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 Merde, v'là les Allemands !

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Edouard Cabanel
Edouard Cabanel
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■ profession : Ambassadeur de Vichy à Paris

PAPIERS !
■ religion: Ne croit qu'à la politique. Dieu ? ça fait longtemps qu'il n'existe plus, non ?
■ situation amoureuse: Coincé dans un mariage malheureux avec Madeleine Claussat. Trop occupé à cause de son beau-père pour avoir le temps d'aller voir ailleurs.
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MessageSujet: Merde, v'là les Allemands !   Merde, v'là les Allemands ! Icon_minitime1Ven 4 Déc - 1:59

La nuit s'était abattue depuis maintenant plusieurs heures sur la campagne d'Ile-de-France, engloutissant les routes et les maisons sur son passage. Avant le déclenchement des hostilités, des points lumineux auraient indiqué la présence de villages dans le lointain, mais avec le couvre feu et les strictes consignes de la défense passive qui craignait les bombardiers alliés, les habitants de la Seine se terraient chez eux, derrière leurs rideaux doublés. Néanmoins, tout le monde n'était pas confortablement assis dans son fauteuil pour écouter les dernières nouvelles de la BBC (ou les chansons de Radio-Paris, suivant ses goûts musicaux) ou installé confortablement dans son lit, sous des couvertures chaudes, blotti contre le corps doux d'une femme. Non, certains semblaient attirer sur eux la malchance. Certains frissonnaient de froid, accroupis derrière un buisson, dans la nuit noire (puisqu'ils n'osaient allumer leur lampe torche, trop dangereux), en train d'attendre désespérément un avion qui n'arrivait pas. D'ailleurs, ces personnes en question se demandaient bien ce qu'ils espéraient encore de Londres et pourquoi ils s'étaient quand même rendu sur les lieux d'un soit-disant parachutage quand la France libre ou les Anglais (on préférait ne pas savoir) n'avaient jamais été fichus de se débrouiller sans eux – et de trouver quelqu'un pour aller chercher les parachutés sans eux qui n'avaient pas le temps de crapahuter dans la campagne francilienne. Franchement, Edouard Cabanel n'était pas du genre à râler (enfin l'estimait-il, ses proches auraient sans doute eu un avis différent sur la question), mais là, il trouvait qu'on lui en demandait beaucoup. Sa mission avait toujours été de récolter des informations et de trouver des réseaux de résistance à Paris, il s'en souvenait très bien quand le général lui en avait parlé à Carlton Street, à Londres. Il n'avait jamais été question de récupérer des parachutages, de quitter la capitale en pleine nuit en prenant le risque de se faire arrêter par un barrage et de faire des signaux qui lui donnait l'air stupide à l'approche d'un bruit d'avion pour signaler sa présence aux pilotes de la RAF. Franchement, il s'en serait souvenu. Pire encore, il était « Roland », selon le nom de code qu'on lui avait attribué sans lui demander son avis. Il leur en donnerait du Roland tiens. Mais comme malheureusement, il n'avait plus de radio, Alice Boulanger étant repartie pour Londres en le laissant derrière elle (il aurait plutôt préféré prendre sa place plutôt que celle d'Eugène de Mazan comme ambassadeur), il ne pouvait pas se plaindre à ses employeurs. Il était presque impatient de voir débarquer son nouveau radio, ne serait-ce que pour dire leurs quatre vérités à Londres.

Edouard Cabanel patienta encore quelques longues dizaines de minutes dans sa cachette, en triturant nerveusement sa veste et ses chaussures pleines de terre, puisqu'il ne pouvait pas allumer de cigarette, qui aurait indiqué sa position aussi sûrement qu'une lampe torche et pas qu'au possible avion venu de l'Angleterre. Quand il fut certain que non seulement il était trop tard pour que ce dernier ne fasse son apparition mais qu'en plus il avait définitivement gâché sa soirée à poireauter à cet endroit quand il aurait pu la passer à raconter ses malheurs à son pote Alex dans leur bar favori, Le Caribou, il se releva puis traversa plusieurs chemins de terre pour rejoindre sa voiture garée à l'écart. Ce n'était pas encore pour ce soir qu'il allait avoir une nouvelle radio. Ce n'était même pas étonnant. Vu la poisse qu'il avait en ce moment, il savait bien que l'avion n'avait pas pu décoller à cause d'un orage au-dessus de l'Atlantique, que le pilote s'était perdu et était allé larguer son équipage en Corrèze ou pire encore, que la radio en question s'était étouffée en buvant son thé et n'avait pas pu le rejoindre. Les raisons ne manquaient pas pour le contrarier. Au moins, les Allemands, quand ils prévoyaient quelque chose, ils le faisaient, on savait à quoi s'attendre. Bon ce n'était généralement pas très plaisant, mais on limitait les mauvaises surprises de ce type. Dire qu'en plus, il était ambassadeur. Il aurait du avoir des petites mains pour lui faciliter la vie et faire ce genre de tâches pour lui. Si Vichy savait ce que son représentant faisait de ses jeudi soir ! Au moins, cela aurait peut-être le mérite de faire faire une crise d'apoplexie à son beau-père et au maréchal, deux pourris en moins dans ce monde.

