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 « Un homme peut sourire, sourire et n'être qu'un scélérat » [Rachel & Maxime]

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Maxime Andrieu
Maxime Andrieu
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■ profession : Etudiant en lettres et à l'Ecole Libre de Science Politique, stagiaire (relou) à l'ambassade de Vichy.

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■ religion: Catholique, peu pratiquant
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MessageSujet: « Un homme peut sourire, sourire et n'être qu'un scélérat » [Rachel & Maxime]   « Un homme peut sourire, sourire et n'être qu'un scélérat » [Rachel & Maxime] Icon_minitime1Dim 28 Sep - 22:37

Le fait qu’il ne soit pas tout à fait neuf heures du matin, et qu’il n’était pas seul dans le grand appartement familial n’empêcha pas Maxime Andrieu de laisser courir ses doigts sur les touches du piano qui ornait le salon. Troublant le calme d’une matinée ordinaire, quelques notes s’élevèrent sous ses mains habiles, en douceur d’abord, puis avec un peu plus de vigueur à mesure que le morceau avançait, si bien qu’il fut bientôt difficile d’entendre autre chose qu’un concerto de Bach qui, pour être joué sans la moindre fausse note, n’en était pas moins un morceau un peu envahissant pour une heure aussi matinale. Un sourire narquois effleura les lèvres de Maxime lorsqu’il entendit les bruits de pas qu’il guettait depuis qu’il s’était installé au piano, et par pure provocation, il se fit un plaisir d’appuyer un peu plus vivement que de nécessaire sur les touches, jusqu’à ce qu’un objet non-identifié ne vole à travers la pièce pour aller s’écraser sur le sol, à quelques centimètres du tabouret sur lequel il était installé.
- Fais taire cette chose où je te promets que je le démonte pièce par pièce ! gronda la voix menaçante de Nicolas dans son dos, qui avait décidément un peu de mal à viser de bon matin.
Le pianiste n’obtempéra pas tout de suite, et ne se retourna vers son frère qu’après un second avertissement, non sans avoir conclu ce qui s’avérait toujours être un parfait réveil par deux notes bruyantes que Bach n’aurait pas beaucoup appréciées au milieu de son concerto. Fier de lui, Maxime laissa échapper un sourire satisfait.
- Oh, la Belle au bois dormant a daigné se réveiller, lança-t-il en dévisageant Nicolas.
Ce dernier lui retourna un regard qui semblait se vouloir mauvais, mais avait quelque chose de ridicule quand on considérait le reste de sa mise et son air de quelqu’un que l’on aurait jeté de son lit en plein milieu de la nuit. Ce qui devait être le cas, vue l’heure à laquelle Maxime l’avait entendu rentrer, sans la moindre discrétion, alors que certains dans cette maison essayaient de se concentrer sur la lecture d’ouvrages tristement prétentieux et pitoyables sur la prétendue véritable identité de William Shakespeare. En conséquence, il considérait qu’il avait le droit pour lui, que ce petit réveil tout à fait agréable n’était que justice et qu’après tout, il n’y avait pas d’heure pour étaler aux yeux de tous le talent de Bach.
- Il est neuf heures du matin, gronda Nicolas alors que son cadet, tout à fait réveillé, lui, se levait et s’éloignait enfin du piano.
- Justement, tu pourrais me remercier : grâce à moi, tu ne seras pas en retard à tes cours, et tu auras peut-être une petite chance de plus de devenir avocat, rétorqua Maxime, ce qui n’est pas du luxe, tu sais, tu ne m’as pas l’air très bien parti…
Il allait ajouter qu’il ne voyait pas bien quelles affaires il allait pouvoir plaider avec une tête pareille, mais son aîné ne lui en laissa pas le temps, et dans un réflexe bien connu de deux garçons ayant grandi ensemble, entreprit de se venger en voulant mettre son frère par terre. Heureusement pour ce dernier, il n’était en effet que neuf heures du matin, et visiblement, il ne fallait pas trop en demander à Nicolas à une heure pareille, puisqu’il parvint à lui résister jusqu’à ce qu’une silhouette ne se dessine dans l’encadrement de la porte - ce qui était à noter, il fallait bien admettre que Maxime faisait difficilement le poids face à son aîné.

- Allons messieurs, vous vous battez déjà à cette heure ? fit la voix réprobatrice de Suzanne, qui retrouvait encore parfois ses réflexes de gouvernante et en avait vu bien d’autres avant celle-ci.
- Et la journée ne fait encore que commencer ! répondit le plus jeune des Andrieu, toujours aussi fier de lui, une fois qu’il eut repoussé son frère.
La vénérable femme à tout faire de la famille haussa les sourcils puis tourna les talons et sortit accomplir l’un de ses petits rituels matinaux, tandis que les deux jeunes hommes se jaugeaient un instant. Maxime gratifia Nicolas d’une bourrade puis le laissa achever de se réveiller en prenant le chemin de la salle à manger où attendait un petit déjeuner plus ou moins satisfaisant, mais qui constituait à peu près tout ce que l’on pouvait encore trouver en ces temps de rationnement, boutiques et marché noir confondus. Il ne s’en perturba pas : les Andrieu n’étaient pas de ceux qui souffraient des privations, même si certains produits avaient fini par disparaître presque totalement, y compris des échanges sous le manteau, rigoureusement interdits mais toutefois très prisés de ceux qui en avaient encore les moyens, à savoir précisément les autorités et autres notables. La seule catastrophe dans le domaine selon Maxime, c’était le manque de chocolat (ce n’était pas faute de rappeler constamment à Suzanne qu’il n’en restait plus beaucoup ou pas du tout) mais comme la gouvernante avait réussi à dénicher du vrai café et qu’il n’était définitivement que neuf heures du matin, il consentit cette fois à se garder de tout commentaire. Suzanne, de toute façon, était sortie et ce n’était pas Nicolas, mal réveillé comme il l’était, qui trouverait une solution à son problème. Les parents Andrieu, quant à eux, avaient déjà déserté les lieux - sans quoi, tout téméraire soit-il, Maxime n’aurait pas usé de l’autorité de Bach pour sortir son frère de son lit. Jeanne ne tarissait jamais d’éloges sur ses talents de pianiste et surtout la remarquable intuition qui avait été la sienne de le pousser à apprendre à en jouer, mais il y avait fort à parier que son admiration n’était pas assez grande pour s’éveiller aussi tôt, notamment en l’absence de spectateurs auprès desquels se rengorger. Camille Andrieu, quant à lui, était de ces hommes que l’on ne s’amusait pas à réveiller contre sa volonté, que l’on soit son fils ou Jean-Sebastien Bach lui-même, le premier n’avait jamais eu besoin de tenter ne serait-ce qu’une seule fois l’expérience pour en être convaincu. Nicolas non plus n’était pas de ces gens-là, à bien y réfléchir, mais il n’était certainement pas venu le jour où Maxime serait impressionné par son frère, qui avait prouvé ce matin qu’il n’était finalement pas très effrayant, quand bien même il savait jouer de ses poings et mesurait une bonne tête de plus que lui. C’est donc tout à fait tranquillement qu’il s’installa dans un siège et s’offrit une tasse de café, l’esprit déjà bien loin de ces considérations matinales, lui qui avait bien d’autres choses auxquelles penser. A commencer par un certain mémoire, mais aussi la façon dont il pourrait utiliser les quelques heures de cours à venir pour se livrer à une activité tout aussi intéressante : se mêler des faits et gestes de Rachel Lévi.

