant de se jeter contre la porte d’un immeuble, dans un renfoncement qui put faire office de maigre protection contre les balles qui ne tardèrent pas à siffler dans sa direction, tandis que les rares passant affolés s’enfuyaient, l’un d’eux allant même jusqu’à abandonner son vélo. Là seulement, elle lâcha un juron : elle était plus ou moins piégée, et n’avait plus que quelques coups à tirer, mais c’était sans compter sur l’intervention de son second complice. Elle leva brusquement la tête lorsque Marcel, depuis le passage où elle se trouvait quelques courtes minutes plus tôt, de l’autre côté de la rue tira à son tour, déclenchant une nouvelle fusillade. Il lui offrait une chance de se tirer de là, il lui suffisait d’atteindre l’angle de l’immeuble pour se mettre à couvert et tenter de rattraper le coup, tout n’était pas perdu. Une nouvelle salve de balles plus tard, Elsa échangea un signe avec l’autre résistant se jeta hors de sa cachette tandis qu’il occupait les Allemands, non sans tenter une nouvelle fois d’atteindre Mohr qui se baissa derrière sa voiture juste à temps. Il n’y avait que quelques mètres à courir, et pourtant, elle la sentit brusquement, une douleur violente, brûlante, presque familière qui lui déchira le bras, alors même qu’elle atteignait l’angle du bâtiment, un renfoncement entre deux bâtiments. Pendant un instant, elle en eut le souffle coupée, et lorsqu’elle se plaqua contre le mur, sa main s’était crispée autour de la plaie. Elle laissa échapper un autre juron entre ses dents serrées par la douleur mais sans se laisser le temps de vérifier l’ampleur des dégâts, prit une grande inspiration et se prépara de nouveau à tirer. Encore une fois, elle manqua le colonel, son bras tremblant ne lui étant d’aucune aide, et elle dut se dissimuler derrière le mur à nouveau. Leurs options venaient de se réduire singulièrement, et elle n’eut d’autre choix que de faire signe à Marcel, de l’autre côté de la rue, de déguerpir, ce qu’il fit après avoir vidé son chargeur. Elsa, quant à elle, ferma un instant les yeux pour essayer d’oublier la douleur qui irradiait depuis la blessure. Il fallait qu’elle file aussi, avant qu’ils ne se rendent compte qu’ils n’avaient presque plus qu’à venir la cueillir, elle ne pouvait pas se laisser attraper, pas une deuxième fois. Dans la rue, des éclats de voix en allemand avaient succédé aux tirs. S’ils l’avaient vu s’enfoncer dans ce coin qui n’était qu’une impasse, elle n’avait pas beaucoup de temps, et une seule solution : traverser la rue, autant dire se jeter sous leurs balles, mais au souvenir de ce qui l’attendait s’ils l’arrêtaient, elle préférait encore ça. Mais, alors qu’elle était toujours plaquée contre le mur, elle constata très froidement que les bruits de bottes se rapprochaient dangereusement et une question s’imposa à son esprit : aurait-elle seulement le temps de traverser cette fichue rue ?


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MessageSujet: Re: Les coucous quittent leurs nids || Elsa   Les coucous quittent leurs nids || Elsa Icon_minitime1Lun 13 Oct - 10:17