En parlant de Vichy, il regagna enfin sa Citroën fournie gracieusement par l’État français, arborant dûment sa vignette indiquant qu'elle était autorisée à rouler même après le couvre-feu (apparemment, on avait traficoté les phares pour qu'ils soient moins visibles du ciel, et de fait, Edouard devait faire beaucoup d'efforts pour éviter de finir dans le talus). Après avoir essuyé vaguement ses chaussures toutes neuves en songeant qu'elles n'avaient pas duré longtemps, une honte quand on savait combien coûtaient ces petites merveilles en ces temps où tout manquait, il grimpa dans l'habitacle, lança sa lampe torche sur le siège passager et alluma le moteur qui se mit à ronronner de manière rassurante. Allez, dans une heure, tout au plus, il serait chez lui à Paris. Si son invité parachuté avait été bien largué, sans doute l'aurait-il plutôt conduit dans sa maison de campagne, à Vanves, mais puisque ce dernier avait décidé de se payer le luxe d'une autre nuit à Londres et qu'il était seul, autant rentrer à Paris avant que quiconque ne s'aperçoive de son absence. Il y aurait bien que sa chère Madeleine – enfin chère – pour se demander pourquoi il n'était pas rentré immédiatement chez eux, mais cela faisait bien longtemps que son épouse avait renoncé à lui demander des explications. Ce qui était tant mieux, Cabanel préférait qu'elle se fasse des idées, c'était toujours moins pire que la vérité. Depuis qu'il était ambassadeur de toute façon, Madeleine s'inquiétait moins de ses retards. Ce nouveau poste n'avait pas que des inconvénients en y réfléchissant mieux. On pouvait crapahuter dans les campagnes d'Ile-de-France sans être inquiété pour aller chercher des radio. Que la vie était bien faite. La Citroën Traction faillit bien ne pas bouger d'un pouce quand Edouard appuya sur la pédale d'accélération mais à son grand soulagement (il manquait plus qu'il soit obligé de la pousser pour la sortir d'une ornière), après avoir fait tourner ses roues dans le vide un instant, elle fit un bond en avant pour retourner dans le chemin et un hoquet plus tard, elle repartait à bonne allure en direction de Paris.
- « Un maçon, se mit-il à chantonner à mi-voix pour éviter de s'endormir au volant (et parce que songer à Madeleine ces derniers temps induisait de se remémorer les affreuses chansons de Radio-Paris qu'elle mettait en boucle), Chantait une chanson Là-haut sur le toit d'une maison, Et la voix de l'homme s'envola Pour se poser par là, Comme un oiseau sur la Voix d'un autre maçon Qui reprit la chanson... »
La voix de l'ambassadeur de Vichy dont le gouvernement aurait fier de le voir entonner de si bon cœur un des hymnes de la Révolution nationale mourut soudain dans sa gorge – ce qui était fort dommage pour les vocalises de Cabanel qui auraient eu besoin d'encore un peu d'entraînement pour être plus parfaites. Il distinguait des lumières et des formes au loin, sur la route d'asphalte menant à la capitale qu'il avait fini par rejoindre. Des silhouettes verts-de-gris !