Depuis son rendez-vous avec Blanchard qui lui avait suggéré que certains lui seraient reconnaissants, dans les hautes sphères, de réussir à faire tomber les protections dont étaient entourés les Lévi, Maxime n’avait pas avancé aussi vite qu’il le souhaitait, mais il en fallait plus pour lui faire baisser les bras, et il avait opté pour une solution qui en valait bien une autre : tourner autour de sa camarade pour la pousser au faux pas, quand bien même il ignorait encore quelle erreur elle pourrait commettre et ce qu’il pourrait découvrir. Andrieu était de ceux qui avaient assez d’assurance - voire assez d’arrogance - pour se fier à leur instinct, et d’une façon ou d’une autre, il était persuadé que Rachel avait quelque chose à cacher. Il avait tout à fait conscience, là, enfoncé dans un siège, une tasse de café à la main, de ce qu’il faisait, et que s’il avait raison et parvenait à le prouver, Rachel Lévi et probablement le reste de sa famille risquaient de grossir la déjà très longue liste des disparus sans grand espoir de retour depuis le début de l’occupation. Mais il n’avait pas pour habitude de s’embarrasser d’états-d’âme, et si les Lévi étaient l’obstacle dont il fallait se débarrasser pour parvenir à ses fins et combler un peu de son ambition, alors la question était réglée à ses yeux. Il ne pouvait qu’être d’accord avec son père sur ce point : il faut savoir s’adapter aux circonstances. Or les circonstances ces derniers temps se résumaient aux Allemands, et bien qu’il n’ait pas une admiration immense pour ces derniers - pas plus qu’il ne haïssait les juifs, il fallait chercher les opportunités là où elles se trouvaient. Et il l’ignorait encore lorsqu’il entendit le pas familier de Suzanne dans l’entrée, mais ses certitudes quant aux activités de Rachel Lévi allaient très vite se voir renforcées. En silence - elle ne parlait que rarement pour ne rien dire - l’ancienne gouvernante déposa sur la table une liasse de papiers puis retourna à la cuisine. Maxime observa d’un oeil distrait le courrier du jour, en cherchant vaguement quelque chose qui pourrait le concerner, mais bien loin de mettre la main sur une quelconque lettre, ce fut sur un papier tout à fait surprenant qu’il mit la main : le Réveil. Un rictus à la fois perplexe et narquois tordit ses lèvres alors qu’il extirpait le journal clandestin du reste des lettres adressées à son père. Il fallait avoir un sacré sens de l’humour pour déposer une chose pareille dans la boîte aux lettres des Andrieu, dont le nom était difficile à manquer, ou alors être vaguement inconscient : visiblement, on pouvait facilement tomber sur Nicolas tard le soir, ou sur Camille tôt le matin.
- Qu’est-ce que tu fabriques avec ça ?
Nicolas, justement, venait de faire son entrée dans la salle à manger, et lança un regard méfiant vers ce que son frère avait en main.
- Quelqu’un l’a mis dans le courrier… répondit Maxime après avoir vaguement levé les yeux vers son frère. Tu savais que Merlin s’était reconverti dans le journalisme clandestin ?
Son aîné grommela qu’il s’en moquait allègrement et qu’il n’y avait plus qu’à se débarrasser du torchon, mais il cessa de l’écouter au moment où, tournant distraitement les pages, après une chronique mondaine devant laquelle certains s’étrangleraient sans doute, il tomba sur une nouvelle rédigée par un certain « Perceval », nouvelle qui, en quelques lignes, avait réussi à capter son attention. Non pas parce qu’il s’intéressait brusquement à ce clamait la résistance et autres terroristes du même genre, ou parce qu’il se sentait concernait par les états-d’âme d’un inconscient, mais parce que le style de ce qu’il avait sous les yeux ne lui était pas inconnu. On pouvait trouver beaucoup de défauts à Maxime, mais on ne pouvait lui nier un certain don pour l’observation, couplé d’une bonne mémoire et à force de parcourir les lignes imprimées, il finit par se souvenir où il avait vu pareille écriture. Un sourire qui n’appartenait qu’à lui étira ses lèvres. Celui, ou plutôt celle qui écrivait ses nouvelles en avait aussi fait publier dans le journal de la Sorbonne, il en avait même refusé une du temps où il en était le rédacteur en chef. Rachel Lévi, puisque c’était bien elle, venait de lui offrir une occasion inespérée de la piéger.
- Maxime ? T’es vraiment entrain de lire ces conneries ? le rappela à l’ordre la voix de Nicolas.
- Tout à fait, figure-toi qu’on y découvre des choses intéressantes parfois, rétorqua Maxime en déchirant la page concernée, après avoir jeté un coup d’oeil sur l’heure. J’y vais, à plus tard !
Et là-dessus, sans laisser le temps à son frère de répliquer, il se saisit de ses affaires et claqua la porte de l’appartement familial - ce qu’on pouvait désormais faire sans risquer de briser le moindre cadre puisque celui qui contenait la sacro-sainte photo de famille avait été changé et déplacé - et prit le chemin de la Sorbonne.

Il entra dans la faculté comme en terrain conquis, saluant au passage quelques connaissances, dont un groupe de jeunes hommes qui, pour certains, partageaient ses cours à l’Ecole Libre de Sciences Politiques, mais ne s’attarda pas et se dirigea vers l’amphithéâtre Turgot où Louis Marat donnait un cours sur le théâtre auquel il savait qu’il ne manquerait pas de tomber sur l’aînée des Lévi. Il la repéra d’ailleurs assez vite, déjà installée et à nouveau, un rictus étira ses lèvres, mais bien moins énigmatique celui-ci : le satisfaction s’y lisait comme les mots dans un livre. Il ignora les regards perplexes de ses amis qui devaient commencer à se demander ce qui lui prenait avec cette fille, et se dirigea très tranquillement vers Rachel tout en sortant la nouvelle pliée de sa poche. Sans prévenir, il se pencha derrière elle, posa la le papier bien à plat sur le pupitre de la jeune femme et, tout sourire, s’adressa enfin à elle :
- Dis-moi, Lévi, c’est toujours aussi moyen tes nouvelles ! C’est pour ça que tu es passée anonyme ? Ceci dit, quand on voit ton talent pour choisir les pseudonymes, on comprend… Perceval, c’est mignon.
Il y avait de l’ironie et une certaine arrogance dans ces paroles, qu’il prononça comme s’il s’agissait de la chose la plus naturelle à dire. Il la dévisagea un instant, pour juger de son effet, avant de planter son regard dans le sien.
- Le Réveil, rien que ça… J’en connais que ça intéresserait, il paraît que ça agace les Allemands, ces petites choses, ajouta-t-il plus sérieusement, avant de retrouver son petit sourire.
Tout dans son attitude respirait l’assurance. De fait, Maxime était sûr de lui, et il voulait que Rachel le sache. Qu’elle sache qu’il n’avait plus qu’à trouver des preuves de ce qu’il disait, et qu’il ne doutait absolument pas d’en trouver. Que d’une façon ou d’une autre, il la tenait.
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Rachel Lévi
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MessageSujet: Re: « Un homme peut sourire, sourire et n'être qu'un scélérat » [Rachel & Maxime]   « Un homme peut sourire, sourire et n'être qu'un scélérat » [Rachel & Maxime] Icon_minitime1Dim 30 Nov - 23:01

