Tout commença un hiver rude de 1913, à Saint-Pétersbourg. Les cris de la petite Irina retentit dans tout le palais ; Et oui, même à cette époque la brune aimait faire entendre sa voix. Sa mère, Xenia, à peine majeure, était entourée de ses servantes et écrasait la main du père de sa fille qui fut plus que ravi d’accueillir cette nouvelle petite russe dans sa vie. Vivant une enfance des plus heureuses, elle aimait beaucoup suivre sa mère quand celle-ci allait passer du temps chez son oncle, le tsar Nicolaï II dont elle était très proche. Irina quant à elle admirait plus que tout les filles de la famille royale, et voulait tout faire pour leur ressembler. Malheureusement, elle ignorait qu’une révolution était en marche et que le destin de toute sa famille allait basculer. Irina n’avait alors que cinq ans quand ses parents n’eurent pas d’autre choix que de fuir les bolcheviques, bien décidés à éliminer les familles bourgeoises. Les parents d’Irina avaient toujours été très francophiles (allant jusqu'à faire apprendre le français très tôt à leur fille), par conséquent la destination de cet exode était déjà toute trouvée.
D'ailleurs, c'est à cause de cet épisode de sa vie qu'Irina a du mal à supporter les idées marxistes de Thibaud Pelletier, et vu ces deux énergumènes aux caractères détonants, cela avait donné lieu à des disputes d’anthologie. Mais apprenant peu à peu à se connaître - et un peu aidés par la vodka - ils se supportèrent de mieux en mieux. Breeeef, revenons au périple de la famille russe.

Vendant bijoux et fourrures afin de traverser l’Europe, ils atteignirent la France, symbole de liberté pour eux. Menant une vie paisible dans le quartier russe de Paris, la petite Irina grandit dans un milieu plus pauvre de ce qu’elle avait l’habitude de côtoyer, et devint moins capricieuse – même si elle continuait à aimer les bijoux, les vêtements à la mode et l’argent qu’elle n’avait pas. Enchaînant les petits boulots afin de gagner de quoi vivre dignement, Irina se révéla plutôt débrouillarde, et profitait d’un culot qui ne connaissait pas de limites.
Un beau jour, elle fit la rencontre de Solange Garnier, une jeune femme qui était aussi pauvre qu'elle suite à une rupture violente, et qui lui ressemblait beaucoup sur le plan du caractère : toutes les deux charmeuses et manipulatrices, elles devinrent inséparables et avaient même rodé une stratégie pour s’entraider lors de leurs papillonnages aux soirées mondaines. Devenue mannequin après s’être essayée au journalisme, la russe fut repérée par l’un de ses compatriotes, le prince Smolenski qui, tout en ignorant les racines de la jeune femme, tomba amoureux d’Irina du premier regard. Une folle passion commença alors entre eux, et après avoir vérifié qu’ils n’étaient pas du même sang, les deux tourtereaux officialisèrent leur union par un mariage. C’est à ce moment-là que la brune s’éloigna à son plus grand regret de sa meilleure amie qui, elle, n’avait pas eu une telle chance. Retrouvant un statut social assez élevé, la princesse et son mari vécurent des jours heureux loin de Paris ; C’est d’ailleurs ce passionné de chasse qui l’initia au tir, discipline dans laquelle elle excellait, ce qui a toujours surpris Smolenski qui réalisa qu'il était marié à un sacré bout de femme avec un caractère bien trempé. Leur idylle dura 4 ans, avant d’être brutalement interrompue par la tuberculose que le prince contracta, et qui le fit périr juste avant que la guerre n’éclate dans son pays d’adoption.

