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 [Nuremberg] Il était une fois vers l’est

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Ingrid Lorre
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MessageSujet: [Nuremberg] Il était une fois vers l’est    [Nuremberg] Il était une fois vers l’est  Icon_minitime1Dim 11 Juin - 12:36

Par la fenêtre les paysages d’Alsace défilaient à bonne allure, grandes étendues que la nuit tombante et l’ombre menaçante de nuages gorgés d’eau faisaient tourner au bleu. A l’intérieur, la lumière orageuse de début de soirée se faufilait difficilement à travers l’air enfumé de la voiture restaurant. A s’immiscer imperceptiblement le long des tentures rouges et des boiseries sombres elle donnait tout de même l’étrange impression d’une quasi parfaite unité de tons, d’une petite palette de teintes qui peinaient à se détacher les unes des autres. Mais ni les collines plantées de vignes ni l’air lourd qui les entourait ne retenait l’attention des passagers. Il n’y avait peut-être que Jean-Pierre Puerno, spécialiste autoproclamé des cépages alsaciens, qui se serait volontiers laissé aller à de longues explications sur les méthodes ancestrales de mise en tonneau mais qu’en ignorant royalement on avait découragé de disserter. Quant à ceux qui s’attardaient encore à une table, ils continuaient, dans la lignée de ce début de voyage, d’aborder des sujets semblables par leur futilité, terriblement impersonnels, allant du dernier film de la Continental que personne n’avait apprécié mais que par principe tout le monde trouvait réussi à l’évidente nécessité d’accompagner tout strudel de crème chantilly. Peu à peu les discussions se turent cependant, laissant ainsi l’occasion d’apprécier le calme du wagon. Près de la porte qui menait à l’arrière on remarquait notamment Madeleine Cabanel, que le mari avait abandonnée en compagnie de Félix Aurèle mais qui parvenait l’exploit de garder un sourire presque naturel. Embarquée par nécessité protocolaire (au nom de tout un arsenal de valeurs traditionnelles on n’allait tout de même pas faire voyager un ambassadeur sans son épouse), elle semblait au demeurant enthousiasmée par la perspective d’être traitée en invitée d’honneur et s’était montrée jusqu’à maintenant d’une compagnie plutôt plaisante, du moins pour qui n’attendait pas trop d’elle. Son interlocuteur, fine fleur de la collaboration et jamais le dernier lorsqu’il s’agissait de cirer les bottes des Allemands, n’avait cependant rien à envier de son enthousiasme, qu’il avait de loin dépassé. Autre fleuron de la délégation, ce cher monsieur Puerno, évidemment, qui était parvenu à retenir un certain nombre de ses innombrables anecdotes sur ces petits villages dispersés le long des rails, ce qui était tout à son honneur et au bonheur des oreilles vites lassées de ceux qui l’entouraient.
Occupée à lire le Courrier de ce matin, Ingrid avait de son côté à peine remarqué le départ de l’ambassadeur et de sa secrétaire et encore moins l’arrivée de Brechenmacher, qui s’arrêta à peine après avoir passé la porte et s’adossa au mur pour allumer une cigarette. Arrivée en bas de page, elle leva les yeux vers Puerno, installé dans un fauteuil presque en face d’elle, et, trouvant qu’il faisait un peu peine à voir, à fixer la nuit qui tombait, fit l’effort de glisser une phrase aimable à propos du terriblement soporifique article dont elle venait de lire une phrase sur deux.

« Je n’aurais jamais pensé que les mesures de préservation des bocages du Berry puissent être si…  Fascinantes. »

Il n’en fallut pas plus à l’émérite journaliste pour se redresser sur son siège et retrouver sa flamme. Trop heureux qu’enfin quelqu’un s’intéresse à sa région fétiche du moment, il ne manqua pas de prendre le vague compliment comme une invitation à approfondir le sujet.  

« C’est de tout un écosystème dont qu’il est question. En le laissant dépérir ce ne serait pas seulement des paysages magnifiques qui disparaitrait mais également tout un savoir-faire régional. Prenez le fromage de la région, par exemple. Sa production repose sur une alimentation des vaches extrêmement riche en protéines caractéristique des pâturages locaux. »

A présent qu’elle avait libéré le flux de babillages du grand reporter Ingrid n’avait cependant aucune intention de l’assumer. Se montrer polie était une chose, attentionnée au point de se prétendre intéressée une autre à laquelle elle renonçait bien volontiers. Avec un sourire désolé elle posa une main sur l’avant-bras de Puerno avant de se lever.