- Et bien, tu en as mis du temps ! Lança Rachel Lévi en direction de son amie Hélène qui venait à peine d'apparaître en bas de son immeuble, toute essoufflée, et pourtant ce n'est pas faute de t'entraîner à la course, depuis que le printemps est de retour, tu ne cesses d'arpenter le Ve arrondissement en courant avec Romain... Oh mais attends, on ne sait pas trop ce que vous faites une fois vos dix minutes d'échauffement terminés !
La jeune femme rousse avait terminé sa phrase dans un grand éclat de rire qui contrastait avec la mine furieuse d'Hélène qui n'appréciait guère ce genre de sous-entendus, mais malheureusement pour elle, comme le prouvait son visage rouge, elle n'était pas encore remise de son sprint et ne pouvait pas répliquer, seule raison pour laquelle Rachel en avait profité. De son côté, Sarah se contenta de saluer la meilleure amie de son aînée tout en s'efforçant de placer sa veste de façon à ce que l'on ne puisse pas trop voir son étoile jaune, ce qui était peine perdue.
- Non mais... Je... J'avais mon tour à faire, finit par dire Hélène en haletant et en désignant son sac en bandoulière dont la vision fit briller les yeux de sa camarade, et j'ai un certain nombre d'habitués dans ce quartier, je m'en serais voulue de les décevoir.
- Des habitués ? Répliqua Rachel au tac au tac en faisant la moue, c'est pourtant un endroit bien mal fréquenté, crois-moi, il y a l'ambassade de Vichy pas loin, l'avocat collabo Biauley dans l'immeuble là-bas, sans compter les... Andrieu qui ont bien un appartement même s'ils se comportent comme s'ils étaient chez eux partout. Ils n'ont pas tort, c'est le règne des pourris en ce moment.
- Et bien, ils ont tous une addiction à ta plume, s'exclama Hélène d'un ton péremptoire, ayant retrouvé son souffle et sa bonne humeur, ils se languissaient sans le journal et je ne voulais pas les décevoir, tu comprends bien. D'autant que Biauley est cité. Sous le nom de « misérable rat d'égout aveuglé par les paillettes » je crois, j'en connais une qui était en forme !
- Excusez-moi, les interrompit Sarah qui avait abandonné l'idée de mettre sa veste en valeur et qui avait saisi la main de sa sœur, mais si vous considérez que c'est si mal fréquenté, pourquoi est-ce qu'on ne partirait pas pour aller à l'école ? Je vais être en retard, Rachel. De quel journal, vous parlez ?
Rachel et Hélène répondirent en chœur qu'il ne s'agissait de rien et tout en continuant à s'interpeller et à échanger des noms d'oiseaux sur les doux habitants du VIIe arrondissement, elles s'élancèrent en direction de l'école de Sarah, le lycée Victor-Duruy.

Il fallait bien dire que même si Rachel adorait ce quartier où elle avait passé une large partie de son enfance, entre deux semaines dans la villa de Versailles, l'endroit était particulièrement peu réceptif à sa plume, surtout quand celle-ci s'exerçait dans un journal comme Le Réveil. C'était bien de ce journal clandestin qu'Hélène venait de faire la distribution, prenant d'ailleurs des risques inconsidérés à aller de boîtes aux lettres en boîtes aux lettres pour glisser la feuille qui faisait glousser les Parisiens au cœur de résistants ou s'arracher les cheveux des autorités allemandes comme françaises qui y étaient dépeintes, dans la trop fameuse chronique de « Celle qui ne mentit jamais » (et qui n'était pas fameuse uniquement pour la longueur démesurée de son pseudonyme). Mais c'était aussi là où on pouvait lire les créations de Lancelot qui étaient ensuite reprises lors des manifestations ou depuis plusieurs mois à présent, des petites nouvelles sans prétention mais remarquables de drôlerie et d'émotion (d'après la toujours très objective Hélène, évidemment). Ces textes étaient signés du pseudonyme de Perceval, que Rachel avait choisi un peu par hasard, parce qu'elle appréciait ce chevalier qui restait fidèle à ses valeurs et à son roi et surtout parce que l'équipe du Réveil semblait décidée à faire revivre la Table ronde. Hélène était l'unique personne à savoir qui se cachait derrière Perceval et plus encore que Perceval avait de longs cheveux roux, des pommettes rosissantes sous l'effet du froid de ce mois d'avril et des yeux pétillant de vie et de jeunesse. Bref, rien à voir avec le chevalier que l'on pouvait s'imaginer sinon peut-être pour l'armure, car Rachel, après tout ce qu'elle avait vécu depuis les débuts de l'occupation allemande, était parée à toute éventualité. Et Dieu seul savait à quel point elle en aurait encore besoin. En attendant, elle avait rédigé une petite nouvelle sautillante qui parlait d'un jeune homme vivant à Paris dans ces années sombres, qui se moque ouvertement des occupants, ce qui le rendait déjà fort sympathique mais qui se concluait sur une chute particulièrement triste, destinée à éveiller les consciences. Ce n'était pas le texte le plus subtil auquel Rachel avait mis sa patte, elle en convenait volontiers, mais en ces temps de guerre, la subtilité n'avait aucune importance, il fallait frapper fort et choquer, même si les moyens étaient un peu grossiers. Et ce matin-là, des dizaines, sans doute des centaines de Parisiens car le tirage du Réveil était de plus en plus important, pourraient se lever sur ces articles, s'émouvoir sur le dernier poème de Lancelot ou sur la nouvelle de Perceval, rire aux dépens des collaborateurs notoires dans la chronique mondaine puis se sentir révolté par les considérations plus politiques de Merlin. Combien d'entre eux seraient vraiment convaincus ? Combien d'entre eux ne se serviraient tout simplement pas de ces feuilles comme combustibles ? Combien d'entre eux iraient ensuite manifester ou rentrer dans la résistance ? Une infime part sans doute. Mais ce n'était pas le plus important. Même si ce n'était que pour une personne, il fallait continuer. Et en plus, Le Réveil avait l'avantage non négligeable d'agacer profondément les Allemands et la police – et ça, c'était à la fois flatteur et très réjouissant.