Irina fit son retour dans la capitale quelques mois après, toujours en deuil. Bien décidée à ne pas retomber dans la pauvreté, elle s’empressa de chercher un travail. Mais dans quel domaine ? Journaliste ? Non, elle avait déjà fait un essai peu concluant. Mannequinat ? La mode était aux plus jeunes qu’elle. Cinéma ? Elle n’avait tourné qu’un court-métrage qu’elle avait quitté après une altercation houleuse avec le réalisateur. C’est en princesse qu’elle fut invitée à l’une des soirées mondaines organisées en l’honneur de l’inauguration d’un bâtiment sportif dont elle avait déjà oublié le nom. Là-bas, elle eut l'occasion de revoir Solange en chair et en os, accompagnée de son mari Jules. Ils avaient bien utilisé l'argent qu'Irina avait envoyé à sa meilleure amie afin de l'aider à propulser son mari dans les affaires (il avait fallu pas mal de temps et de disputes mais Solange avait réussi à la convaincre). La brune était ravie de revoir la rousse et elles retrouvèrent leur complicité d'antan. Ce fut également lors de cette soirée que la russe eut l’occasion de parler avec des personnalités influentes du moment, dont un haut-gradé de l’Armée de Vichy qui, sous le charme de la jeune femme, lui proposa un poste de secrétaire pour l’un de ses lieutenants-colonels. Après un débat avec ses parents, qui pensaient que leur fille approuvait les actions de Laval, Irina réfléchit pendant quelques jours, pesant le pour et le contre de cette proposition. En acceptant, elle avait l’espoir de pouvoir peut-être déjouer des actions qu’elle réprouvait et ainsi se battre contre ses vrais ennemis, les Allemands nazis, mais avec ses propres armes, qu’elle savait malheureusement limitées. C’est à ce moment-là qu’elle fit la rencontre d’un homme qui allait devenir son patron, Guillaume Vial.

Imposés l’un à l’autre, les débuts entre la princesse et son patron n’étaient pas des plus faciles. Le feu et la glace, deux caractères diamétralement opposés séparaient ces deux individus. Pour Irina, Guillaume était trop passif, et le militaire trouvait sa nouvelle secrétaire beaucoup trop exubérante, trop bruyante à son goût. Les contraires s’attirent dit-on, mais encore fallait-il trouver une passion commune, un sujet de conversation. Sans arrêt en conflit, les deux comparses formaient mine de rien un duo de choc, les qualités de l’un contrebalançant avec les défauts de l’autre. Au fil du temps, la russe apprit à apprécier ce combattant, qui la faisait souvent redescendre sur Terre lorsqu’elle se laissait un peu trop emporter par ses ardeurs – ce qui arrivait relativement souvent. Il était le seul qui pouvait la calmer ainsi, et qui l’obligeait à se servir de son cerveau plutôt que de foncer tête baissée dans le QG des Allemands un revolver à la main. Guillaume et Irina, deux faces d’une même pièce, unis contre un ennemi commun : le nazisme. Car si au début, l’idée de travailler pour l’armée française ne lui plaisait pas du tout – et encore c’était un euphémisme – son visage s’illumina lorsqu’elle apprit que tous les militaires n’étaient pas forcément en accord avec la philosophie de Vichy et qu’elle avait la chance d’être au service de l’un d’entre eux. Cela lui remonta le moral à fond, et tout ce travail administratif – qu’elle trouve rébarbatif au possible – n’était plus si pénible que ça finalement. Bon, pour être honnête, les papiers n’étaient que la corvée de son travail, car ce qu’Irina adore, c’est pouvoir se pavaner dans les soirées auxquelles elle n’aurait eu accès autrement.
Et puis…il y a l’autre partie. La partie plus confidentielle.

Malgré son statut de militaire français, Guillaume Vial était l’une des rares personnes qui avait la pleine confiance d’Irina ; Et Dieu sait que cette confiance mutuelle a été difficile à acquérir. Mais c’était ce qui faisait sa préciosité et sa force, car la brune savait exactement quelles étaient les convictions de son patron, et pourrait lui confier sa vie les yeux fermés. Elle mit du temps à le convaincre d’agir contre tous ces actes qui le révoltaient en silence. Il était temps de faire quelque chose, pour la France, pour la liberté. Tout cela n’avait que trop duré. A force d’insister – et la brune peut se montrer très persuasive lorsqu’elle le souhaite – elle réussit à convaincre Guillaume d’agir au lieu de réfléchir dans son coin. Ils n’étaient pas les seuls à vouloir lutter contre les envahisseurs allemands, mais il fallait bien quelqu’un pour unir tous ceux qui voulaient faire reculer les Allemands au-delà du Rhin – et surtout, ceux qui avaient le cran de le faire malgré les risques d’arrestation, de torture ou pire encore. Guillaume était le candidat idéal : il avait une bonne position, un charisme à tout épreuve et surtout il était fermement fidèle à ses idées. Irina quant à elle avait encore des connaissances mondaines qui pourraient s'avérer très utiles, et pouvait s’enorgueillir de savoir tirer – et d’aimer ça. 1940 : Honneur et Armée était né. Un duo de choc vous avais-je dit.