« Je suis désolée de ne pas pouvoir vous écouter plus longtemps mais je suis épuisée. Cependant je suis certaine que madame Cabanel serait ravie d’en discuter avec vous. De mémoire elle est de la région. »

En réalité elle ne se souvenait absolument pas d’où pouvait bien venir cette femme, ni même si elle avait déjà abordé la question (mais bavarde comme Madeleine savait l’être ce n’était pas impossible), mais Aurèle venait de la laisser seule et il fallait croire qu’Ingrid lui en voulait encore de lui avoir la semaine dernière tenu pendant une bonne heure la jambe avec son association de la protection de la jeune fille. Puerno sembla hésiter un instant à aller importuner (ou instruire, c’était selon les points de vue) l’épouse de l’ambassadeur, mais sous l’insistance de l’Allemande ne se fit finalement pas prier bien longtemps. Après avoir royalement ignoré le regard de détresse de Madeleine au moment où elle réalisa le guet-apens, Ingrid se dirigea vers la sortie mais fut un instant retenu par Brechenmacher, qui remarqua avec ironie :  

« Pauvre madame Cabanel. »

Mais le responsable de la sécurité de ce voyage avait l’air plus amusé que désolé, exactement comme sa compatriote, dont la compassion était très fluctuante.

« C’était à vous ou elle que je l’envoyais, vous devriez vous estimer heureux. »
Elle accepta volontiers la cigarette offerte et jeta un rapide coup d’œil au-dessus de son épaule.
« Dans votre grande mansuétude je suggère que vous alliez la secourir dans les dix minutes, il serait de très mauvais goût que le la femme de l’ambassadeur dépérisse d’ennui pendant le voyage. »
Entre Aurèle et Puerno le risque était tout de même assez grand.
« D’ailleurs où se trouve son mari ? Il aurait pu s’attarder un peu plus. »

A avoir regagné son compartiment si rapidement on pourrait presque croire qu’il n’avait aucune envie d’être là. Certes il paraissait que le travail d’ambassadeur ne consistait pas uniquement à faire acte de présence et à serrer quelques mains pour les photographes, mais de là à filer travailler à la moindre petite occasion… Enfin tant pis. Vu l’exceptionnel programme qui lui était réservé pendant ces deux jours à Nuremberg il aurait largement le temps (et pas vraiment le choix) pour se rattraper niveau présence. A la moue légèrement déçue d’Ingrid l’officier hocha légèrement la tête.  

« Occupé à travailler, je suppose. » Il fit une pause de quelques secondes avant d’ajouter d’un faux air de rien, celui que prenaient à peu près tout ce qui croyait en savoir plus. « Dans tous les cas en bonne compagnie. »

Pour la subtilité on reviendrait. Ce qui d’ailleurs lui valut un regard lourd d’Ingrid, qui n’était pas toujours la plus disposée à prendre avec légèreté ce genre de remarque. Et quand bien même la curiosité et la tendance marquée à l’intrusion auraient à un autre moment pu lui demander de développer ce qu’il avait de toute évidence à dire, une politesse élémentaire voulait tout de même qu’on évite d’aborder ce genre de sujet à trois mètres de l’épouse, toute pénible soit-elle.

« Je vais faire semblant de ne pas avoir compris vos sous-entendus. »

Il n’eut de toute façon ni le temps ni vraiment l’envie d’en dire plus, ladite bonne compagnie venait d’entrer dans la voiture pour regagner celle où se trouvait sa cabine.

« Ah, mademoiselle Ancel, nous parlions justement de vous. »
Brechenmacher fit un pas de côté pour se tourner vers elle et lui adressa un signe de tête poli.
« Mademoiselle. »

S’ensuivit un silence un brin gênant, durant lequel les deux Allemands fixèrent, l’une en souriant, l’autre d’un air parfaitement placide, la jeune femme, sans avoir spécialement à cœur de lui dire de quoi leur conversation retournait. Finalement Ingrid haussa les épaules, tendit le bras pour écraser sa cigarette dans le cendrier posé sur le rebord de la fenêtre, et passa entre les deux voyageurs pour sortir du wagon.

« Sur ce, bonne nuit à tous. »

Entre l’impatience d’arriver en Bavière, le léger stress relatif à l’importance de ce voyage diplomatique et le bourdonnement du train, la nuit fut loin d’être excellente, ce qui n’empêcha cependant pas Ingrid d’arriver en pleine forme et d’excellente humeur au très matinal petit déjeuner du lendemain. Autour de la table ovale qui avait été dressée pour plus de convivialité, tout le monde faisait preuve d’un calme respectueux du réveil difficile de certains, jusqu’à ce que le train ne commence à ralentir, signe de l’arrivée imminente. Ce qui marqua le point où il n’était décemment plus possible de retenir son enthousiasme et où il n’était plus acceptable qu’on parle d’autre chose que de cette visite qui d’avance s’annonçait exceptionnelle.

« Vous verrez, Nuremberg est une ville absolument magnifique. Et grâce au Führer elle a retrouvé en quelques années seulement son dynamisme d’antan. »
Alors qu’elle s’adressait très clairement à Edouard, Aurèle, qui croyait bien faire, l’interrompit.
« Vous devez être très fière de votre ville. »  

Sauf que quand on s’imposait la moindre des choses était d’être bien renseigné. Sous l’air de marbre de Brechenmacher, qui s’amusait au fond d’avance du revers froid que le politicien écoperait sans doute, elle lui lança un regard glacial et répondit sèchement.