Ce ne fut qu'à regret que Rachel abandonna sa petite sœur aux grilles du lycée Victor-Duruy. Depuis les premières rafles de 1942, elle n'aimait guère la laisser entre les mains d'étrangers sans avoir la certitude absolue de la retrouver le soir venu. Elle aurait aimé garder celle qui n'était encore qu'une enfant dans un cocon protecteur sur lequel elle pourrait veiller en permanence mais force était de constater que ce n'était pas possible. Il fallait bien vivre avec l'idée qu'on ne pouvait pas protéger ses proches de tout, avec celle que tout pouvait basculer d'un instant à l'autre et qu'on pouvait ne plus revoir les visages aimés. Sentant la réticence de son aînée, Sarah, faisant fi de ses camarades qui pouvaient se moquer de tels élans d'affection, serra sa sœur dans ses bras et déposa un baiser sur sa joue avant de passer les grilles en trottinant. Rachel la regarda s'éloigner mais déjà, Hélène l'entraînait vers le Ve arrondissement et la Sorbonne où elles se devaient d'assister à leurs cours de la journée :
- J'ai bien cru que j'allais me faire prendre à un moment donné, continuait celle-ci avec forces gestes pour mimer la scène, un type sortait de son immeuble lors que je mettais les journaux dans les boîtes. Je lui ai dit « bonjour monsieur » avec le plus bel aplomb...
- Tu devrais faire de la Commedia dell'Arte, observa Rachel, retrouvant son sourire devant les pitreries de sa camarade, pas les drames d'Anglereys, tu aurais beaucoup plus de succès.
- Mais... Je te remercie, tiens ! Tu imagines Ida dans de la comédie ? En soubrette dans Molière, s’esclaffa Hélène.
- Je devrais t'accompagner quand même, insista Rachel après avoir ri à son tour, pour monter la garde, tu vois...
- Pas question, refusa Hélène, alors que les jeunes femmes arrivaient place de la Sorbonne devant la chapelle de Richelieu, tu prends déjà suffisamment de risques comme cela. Et puis on serait suspectes. Alors que là, qui irait soupçonner une jolie fille comme moi d'activités illégales ?
Rachel n'eut pas le temps de protester que déjà Hélène s'éloignait en sautillant en direction de sa future salle de cours, en lui faisant un signe de la main et en lui lançant qu'elles se retrouveraient à l'heure du repas. Elle n'avait, quant à elle, pas besoin de consulter son emploi du temps pour savoir où se diriger et c'était presque par habitude qu'elle entra dans l'amphithéâtre Turgot où elle retrouverait Louis Marat et ses fameux cours sur le théâtre. Ils étaient nombreux à venir assister aux monologues fantastiques de ce professeur inspiré qui savait comment capter l'attention de ses auditeurs, mais Rachel, l'esprit un peu ailleurs, se dirigea vers sa place habituelle, sur un banc où elle serait tranquille pour prendre ses notes. Cela faisait plusieurs années qu'elle travaillait avec Marat sur le sujet des pièces de Racine, et sans doute leur collaboration aurait du s'arrêter au moment du passage de l'agrégation de la jeune femme. Mais il n'y avait pas eu d'examen et si elle rempilait, c'était au moins avec le plaisir de pouvoir avoir des conversations passionnées sur le théâtre avec Marat. Du moins, c'était souvent l'excuse qu'elle invoquait pour le rejoindre à la fin du cours, même si ce n'était parfois que pour échanger des bribes d'informations sur les enfants de l'orphelinat de Reuilly.

- Dis-moi, Lévi, c'est toujours aussi moyen tes nouvelles !
Rachel sursauta violemment, alors qu'une feuille de journal dépliée était plaquée sur son bureau. Maxime Andrieu. Évidemment. Elle frissonna de dégoût en le sentant derrière elle et se retourna brusquement pour le voir en train de lui adresser un sourire empli d'autosatisfaction. En temps normal, un type comme Andrieu l'aurait volontiers ignoré, d'autant plus que sa veste, même si elle l'avait ôtée à son entrée dans la salle, portait toujours l'étoile jaune qui faisait d'elle une paria, surtout aux yeux des fils de collaborateurs qui n'étaient déjà pas très sympathiques avant la guerre – imaginez dans quel état ils étaient rendu depuis que leur père jouait au copinage avec les Allemands. Mais depuis quelques temps, ce temps-là semblait révolu, il semblait même prendre un malin plaisir à lui tourner autour en lançant des sous-entendus compris de lui seul (ce qui en diminuait largement la portée mais rien ne pouvait effacer son arrogance naturelle). Pour le moment, Maxime ne parut pas vouloir être plus clair car il insista d'un ton moqueur :
- C'est pour ça que tu es passée anonyme ? Ceci dit, quand on voit ton talent pour choisir les pseudonymes, on comprend... Perceval, c'est mignon.
Rachel jeta un coup d’œil à l'article qu'il lui avait mis sous les yeux et frissonna à nouveau. Elle mit un certain temps à en identifier la raison mais elle dut bien admettre qu'il s'agissait de peur. Car sous son nez s'étendait la fameuse nouvelle qu'elle avait rédigé pour Le Réveil et qui venait d'être publiée. Le plus naturellement du monde, contenant ses tremblements, elle releva de grands yeux bleus innocents vers lui. Comment avait-il pu deviner ? Qu'est-ce qui l'avait donc vendue à cet horrible type ?
- Le Réveil, rien que ça... J'en connais que ça intéresserait, il paraît que ça agace les Allemands, ces petites choses, ajouta-t-il, plein d'assurance, comme s'il avait l'absolue certitude de ce qu'il avançait.
Bluffait-il ? Ce n'avait aucune importance en réalité, elle ne pouvait que nier ces accusations qui la mettait dans une situation très délicate, tout comme le journal. Elle leva donc le menton pour se donner plus d'assurance qu'elle n'en avait et écarta l'article de sa table pour y mettre son carnet de prise de notes, le poussant à s'écarter d'elle.
- Tu es sérieusement en train de dire que je suis la personne qui a écrit ce texte-là ? Que je serais... Perceval ?... Qu'est-ce qui te prend, Andrieu en ce moment ? Tu me vois partout ou quoi ? Évidemment, ce n'est pas moi : tu ne te souviens pas, je n'avais déjà pas le niveau pour le journal de la fac, ce n'est certainement pas pour écrire dans un journal tout court.
Louis Marat venait d'apparaître dans la salle dans un grand boucan puisqu'il lança à moitié son sac sur son bureau mais au grand désappointement de Rachel, il se mit à discuter avec quelques élèves du premier rang ce qui retarda d'autant plus le début du cours. Toutefois, la jeune femme avait gagné en confiance depuis qu'Andrieu s'était écarté d'elle et voyant qu'il ne semblait pas décidé à tourner les talons, elle l'apostropha sur le même ton moqueur qu'il avait lui-même adopté :
- Mais dis-moi Andrieu, tu lis les journaux clandestins, toi ? Je n'aurais jamais cru ça de la part de ton père – à moins qu'il attende d'être cité dans la chronique mondaine comme lécheur de bottes professionnel ? Je suis étonnée, je croyais que ça agaçait les Allemands ces petites choses, termina-t-elle en le singeant, tout en croisant les doigts pour que Marat se décide à commencer à son cours et à lui donner une excuse pour se détourner d'Andrieu.
Elle lui tendit le bout de journal qu'il lui avait mis sous le nez :
- Tiens, n'oublie pas de reprendre ça, on sait jamais, ça pourra peut-être t'aider à retrouver le véritable Perceval. Fais gaffe, les œillères que tu portes, ça n'aide pas à avoir une vision très claire.
Rachel le gratifia même d'un petit sourire, sans se démonter mais toute sa belle assurance ne faisait guère de poids face à l'aplomb du jeune homme qui ne paraissait pas vouloir en démordre :
- Bon, Andrieu, tu peux partir maintenant et rejoindre ta petite cour d'admiratrices et de types assez stupides pour ne pas s'apercevoir que tu es un connard. Tu n'avais quand même pas l'intention de t'installer à côté de moi, si ? Tu n'es pas venu assister au cours de Marat uniquement dans le but de me taper sur les nerfs, rassure-moi ? Je ne suis pas Perceval, voilà. Qu'est-ce que tu veux d'autre ?
Elle ne baissa pas une seule fois le regard, même alors que Marat les gratifiait d'une salutation générale, espérant, priant pour qu'il s'en aille enfin. Elle se prit à maudire intérieurement Hélène. Évidemment, son amie n'avait pu résister à l'envie de narguer les Andrieu en allant mettre un exemplaire dans leur boîte aux lettres, les voilà les fameux « habitués du VIIe » ! Et qui en récoltait les fruits ? Si elle n'avait pas étranglé Andrieu avant, c'est Hélène qui paierait à l'heure de la pause repas !
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MessageSujet: Re: « Un homme peut sourire, sourire et n'être qu'un scélérat » [Rachel & Maxime]   « Un homme peut sourire, sourire et n'être qu'un scélérat » [Rachel & Maxime] Icon_minitime1Mar 3 Nov - 19:54