Manfred n'était pas mauvais tireur ; mais le fait était que tirer sur quelqu'un dans la rue, ce n'était pas son domaine de compétence. Ce n'était pas pareil lorsqu'on volait. On était loin et on prenait de la distance. Mohr n'était pas quelqu'un de lâche : il ne niait pas qu'il tuait des gens, et qu'il le fasse d'un cockpit ou sur le plancher des vaches, cela ne changeait finalement pas grand chose. Les gens mourraient tout de même : c'était cela la guerre et il ne fallait pas y voir autre chose. Enfin la guerre, non : la guerre était quelque chose de bien plus large qui dépassait la notion d'individu et dont il n'était qu'un rouage – pas le moindre des rouages, mais un rouage tout de même. Et chacun d'entre eux était un rouage. Voilà pourquoi il préférait sans aucun doute l'action à la politique : dans une bataille, les individus avaient encore une chance d'exister, à la guerre, qui se décidait à un niveau politique, plus personne ne comptait. Manfred était patriote, et ce depuis si longtemps qu'il était impossible d'en douter : il croyait fermement à la grandeur de l'Allemagne et était le premier à se réclamer partisan du Reich. Sans quoi il ne porterait pas cet uniforme là. Mais cela ne voulait pas dire qu'il niait un manque de courage des adversaires qu'il rencontrait. Manfred était un militaire, on lui avait appris une certaine notion de l'honneur, dont il ne pouvait pas réellement se départir. Il tuait et blessait des gens : mais jamais avec lâcheté, et s'il n'appréciait pas les idées de ses ennemis, s'il n'y croyait absolument pas et qu'il était tout à fait sur qu'il fallait les vaincre, il ne croyait fondamentalement pas que maltraiter les gens gratuitement participait à cette attitude héroïque et digne que se devaient d'adopter les vainqueurs. On entrait à nouveau dans la politique : et lui sortait de ce mécanisme là. Les intrigues pour le pouvoir, les idéologies contraires et fantasques, il n'y croyait pas, voire il les méprisait. Sans aucun doute parce qu'il jugeait que c'étaient des idées d'imbéciles, de crétins : il n'était pas un crétin et n'avait pas besoin qu'on lui désigne un bouc émissaire. Et puis pourquoi les juifs ? Les communistes, oui, sans aucun doute, et puis bien sur les capitalistes, mais pourquoi mêler la religion à tout ça ? Dieu est mort, tout le monde savait ça, non ? Certains ne devaient jamais être allés à l'école – ou un peu trop. Manfred dédaignait le mysticisme. Il était patriotique, pas en quête d'astrologie ou d'un destin. Et les fantasmes des gens qui le dirigeait, s'il les avait connu, lui aurait diablement fait peur.

Mais il ne savait pas. Et s'il n'était pas lâche lorsqu'il se battait, sur ce point là il était aveugle. Il ne comprenait pas mais suivait aveuglement. Pourquoi ? Parce que comme beaucoup d'allemands, il avait envie de croire que son pays se relèverait, et que s'il fallait faire des sacrifices, eh bien coûte que coûte et vaille que vaille, il en ferait. Voilà où en était Manfred Mohr et voilà pourquoi il se battait. Il faisait ce qu'il savait faire de mieux : voler, et commander des pilotes. Le Blitz, en somme. Voilà sans doute aussi pourquoi on l'attaquait aujourd'hui. Il aurait du se douter que ça finirait par arriver, avec ses habitudes, mais bon, s'il commençait à se dire qu'il allait mourir tous les jours...Philosophe par rapport à sa propre vie, Manfred se savait vieux, et qui plus est, militaire, il avait donc de fortes chances d'y rester. Ce qui ne signifiait pas pour autant qu'il comptait se faire tirer comme un lapin sans réagir ; ça non ! A l'abri derrière la voiture, il laissa les balles fuser. Prudemment, il arma son propre Luger et se redressa pour tirer lui aussi. L'officier faisait preuve d'un grand sang froid : pas du tout pris de panique, il prit le temps d'ajuster ses coups pour viser correctement au moins l'un des assaillants, contraignant les résistants – car qui cela pouvait-il être à part des résistants ? - à battre en retraite. Le silence retomba peu à peu, pour se faire presque oppressant : désormais, il n'y avait plus personne dans la rue, sauf eux, à savoir Manfred lui même, et Kurt, son chauffeur.

Il releva la tête prudemment par dessus le capot de la voiture. On aurait bien dit qu'il n'y avait plus personne, mais il était sur d'en avoir touché au moins un : il n'avait pas pu aller bien loin. Il se releva, pistolet toujours en main. S'adressant à son chauffeur en allemand par prudence pure, il désigna la rue :

« Allez, en avant, Kurt. Prenez ce coté là de la rue, je vais voir ce qu'il en est de l'autre coté – pas d'imprudence, ils sont peut-être armés.