A moins que…

Une autre pièce du puzzle s’était ajoutée en Avril 1943. Dieter Trinkl, clé de voûte de l’Abwehr à ce qu’il semblerait. Il avait des informations, beaucoup d’informations, et se retrouvait toujours au travers du chemin d’Honneur et Armée d’une façon ou d’une autre. Un soir, alors que la princesse était invitée à une soirée mondaine, elle croisa le regard de l’Allemand, et décida que c’était le moment ou jamais de prendre le problème à bras le corps. Usant de ses charmes, elle attira l’attention du blond et passa la soirée en sa compagnie, sortant son meilleur jeu d’actrice et riant à ses plaisanteries, se créant ainsi un personnage d’idiote excentrique. Elle ignorait qu'elle n'était pas la seule membre d'Honneur et Armée dans la salle, et que Joseph Colombel l'avait vue faire son petit manège et avait perçu tout cela d'un très mauvais œil - Était-elle en train de trahir l'organisation ? Servait-elle de taupe aux occupants, chargée d'espionner et de reporter chaque action d'Honneur et Armée ? Il avait supporté son caractère de cochon et sa manière de profiter de son silence pour prendre le dessus sur lui et lui donner des ordres, mais là c'en était trop pour lui. Avait-elle créé l'organisation afin de repérer tous les rebelles français et ainsi les vendre aux Allemands ? C'était tordu, certes, mais Irina était tordue. Ne se doutant pas de ce que son collègue était en train de penser, la brune continua son manège jusqu'à atteindre son but, et disparut en compagnie de Trinkl sous les yeux d'un Joseph abasourdi. Alors que la russe croyait que son ennemi était échec et mat, elle s’aperçut que celui-ci n’était pas très bavard, même sur l’oreiller. Certes, ses questions manquaient sans doute de subtilité, mais elle sait faire parler les hommes, et malgré son statut Dieter n'en restait pas moins...un homme.

La princesse savait à quel point Guillaume réprouvait ses méthodes mais sa secrétaire lui avait promis des résultats concluants. Après tout, elle ne faisait pas ça pour son plaisir personnel - cela la dégoûtait plus qu'autre chose - mais avant tout pour Honneur et Armée. Et sa stratégie semblait avoir fonctionné, puisque depuis cette soirée, Dieter lui montrait son affection grâce à des petites attentions, des fleurs et des cadeaux. Trinkl se confia peu à peu à la brune, révélant qu’il était obligé de faire certaines choses avec l’Abwehl qu’il réprouvait au plus profond de lui-même. Était-ce vrai ? Y avait-il des traîtres parmi les troupes des services secrets allemands ? Irina ne sait plus quoi penser. Elle a mis Solange dans la confidence - à propos de sa relation avec Trinkl bien sûr, pas à propos d'Honneur et Armée, même si elle se doute bien que la russe n'allait pas se laisser dicter sa loi par les occupants - et lui fit promettre de protéger le quartier russe de Paris si jamais il lui arrivait quelque chose. Elle sait que sa meilleure amie se méfie de Dieter comme de la peste, tout comme Irina réprouve la relation que la rousse entretient avec Heinrich Voss et qui pourrait la mettre en danger elle aussi. Tiraillée entre l’envie d’aller plus loin dans ses recherches et les avertissements de plus en plus pressants de Guillaume pour la dissuader de toute tentative qui pourrait mettre en danger à la fois elle et l'organisation - la princesse se retrouve dans une situation particulièrement inconfortable.