Maxime était sûr de lui. Tout dans son attitude, du rictus presque goguenard qui étirait ses lèvres, à la façon qu'il avait de dévisager Rachel, ou de se tenir juste derrière elle – tout trahissait à quel point il était certain de ne pas se tromper. Non sans arrogance, certes, mais s'il y avait une chose que l'on ne pouvait ôter au cadet des Andrieu, c'était son redoutable sens de l'observation et une certaine perspicacité, dont il avait conscience et auxquels il avait pris l'habitude de se fier. Après tout, dans la vie, ne pas reconnaître son talent, c'est faciliter la réussite des médiocres, et le jeune homme n'était pas de ceux qui se sous-estimaient. Et en l'occurrence, il savait. Il était tout à fait sûr de lui : Rachel Lévi, l'innocente petite Rachel Lévi, la fille bien sous tous rapports qui prétendait jouer la rebelle en contournant les réglementations dédiées aux gens de son espèce, celle-là même qu'il avait sous les yeux était la personne qui se cachait derrière ce Perceval un peu trop inspiré pour son propre bien. Maxime ne pouvait prétendre avoir lu avec une grande attention les nouvelles qu'elle publiait dans le journal de la Sorbonne (à l'exception peut-être de celle qu'il avait refusée du temps où le siège de rédacteur en chef lui avait échu, avant qu'elle et son amie Perrin ne trouvent rien de mieux à faire que de l'en déloger), mais lui qui avait pour habitude de noter les tics, les façons de se tenir ou de parler de ceux qui croisaient son chemin n'avait pu ignorer le ton vaguement familier des quelques lignes qu'il avait parcourues dans Le Réveil. D'aucuns auraient pu lui faire remarquer qu'il voyait surtout dans cette nouvelle ce qu'il voulait y voir, mais lorsqu'il s'agissait de se remettre en question, lui ou son intuition, Maxime était brusquement beaucoup moins talentueux. Maintenant qu'il avait cette idée en tête, il comptait bien poursuivre jusqu'à obtenir satisfaction. Et si par hasard, de manière tout à fait hypothétique, il se trompait, il finirait bien, en creusant, par tomber sur autre chose. De toute façon, il avait bien l'intention de pousser Rachel à la faute rapidement. Il aurait pu garder ses soupçons pour lui, d'autant qu'il n'avait pas la moindre preuve sinon ses propres certitudes et quelques détails de style dans une courte histoire. Il aurait pu faire comme si de rien n'était et chercher de quoi la confondre sans lui laisser la moindre chance de nier, et donc de s'en sortir puisque le but de tout cela était d'ôter l'épine Lévi du pied de certains des notables de Vichy qui ne manqueraient pas de l'en remercier. Mais Maxime avait eu le temps d'y songer, et en calculateur aguerri, il était persuadé que rien ne valait les menaces non-voilées, et la pression qui s'en suivait. Il voulait qu'elle sache ce qu'il avait en tête, qu'elle ait conscience de ce qu'il faisait, et qu'elle agisse comme le poussin piégé qu'elle ne saurait tarder à être : en faisant un faux pas. Même s'il fallait pour ça qu'il lui tourne autour dès qu'il en avait l'occasion. Maxime savait se montrer patient.

C'est donc visiblement satisfait de son petit effet qu'il étudia sans s'en cacher le visage de Rachel, une fois qu'elle eut pris connaissance de ce qui l'amenait auprès d'elle de bon matin. Il chercha sur ses traits pâles et dans ses grands yeux (bleus, nota-t-il pour la première fois) un signe, ne serait-ce qu'un éclat qui pourrait la trahir, mais si elle eut bien un moment de surprise et d'incompréhension, il lui fallut reconnaître à la jeune femme une belle maîtrise d'elle-même, car elle n'eut pas tout à fait la réaction qu'il attendait. Il ne s'en offusqua ni ne s'en démonta pour autant : peut-être était-elle un peu plus résistante qu'un poussin finalement, et s'il avait bien l'intention de ne pas laisser durer cette situation trop longtemps, il n'était pour autant pas particulièrement pressé. Bref, elle ne s'était pas trahie, mais le fils Andrieu, en bon futur politique qu'il se voyait être, savait se montrer opiniâtre et persuasif, il en faudrait donc bien plus pour le décourager, et son rictus satisfait ne l'avait pas quitté lorsqu'une fois son petit laïus terminé, la jeune femme leva fièrement le montant, et l'obligea à s'écarter légèrement.
- Tu es sérieusement en train de dire que je suis la personne qui a écrit ce texte-là ? demanda-t-elle enfin. Que je serais... Perceval ?... Qu'est-ce qui te prend, Andrieu en ce moment ? Tu me vois partout ou quoi ? Évidemment, ce n'est pas moi : tu ne te souviens pas, je n'avais déjà pas le niveau pour le journal de la fac, ce n'est certainement pas pour écrire dans un journal tout court.
- Ne te méprends pas, Lévi, je n'ai jamais prétendu que tu publiais dans un journal de qualité... répliqua-t-il en s'appuyant sur le pupitre qui se trouvait dans son dos. Disons que tu as un style tristement reconnaissable. Dans d'autres circonstances, je me serais bien passé de m'en souvenir, mais là...
Il laissa sa phrase en suspens, tandis que Louis Marat faisait une entrée tonitruante dans l'amphithéâtre. Entrée qui aurait pu signer la fin de son petit tête-à-tête avec sa camarade, mais alpagué par un des élèves du premier rang, l'éminent professeur ne commença pas immédiatement son cours, ce qui n'était pas pour arranger les affaires de cette chère Lévi, à laquelle il revint quand elle l'apostropha.
- Mais dis-moi Andrieu, tu lis les journaux clandestins, toi ? Je n'aurais jamais cru ça de la part de ton père – à moins qu'il attende d'être cité dans la chronique mondaine comme lécheur de bottes professionnel ? Je suis étonnée, je croyais que ça agaçait les Allemands ces petites choses, ironisa-t-elle avant d'attraper le bout de journal qu'il avait volontairement laissé sur sa table. Tiens, n'oublie pas de reprendre ça, on sait jamais, ça pourra peut-être t'aider à retrouver le véritable Perceval. Fais gaffe, les œillères que tu portes, ça n'aide pas à avoir une vision très claire.