« Je suis berlinoise. »

Quel était le nom de l’idiot qui avait suggéré d’embarquer Félix Aurèle, déjà ? Par égard pour les Parisiens, qui en se passant pendant tant de temps de ses harangues radiophoniques risquaient de s’ennuyer, on aurait dans tous les cas mieux fait de l’oublier à la gare.
Pour détendre l’atmosphère qui d’un coup venait de se crisper légèrement, Puerno et sa bonne volonté sautèrent dans la discussion.

« Je suis certain que cette visite sera très enrichissante. J’ai notamment entendu dire qu’on trouvait de très belles pièces d’artisanat autour de la place du marché. »  

Par tous les saints, comment s’était-elle retrouvée là ? On allait découvrir le joyau de la couronne impérial et on voulait lui parler poterie… Eh bien puisqu’il y tenait tant on pouvait encore larguer le journaliste en bord de route, de là il n’aurait qu’à partir explorer lui-même les lieux d’artisanat locaux !  

« Voyons-nous aujourd’hui le… Reichspart… »  
« Reichsparteitagsgelände. »

Ce n’était tout de même pas si compliqué à prononcer. Mais au moins madame Cabanel avait le mérite de recentrer la discussion et de faire retrouver à la rousse son enthousiasme.

« Absolument. Nous le visiterons ce matin et irons même voir sur l’étang de Dutzendteich une compétition d’aviron. Les athlètes seront honorés de la visite d’un ambassadeur et de sa charmante épouse. »

Le gigantesque complexe aurait de quoi impressionner la délégation française. Et même si l’ambiance ne serait jamais comparable aux rassemblements des congrès, la ferveur qui ne manquerait pas de régner pendant la compétition serait sans aucun doute aussi émouvante que plaisante à voir. A y penser Ingrid se sentait d’avance saisie d’un mélange d’exaltation et de piété. Mais pour laisser aux Français la surprise elle n’en dit pas plus et se tourna de nouveau vers l’ambassadeur pour s’enquérir de son avis (enfin c’était très vite dit, la question était pure rhétorique) sur l’autre point fort du voyage.

« Au fait, vous aimez Wagner, n’est-ce pas ? Je ne sais plus si je vous ai tenu au courant de la programmation mais nous irons ce soir voir Les Maître chanteurs de Nuremberg. »
Quatre heures trente de d’humour wagnérien, voilà qui s’annonçait superbe.
« Nous avons beaucoup hésité avec Siegfried, mais avec le directeur de l’opéra nous nous sommes dit que vous préféreriez quelque chose d’un peu plus léger pour ce soir. Et puis je suis certaine que quand vous aurez manifesté votre enthousiasme nous parviendrons à faire venir d’ici à la fin de l’année orchestre et chanteurs jusqu’à Paris pour entendre une partie de la tétralogie. »
Evidemment Les maître chanteurs manquaient un peu de prosopopées et autres sylphes, mais le tout serait tout de même plus reposant. Elle espérait que l’ambassadeur apprécierait l’attention. Car après une journée de visites, de rencontres et de mains serrées (il paraissait d’ailleurs que le maire de la ville avait une poignée de main particulièrement douloureuse, avant d’arriver à l’hôtel de ville elle songerait donc peut-être à prévenir le diplomate), il était compréhensible qu’il préfère écouter quelque chose de relativement reposant.
« Quel dommage que nous n’ayons pas le temps de faire un détour par Bayreuth… Evidemment entendre Wagner au Palais des festivals aurait été extraordinaire. Mais ne parlons pas de regrets avant même d’être arrivés. »

Car le train arrivait en gare elle dû se résoudre à imiter le reste des passagers et se leva pour aller chercher chapeau et manteau dans son compartiment. Au passage elle glissa tout de même un mot à Caroline, sur laquelle elle venait de surprendre un regard absolument incompréhensible de Brechenmacher. Et si son compatriote était un homme somme toute très sympathique, par solidarité féminine mieux valait informer la jeune femme que ses intentions n’étaient peut-être pas totalement platoniques.

« A votre place j’éviterai de me retrouver en la seule compagnie de Brechenmacher. Vous semblez l’intéresser. »

L’intéresser dans quel sens, elle lui laissait le soin de comprendre part elle-même et après un sourire amical la dépassa pour se presser d’aller récupérer ses affaires. Il serait très malpoli de faire attendre l’accueil excessivement chaleureux qui leur était réservé. D’ailleurs Puerno avait-il sous la main un carnet pour noter ? Il avait en tout cas intérêt, car Ingrid prévoyait de ne pas manquer de le lui reprocher s’il avait oublié ne serait-ce que la couleur des fleurs qui seraient offertes à madame Cabanel. Et il était également prié de noter à quel point les robes traditionnelles bavaroises et les uniformes se mêlaient bien dans la foule qui les attendait.
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