Sans même s'en rendre compte, il ralentit l'allure de la voiture, les mains soudain moites, le cœur battant. Il savait que le risque de croiser un barrage était réel, surtout que les mesures de sécurité avaient été renforcées depuis les événements des Champs-Elysées – ce qui le dépassait un peu, les résistants n'allaient pas frapper en pleine nuit en pleine campagne, puisque Glucks était bel et bien parti... Du moins avant de se souvenir qu'à défaut de frapper, les résistants se baladaient en Citroën Traction aux couleurs de Vichy. Jetant un regard circulaire autour de lui, il avisa sa torche, ainsi qu'un plan qu'il replia en deux mouvements avant de les enfermer dans la boîte à gants. Puis il s'efforça de reprendre son souffle et de retrouver son sourire affable. Après tout, il était monsieur l'ambassadeur, il n'avait de compte à rendre à personne, même pas aux Allemands. Le barrage, en tout cas, se précisait à mesure de son arrivée. Ils étaient assez nombreux à être déployés sur la route et à s'invectiver les uns les autres autour de véhicules, comme s'ils attendaient quelqu'un ou quelque chose. Edouard, qui s'arrêta à la hauteur d'un premier jeune soldat qui lui faisait signe de ralentir, se fit la réflexion qu'il devenait complètement irrationnel et paranoïaque. Un peu plus et à cette allure-là, il finirait comme son beau-père à voir des complots partout. Beurk, quelle horrible perspective.
- Hum... Guten Abend, soldaten..., baragouina-t-il dans son allemand approximatif, après avoir ouvert la fenêtre, ist dies eine Kontrolle ? Ich bin der Botschafter von Vichy… ich habe... einen ausweis, ich...
- Ne vous inquiétez pas, monsieur, je suis Alsacien, je parle français
, répliqua le jeune homme dans la langue de Molière, au grand soulagement d'Edouard qui se voyait mal donner des explications trop détaillées dans celle de Goethe, mais les contrôles sont renforcés ce soir, nous avons une alerte sur ce secteur, je ne peux pas vous laisser passer ni vous laisser repartir.
Le soulagement de Cabanel fut de courte durée. Non seulement les Allemands recherchaient bien quelque chose (on se demandait pourquoi Londres s'acharnait à lui faire passer des messages codés si le monde entier était au courant du parachutage après), mais surtout il s'inquiéta à l'idée de rester bloqué. Pas sûr que Madeleine soit très enthousiaste en apprenant qu'il avait passé la soirée non loin de Vanves quand il était censé être resté travailler à son bureau.
- Je suis l'ambassadeur de Vichy, répéta-t-il d'un ton plus insistant, je dois regagner Paris au plus vite, je ne suis quand même pas suspect et..
Il fit vaguement un geste pour prendre ses papiers d'identité dans son sac sur le siège passager mais le jeune soldat se mit immédiatement en garde et pointa son fusil dans sa direction.
- Que faites- vous ? Sortez... Non, réitéra-t-il en aboyant, vous sortez du véhicule sans geste brusque, sinon je tire.
Edouard s'exécuta en maugréant, tout en se demandant s'il aurait été pire de se faire trucider par une résistante qu'il essayait d'aider ou par un soldat allemand à un barrage routier. Fort heureusement, à l'image d'Elsa Auray qui avait épargné sa vie quelques semaines plus tôt, le jeune Alsacien n'appuya pas sur la gâchette et après l'avoir fouillé sommairement, lui redemanda son identité, qu'Edouard lui fournit avec complaisance, non sans se demander s'il finirait la nuit en prison. Décidément, son nouveau poste ne lui servait  à rien. Et en plus, il serait la risée du tout-Paris et du tout-Vichy. Peut-être même finirait-il en résidence surveillée dans le sud de la France avec Eugène de Mazan. Si cette perspective lui sembla séduisante sur le coup, il songea que quitte à choisir, il préférait la geôle plutôt que de devoir passer ses journées entières avec un type pareil.
- Vous n'avez pas un chef, un supérieur hiérarchique qui pourrait vérifier mon identité ? Finit-il par demander au jeune soldat.
Après un conciliabule avec ses collègues tenu dans un allemand trop rapide pour qu'Edouard puisse tout comprendre, et alors qu'une autre voiture se faisait arrêter derrière la Citroën de l'ambassade, l'Alsacien finit par hocher la tête et demanda à Cabanel de le suivre, ce que l'ambassadeur fit avec bonne volonté mais un peu d'inquiétude. Il faillit pousser un soupir de soulagement en reconnaissant les traits du supérieur en question qui semblait étudier des papiers près de son véhicule.
- Hauptmann, le salua le jeune soldat zélé, ce monsieur a été arrêté au barrage.
- Capitaine Grüper, enchaîna Edouard, pour la première fois ravi de revoir l'homme qu'il avait croisé un certain nombre de fois dans les mondanités, et surtout dans le cadre de ses fonctions de responsable de la sécurité parisienne, je ne comprends pas ce que je fais encore là, je dois me rendre à Paris. Pouvez-vous attester de mon identité et me laisser repartir ?
En croisant le regard d'Edwin Grüper, il se remémora soudain qu'il ne partageait pas forcément de relations très cordiales avec l'homme. Et qu'en conséquence, il n'était pas encore reparti. Madeleine allait définitivement pouvoir s'inquiéter.
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