Maxime nota avec un amusement qui n'était pas départi d'une pointe de mépris que la jeune Lévi avait visiblement décidé de ne pas se laisser faire, et de ne pas lui faciliter les choses. Il répondit à son petit sourire par un rictus tout à fait affable, et récupéra tranquillement la nouvelle sans toutefois donner l'impression de vouloir tourner les talons.
- Ne t'en fais pas pour moi, je trouve que les choses sont très claires, répondit-il.
L'espace d'un instant, il détourna le regard de Rachel pour répondre d'un signe au geste interrogatif d'un de ses camarades qui s'étonnait probablement de le voir ainsi en grande conversation avec quelqu'un qu'en temps normal, il aurait probablement plutôt évité. Il ne faisait pas bon s'associer avec ceux dont les vêtements étaient affublés de la fameuse étoile jaune que la jeune femme face à lui avait d'ailleurs savamment dissimulée en retirant sa veste. Mais Maxime avait l'orgueil de croire que cela ne pourrait pas lui porter préjudice, tant qu'il avait ses raisons – raisons qu'il n'avait pas pour autant l'intention d'expliquer clairement à son entourage, qui ne manquerait pas de l'interroger. Il les connaissait, certains n'hésiteraient pas à y aller de commentaires dont il n'avait que faire, ou même à se demander s'ils ne pouvaient pas le prendre de vitesse.
- Bon, Andrieu, lança soudain Rachel, auprès de laquelle il se tenait toujours, un rictus songeur aux lèvres, tu peux partir maintenant et rejoindre ta petite cour d'admiratrices et de types assez stupides pour ne pas s'apercevoir que tu es un connard. Tu n'avais quand même pas l'intention de t'installer à côté de moi, si ? Tu n'es pas venu assister au cours de Marat uniquement dans le but de me taper sur les nerfs, rassure-moi ? Je ne suis pas Perceval, voilà. Qu'est-ce que tu veux d'autre ?
Au moment moment, Marat salua l'assemblée tout en fouillant dans son sac, dont le contenu accapara un instant son intention. Maxime en profita pour s'adresser de nouveau à sa camarade.
- Tu te répètes, tu sais... Ce n'était pas l'idée, mais maintenant que tu le dis, nous n'avons pas fini notre conversation, lâcha-t-il avant de s'installer tout à fait naturellement à côté d'elle, non sans un soupir satisfait. Pour ton information, je ne m'intéressais pas à votre torchon jusqu'à ce matin... Tu pourras remercier tes petits amis de ma part ? On y fait des découvertes amusantes, finalement, je le saurais.
Tout en parlant, il avait sorti un cahier de notes, quand bien même il estimait avoir plus intéressant à faire qu'écouter Marat, qui n'allait définitivement pas tarder à commencer l'un de ses cours passionné, et parfois – Maxime le reconnaissait volontiers – passionnants. C'est la raison qui l'avait poussé, quelques années plus tôt, à aller lui proposer de travailler avec lui sur les œuvres de Shakespeare, quand bien même ce professeur s'était avéré être un phénomène qui le laissait parfois profondément perplexe, et Andrieu et Marat n'avaient définitivement pas grand chose en commun sinon leur opinion sur l'auteur de théâtre anglais, et les théories qui contestaient son existence. Ceci étant dit, Shakespeare n'était pas au programme du jour, aussi Maxime se tourna-t-il sans regret vers sa camarade pour poursuivre.

- Tu ne me feras pas avaler le contraire, Lévi, je sais que c'est toi, j'ai bien l'intention de le prouver. Et je finirai par y arriver.  Ce que tu aurais de mieux à faire, c'est de me le dire tout de suite, ça nous épargnerait à tous les deux du temps de perdu... C'est pas à toi que je vais l'apprendre : « il n'est point de secrets que le temps ne révèle. »
S'il avait baissé la voix pour éviter à tous les autres étudiants, soudain plus silencieux maintenant que Marat avait enfin sorti le nez de son sac, d'entendre leur conversation, le ton un peu badin et affable du début de leur conversation avait disparu également. Andrieu était on ne peut plus sérieux, et il avait plongé son regard dans celui de sa camarade pour le lui faire bien comprendre. Là encore, il ne se priva pas d'étudier avec attention son visage pour y déceler une réaction face à ce qui ressemblait désormais plus à une menace qu'autre chose, même agrémenté d'un peu de Racine, que la spécialiste qu'elle était de la question devait bien connaître. Après l'avoir fixée quelques secondes, toutefois, il reporta son attention sur les feuillets arrachés à l'exemplaire du Réveil qui devait désormais avoir été jeté loin de l'appartement familial des Andrieu (Maxime avait toute confiance en son frère pour cela, vue sa réaction de la matinée, les journaux clandestins lui donnaient de l'urticaire), et fit mine de les observer un instant. Marat, de son côté, semblait enfin décidé à commencer, sur un thème qui fit franchement sourire Maxime, mais n'aurait probablement pas beaucoup plu aux autorités compétentes, à savoir la révolte dans les pièces classiques. Voilà qui était de circonstances.
- Tiens, Marat et toi êtes sur la même longueur d'onde ? glissa-t-il, à voix basse, amusé (et sans se douter qu'il n'avait pas tout à fait tort) à la jeune femme à ses côtés, avant de reposer les feuilles du journal, et de se tourner carrément vers elle. Tout de même, Lévi, un journal clandestin, des nouvelles tragiques, deux ou trois articles qui disent soit-disant la vérité... il faudra que tu m'expliques ce que vous comptez arriver à faire. Rassure-moi, tu ne vis pas dans un monde de lutins et de fées où on croit aux licornes et aux grandes histoires qui font changer les choses ?
Il la fixa à nouveau, en se demandant à nouveau quelle sorte d'utopisme ridicule pouvait la pousser, elle et ses compagnons, dans ce genre d'entreprise qui ne pouvait de toute façon que mal finir. Certains à Vichy n'avaient pas tout à fait tort, les doux rêveurs se faisaient décidément bien nombreux depuis quelques temps en France ! Hélas, l'air du temps ne leur était guère propice, et Rachel allait en faire les frais.
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MessageSujet: Re: « Un homme peut sourire, sourire et n'être qu'un scélérat » [Rachel & Maxime]   « Un homme peut sourire, sourire et n'être qu'un scélérat » [Rachel & Maxime] Icon_minitime1Ven 30 Déc - 3:47