-Oui, Herr Oberst. »
Il longea la rue prudemment, lentement, jusqu'à tomber sur ce qui était une sorte d'impasse : et effectivement, c'était une bonne pioche. Il aurait presque souri, mais il s'approcha avec un visage grave et presque fermé, son arme toujours à la main :

« Vous avez la figure coupable, je dois dire. »
Il était revenu au français parce qu'il avait plus de chance de se faire comprendre ainsi. « Votre arme, je vous prie... » C'était bien celui qu'il avait blessé, en effet. Il n'eut aucun mal à s'emparer du revolver ennemi. « Allons, venez, maintenant, en avant. » L'autre chancelait un peu. « Kurt ! Emmenez moi ça à l'intérieur du restaurant, et essayez de prendre ses papiers. »

Il rejoignit plus lentement le restaurant, où le propriétaire semblait quelque peu dépassé parce qu'il se passait.

« Je vous jure, mon colonel, ça me fait de la mauvaise publicité. Vous ne voudriez pas l'emmener ailleurs ? J'ai pas envie que la Milice ou la Police viennent voir ce qu'il en est, vous comprenez ? Ca fait fuir les clients, tout ça.

-Et où voudriez vous que je l'emmène ? Rue de la Pompe ? Vu son état, je préfère différer cela. De toute façon, le coup de feu est passé. Nous verrons cela plus tard. Kurt, vous avez du nouveau ?

-Pas de papier, Herr Oberst. Mais elle survivra. Je pense qu'elle est à peu près en état d'être interrogée, Herr Oberst.
-Elle ? » Manfred regarda son chauffeur d'un air un peu incrédule. « Qu'est-ce que vous me chantez là, Kurt ?
-Eh bien, c'est une femme, Herr Oberst. Voyez vous même. Je l'ai mise sur un des divans.  »


En effet. Une rousse. Peut-être bien la rousse que tout le monde parmi les nazis recherchaient, celle qui donnait du fil à retordre à la Gestapo depuis des mois, et qu'on soupçonnait d'avoir tué l'envoyé du Fuhrer, également. Mohr soupira : ce n'était clairement pas son domaine de compétence, la traque des résistants. Mais s'il parvenait à lui faire dire des choses, après en plus l'avoir capturée, personne ne pourrait nier qu'il avait fait mieux que toute la SS réunie et qu'il méritait amplement une promotion à Berlin. Il tira donc une chaise et s'assit face à elle, parlant d'une voix très calme :

« Est-ce que vous m'entendez, Fraulein ?  Oui ? Vous êtes donc en état de me parler. »
Il fit une légère pause : « Je suis l'Oberst Mohr – mais ça vous devez le savoir, sauf si vous avez décidé de m'attaquer complètement au hasard. Et vous devez savoir aussi que vous n'êtes pas à la Gestapo. Du moins pour l'instant. Répondez à mes questions, Fraulein. Je m'arrangerais pour vous éviter l'interrogatoire de la Gestapo. » Il n'aimait pas les SS. Il méprisait la torture et il n'avait qu'une seule envie : leur mettre des bâtons dans les roues. « J'essaierais aussi de vous faire venir un docteur, mais il faut que vous m'aidiez, vous comprenez ?  Le seul moyen d’allonger la vie, c’est d’essayer de ne pas la raccourcir, et il serait bien – pour vous – que vous y mettiez du votre pour m'évitez d'avoir à interrompre votre existence. Vous comprenez ce que je dis ? »

Technique simple d'approche. Il demandait, elle répondait. Ou pas. Mais il essayait.

« Vous avez assassiné Hansmuller, n'est-ce pas ? Quel est votre véritable nom ? N'essayez pas de me mentir, Fraulein. Je suis sans pitié, sans scrupule, sans compassion, sans indulgence, pas sans intelligence : je sais pourquoi vous n'avez pas de papiers sur vous et que même si vous en aviez, ils auraient de fortes chances d'être faux. Pourquoi m'avez vous attaqué ? Qui vous a dit que j'étais en charge du Blitz ? »

La question principale, c'était bien celle ci. Parce que cela voulait dire qu'il y avait probablement un espion interne qui connaissait ses plans et renseignait l'ennemi. Et ça, Manfred ne pouvait pas le laisser faire.
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