Rachel Lévi n'était pas le genre de fille à rester dans l'ombre. Bien au contraire, elle trouvait toujours assez flatteur d'attirer l'attention de ses camarades et ne se gênait jamais pour dire bien fort ce qu'elle pensait – et tant pis pour ceux qui ne l'appréciaient pas. Mais en l'occurrence, l'attention de Maxime Andrieu était de celles dont on se passait volontiers. Elle n'avait pas spécialement peur de lui (ou du moins ne l'aurait-elle jamais avoué, question de fierté), d'autant qu'elle connaissait par cœur la mine arrogante et l'allure nonchalante du type qui a tout pour lui, argent, famille et réputation (à défaut d'intelligence), s'étant toujours confrontée à lui aussi loin qu'elle pouvait remonter dans ses souvenirs. Mais depuis quelques temps, depuis que le gouvernement s'était installé à Vichy et que l'entrée de l'université ne lui était permis que par dérogation spéciale au statut des juifs, attirer l'attention d'un Andrieu était particulièrement mauvais signe. Depuis 40, Maxime puait tellement l'autosatisfaction et l'arrivisme que le simple fait de le croiser dans les couloirs donnait envie de se boucher le nez. Il fallait être aveugle pour ne pas se rendre compte que la situation le satisfaisait au plus haut point. Rachel ignorait à quel jeu il pouvait jouer (elle avait cessé de s'intéresser à ses petites manigances depuis qu'il avait été jeté purement et simplement du journal de la Sorbonne dont il était rédacteur en chef), la seule certitude, c'était qu'il contrôlait désormais la partie et que tout lui était possible. Aussi se lancer dans une partie d'échecs avec l'intouchable du moment quand sa propre situation consistait à éviter de dormir chez soi pour ne pas être arrêté et à faire profil bas pour éviter de se faire remarquer relevait du masochisme, voire du suicide. Son entrée en matière lors du début du cours de Marat n'augurait alors rien de bon. Elle ignorait encore à quel point la pourriture avait gangrené son ancien camarade d'enfance. Que ce qu'il allait lui proposer n'avait rien d'un jeu d'échecs, mais plutôt d'un compte à rebours avant une mise à mort sans pitié. Et que tel le charognard qu'Andrieu était, à force de se repaître des restes indigestes que voulaient laisser les Allemands aux Français, il arriverait à en tirer un avantage pour lui-même. Chez les Andrieu, on ne faisait jamais rien sans rien.

Rachel avait pourtant réussi à se contrôler, non sans peine, devant son propre article dans Le Réveil qui s'étalait sous ses yeux. Et elle n'avait pas l'intention de se laisser impressionner par des menaces, en se raccrochant à l'idée que Maxime n'avait rien contre elle. Il ne pouvait rien avoir sur elle, c'était proprement impossible. Elle n'avait jamais été particulièrement méticuleuse mais elle prenait la peine de ne pas laisser traîner ses brouillons, même chez elle, et n'accompagnait jamais Hélène dans les distributions du journal clandestin – le poste le plus dangereux car il suffisait qu'un policier ou un soldat allemand soit au mauvais endroit au mauvais moment pour se faire prendre. Il y avait donc fort peu de chance qu'Andrieu n'ait la moindre preuve de ce qu'il avançait, pensée qui la rassura légèrement et l'aida à la fois à garder son air ironique et à calmer les battements de son cœur. Une chose était certaine : Andrieu avait le coup de bluff payant. Rachel se serait bien passée de cette clairvoyance qui la mettait elle, et tout le journal, en danger, mais elle devait bien reconnaître que, contrairement à ce qu'elle avait pensé des années auparavant, il avait bien dû lire les articles qu'elle lui avait envoyés pour le journal de l'université et qu'il avait refusés pour parvenir à reconnaître son style avec autant d'assurance. A moins qu'elle n'ait laissé échapper un indice, un signe qui aurait indiqué sa véritable identité dans l'une de ses chroniques ? Rachel en doutait. Mais l'heure n'était pas à tenter de comprendre comment Andrieu avait tout deviné mais à se sortir de la situation immédiate. Pas question de baisser les yeux, il aurait sans doute pris cela pour un aveu et en plus, ce n'était pas dans la nature de la jeune femme.
- Tu te répètes, tu sais, continuait Maxime d'un ton badin, comme s'il lui parlait de la météo – ou du dernier match de football ayant opposé la France et l'Allemagne, ce n'était pas l'idée mais maintenant que tu le dis, nous n'avons pas fini notre conservation.
Nom de Dieu ! Ce type était plus collant qu'un bulot. Au lieu de déguerpir vers ses amis qui lui adressaient des gestes de la main (en devant se demander ce qu'il fabriquait avec un fille comme elle, Andrieu avait des connaissances à son image – donc pas de véritables amis), Maxime se laissa tomber à côté de Rachel comme s'il allait vraiment passer l'heure de cours assis à côté d'elle. Rachel, après avoir levé les yeux au ciel, chercha désespérément un échappatoire du regard, alors que leur professeur, Marat, installait ses affaires et répondait à des questions sur sa conférence précédente, mais elle ne connaissait personne d'autre dans ce cours, personne qu'elle aurait pu rejoindre en plantant là Andrieu. Tant pis. Il n'était pas dit qu'elle reculait devant lui. Sortant quelques feuilles déjà raturées pour pouvoir prendre des notes, elle fixé à nouveau son attention vers l'estrade, bien décidée à ignorer son compagnon indésirable. Bonne résolution qui dura à peine quelques secondes :
- Excuse-moi, est-ce qu'à un seul moment, j'aurais par mégarde donné le moindre signe de vouloir discuter avec toi ? Marmonna-t-elle entre ses dents.
- Pour ton information, poursuivit Maxime en sortant un cahier à son tour, je ne m'intéressais pas à votre torchon jusqu'à ce matin... Tu pourra remercier tes petits amis de ma part ? On y fait des découvertes amusantes, finalement, je le saurais.
Rachel faillit lui répliquer qu'en effet, on y apprenait la vérité sur la situation de la France et de la guerre, ce qui était déjà plus intéressant que la totalité des journaux parisiens ou de Radio-Paris mais déjà Marat se dressait de toute sa stature pour commencer son cours. Décidant de faire abstraction d'Andrieu et de ses menaces, du moins le temps où l'on parlerait de théâtre classique, de Racine et de littérature, la jeune femme se redressa sur son siège pour suivre le cours.

Malheureusement pour elle, Andrieu n'en avait pas fini avec elle – preuve qu'il faisait une thèse sur Shakespeare, il ne respectait vraiment rien.
- Tu ne me feras pas avaler le contraire, Lévi, je sais que c'est toi, j'ai bien l'intention de le prouver. Et je finirai par y arriver. Ce que tu aurais de mieux à faire, c'est de me le dire tout de suite, ça nous épargnerait à tous les deux du temps de perdu... C'est pas à toi que je vais l'apprendre : il n'est point de secrets que le temps ne révèle.
Soufflée par tant de morgue, Rachel ne put s'empêcher de se tourner brusquement vers lui. Il la fixait avec son air suffisant, comme s'il pensait vraiment ce qu'il disait. Se moquait-il d'elle ? Que croyait-il ? Qu'elle allait se mettre à pleurnicher et tout lui avouer ? Non seulement elle n'avait pas de pulsion suicidaire, mais en plus, elle ne tenait pas particulièrement à faire plaisir à un type pareil. Malgré tout, elle soutint son regard sans ciller. Il semblait on ne peut plus sérieux. Ses traits fins avaient perdu leur sourire et ses yeux noisette cherchaient à la sonder comme s'il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Il ne ressemblait pas à quelqu'un qui venait de lui adresser une menace. Mais Rachel ne savait pas trop si c'était parce qu'elle le voyait encore comme le gamin en tenue de scout qui venait jouer du piano chez elle pour ses fêtes d'anniversaire quand elle était petite ou si c'était parce que ce genre de paroles ne causait pas d'émoi au monstre qu'il était devenu. Malgré elle, elle se détourna avec un frisson intérieur.
- Mais tout à fait, siffla-t-elle pour ne se faire entendre que de Maxime, je peux aussi te révéler que je suis derrière l'attentat des Champs-Elysées, que je dirige un réseau de résistance et que je monte un complot contre le gouverneur de Paris. Ou peut-être l'ambassadeur de Vichy, je n'ai pas encore choisi. Sinon, pense avant de parler et pèse avant d'agir, Shakespeare. Moi aussi je connais mes classiques.

Marat commençait à pérorer sur la révolte dans le théâtre classique et soulagée du silence qui s'était installé, Rachel griffonna quelques mots sur ses feuilles, l'esprit ailleurs. Elle avait beau tenter de se concentrer, elle devait bien admettre que la présence de Maxime à ses côtés la perturbait. Le professeur n'en était qu'à Corneille et à son fameux Cinna, qu'Andrieu se rappela à nouveau à son bon souvenir :
- Tout de même, Lévi, un journal clandestin, des nouvelles tragiques, deux ou trois articles qui disent soit-disant la vérité... Il faudra que tu m'expliques ce que vous comptez arriver à faire. Rassure-moi, tu ne vis pas dans un monde de lutins et de fées où l'on croit aux licornes et aux grandes histoires qui font changer les choses ?
Rachel était tellement tendue qu'elle sursauta presque. Serrant son stylo d'agacement, et ayant définitivement perdu le fil du discours de Marat, elle se tourna à nouveau vers son harceleur :
- A ton tour de répondre à mes questions, Andrieu. Ça fait quoi de vivre dans un monde où sa mère accorde plus de valeur à des bichons qu'à des êtres humains ? Où on est tellement terrifié du « péril rouge » qu'on se met à genoux pour lécher les bottes de l'occupant dans l'espoir qu'ils nous accordent un petit avantage ? Tu sais, ce genre de récompense qu'on donne aux chiens parce qu'ils ont bien aboyé sur les gens qu'on n'aime pas parce qu'ils ne sont pas comme nous ? C'est pour ça que tu me parles aujourd'hui ? Pour satisfaire à tes petits allemands allemands ou pour combler le vide de ton existence ?
La jeune femme ne se faisait aucune illusion : il ne répondrait pas, ne serait-ce que parce qu'il avait l'esprit tellement embrouillé, les yeux tellement fermés qu'il ne distinguait plus rien de la réalité. Il ne servait à rien de discuter avec des gens pareils – mais en l'occurrence, elle avait éprouvé le besoin de contre-attaquer, ne serait-ce que pour détourner l'attention de sa personne.
- Mademoiselle Lévi ! Monsieur... Andrieu ? On ne vous dérange pas, j'espère !
C'était la voix de Marat qui venait de claquer dans l'amphithéâtre, offrant ainsi une toute nouvelle distraction aux jeunes gens. Rachel croisa le regard un peu ahuri de son professeur qui semblait se demander, comme le reste de l'assistance, ce que ces deux-là pouvaient bien faire ensemble.
- Puisque vous avez tellement de choses à dire, mademoiselle Lévi, peut-être pourriez-vous nous parler des figures de révolte chez Racine ? Je pense à Phèdre par exemple...
Rachel ne put s'empêcher de foudroyer du regard son voisin qui venait de la faire remarquer mais fixant à nouveau Marat, elle avança d'une voix forte pour bien se faire entendre, sans vraiment savoir ce qu'elle allait bien pouvoir dire :
- Chez Racine, les figures de sédition sont souvent féminines et, c'est ce qui fait la tragédie, échouent bien souvent contre l'ordre établi et les figures masculines qui l'incarnent...
Sa révolte était-elle vouée à l'échec ? Maxime avait-il raison de dire qu'elle vivait dans un monde de contes de fées et qu'elle n'espérait s'en sortir avec sa famille qu'à cause de sa naïveté ? Etait-elle vouée à être arrêtée, à disparaître comme beaucoup de ses coreligionnaires ces dernières années sans avoir rien fait, sans avoir simplement cherché à se défendre ? Mue d'une subite inspiration, elle enchaîna, moins hésitante :
- Mais Racine était un homme de Port-Royal qui croyait en la fatalité. Il n'empêche que ses personnages les plus beaux et les plus grands sont ces figures de révolte. En face, en voulant rétablir l'ordre, Thésée tue son fils, Titus est un lâche qui ne sait comment dire à une femme qu'il renonce à elle. Je sais que certains d'entre vous pensent que c'est vain de se révolter quand c'est voué à l'échec, mais on est humain uniquement parce que la fatalité doit être combattu, parce qu'on est avant tout un champ de possibles et qu'on doit lutter contre les criminels qui veulent nous assigner à certaines places. C'est ce que Racine nous apprend. Personne n'est plus humain que Phèdre dans sa pièce.

Un silence un peu stupéfait accueillit les paroles de la jeune femme – mais elle y avait mis peut-être un peu trop d'enthousiasme. Galvanisée par l'adrénaline, alors qu'un Marat vite remis de ses émotions demandait à Andrieu ce qu'il en pensait, elle griffonna rapidement sur un bout de papier à destination de son camarade : « Et sinon, dis-moi, tu comptes t'y prendre comment pour prouver ce que tu crois ? ». Après une hésitation, elle ajouta : « J'ai hâte de savoir », avant de glisser la feuille à la place de son voisin. Elle venait de lui lancer un défi. C'était sans doute inconscient, malavisé et stupide de rentrer dans son jeu, de participer à la partie d'échecs mais elle ne pouvait pas se laisser faire, simplement subir. Lui laisser voir la peur qu'il lui inspirait. Et s'il s'accrochait quand même, elle ferait tout pour se débarrasser de lui.


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