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 [La Coupole] Quand les résistants règlent leurs comptes...

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Guillaume Vial
Guillaume Vial
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■ profession : Lieutenant-colonel dans l'armée française, représentant l'armée de Vichy auprès des Allemands - accessoirement chef du réseau Honneur et Armée

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MessageSujet: [La Coupole] Quand les résistants règlent leurs comptes...   [La Coupole] Quand les résistants règlent leurs comptes... Icon_minitime1Ven 4 Déc - 19:40

Guillaume Vial n'avait jamais vu La Coupole aussi peu animée. En temps habituel, les fêtes que le restaurant abritait faisaient battre les murs de l'établissement au même rythme que le cœur de la ville. Elles rejaillissaient sur le boulevard Montparnasse où les éclats de voix, les notes de musique qui s'échappaient quand la porte s'ouvrait pour laisser passer des fêtards alcoolisés ou les fumées de cigarettes qui s'élevaient vers les nuages, offrant l'impression d'offrir un peu de vie au reste du monde. Et lorsque les artistes de la nuit et les jeunes gens, pauvres ou riches, mais qui n'avaient pas le souci du lendemain allaient se coucher, les terrasses du restaurant se remplissaient de clients plus sérieux, couverts de fourrures l'hiver ou de pierreries l'été pour boire leur café ou goûter les mets du chef, repartant avant que le dancing n'ouvre ou se laissant à leur tour emporter par la folie de la nuit. « En temps habituel »... Guillaume eut une pensée amusée pour cette formule. Il valait mieux dire avant la guerre, quand il trouvait le temps de se rendre dans ce genre d'établissements, soit assez rarement car cela n'était guère de son goût. Parfois s'était-il mêlé à cette foule joyeuse sur la demande de sa fiancée, pour la faire danser sur les airs de jazz venus des États-Unis (ou du moins essayer, car il maîtrisait davantage les danses des bals populaires). Il aurait été mentir que de dire que la fête ne s'était pas poursuivie depuis l'arrivée des Allemands, même si cette simple pensée révoltait le chef d'Honneur et Armée. Au contraire, les Parisiens continuaient d'aller se goinfrer dans les restaurants, danser au son des accordéons ou applaudir les chanteurs de Radio-Paris quand ils étaient sur scène, avec une prédilection s'ils étaient accompagnés de danseuses dénudées. Sauf que les artistes juifs, espagnols ou communistes, la musique jazz et ses instrumentistes noirs n'étaient plus de la partie, ayant laissé leur place au gratin de la collaboration qui avait bien besoin de s'amuser après avoir passé la journée à arrêter les honnêtes patriotes, sans doute dans l'espoir de boire, de s'étourdir pour oublier quelles infâmes raclures ils étaient. Sauf que le couvre-feu limitait la puissance du bruit et rappelait que la guerre couvait toujours. Et sauf que Guillaume Vial n'était plus là pour voir cela. Maintenant, il avait pris l'habitude de fréquenter l'établissement de jour et plutôt pendant les heures creuses, voire de fermeture. À un moment où seuls quelques Parisiens avançaient à pas rapides dans la rue sans faire attention à lui dans le vague espoir d'échapper à la bruine qui tombait sans discontinuer depuis le matin et où l'enseigne de l'établissement s'éclairait tristement au dessus d'une terrasse désertée. En cet instant, La Coupole n'avait plus l'air d'être le restaurant à la mode où les artistes de Montparnasse se rassemblaient mais seulement un restaurant vieilli, usé, qui partageait la peine de ses anciens clients, la mélancolie pour le passé et le dégoût des temps nouveaux et de son ordre moral hypocrite. En cette journée pluvieuse de mai, ceux qui allaient rentrer dans ses murs n'avaient de toute façon plus le cœur à faire la fête depuis bien longtemps, puisqu'ils n'étaient pas du genre à tenter d'oublier, de faire comme si rien ne s'était passé ou continuait de se passer, presque sous leurs yeux.

- On y va ? Lui demanda La Fayette à ses côtés, ramenant Guillaume au présent et surtout à cette réalité qu'il ne pouvait pas fuir, combien même aurait-il le vouloir.
Il s'aperçut alors qu'il s'était arrêté à quelques centaines de mètres des premières chaises de La Coupole, devant un mur couvert d'affiches appelant les jeunes Français à s'engager dans le service du travail pour libérer les prisonniers de guerre ou blâmant les terroristes qui assassinaient les innocents, comme si même les Allemands s'étaient donné le mot pour le poursuivre à travers ses failles et ses erreurs. Seulement voilà, les Érinyes avaient beau ne pas le lâcher d'une semelle avec leurs flammes d'un avant-goût de l'Enfer, il ne ferait pas demi-tour comme un couard, il ne se réfugierait pas dans la folie comme Oreste. Vial n'était pas de genre-là et s'il avait parfois la conscience blessée, il se tenait debout, prêt à poursuivre, à résister toujours. Ce rendez-vous qui l'attendait à La Coupole n'était qu'un moment désagréable à passer. Les choses mises au clair, les responsabilités assumées pour leurs failles, il pourrait quitter cet établissement, le laisser à sa vie nocturne salie et continuer ses actions. En attendant, il était plus que temps de se laisser avaler par le restaurant, La Fayette et Dunois sur ses talons, avec toujours cette légère appréhension qu'il puisse s'agir d'un piège. Après tout, ils avaient été pris en défaut sur la plus grosse opération qu'ils avaient organisé jusque-là, sur l'attentat des Champs-Elysées, maintenant tout devenait plus risqué, chaque rendez-vous pouvait être la gueule du loup. A chaque instant, Guillaume s'attendait à faire face à face avec un homme à la veste de cuir, le chapeau à la tête de mort vissé sur la tête. Mais pour le moment, qui que soit le traître de son réseau, l'établissement était bien trop calme pour être le lieu d'une descente, un regard de Vial vers la salle du restaurant, dont les dorures brillaient tristement, suffit à le lui confirmer. Quittant un seul et unique couple attablé devant la mosaïque qui avait fait le renom de la Coupole, un serveur très propre sur lui se précipita vers eux :
- Messieurs, puis-je vous aider ? Demanda-t-il poliment, non sans arborer un air pincé devant l'accoutrement de ses nouveaux clients.
Vial le salua poliment en portant la main vers sa casquette un peu trop large qui dissimulait son regard bleu et il désigna les deux garçons qui le suivaient :
- On est les nouveaux musiciens, m'sieur, expliqua-t-il avec un accent traînant et sans faire aucun effort pour utiliser un langage châtié, le patron nous a autorisé à venir répéter. On est l'orchestre, Paul est le pianiste.
La Fayette, surnommé Paul pour l'occasion, hocha la tête pour confirmer cette version, tandis que Dunois, que l'on avait affublé du prénom d'Alfred, montra, lui, le sac sensé contenir sa trompette. Le serveur parut brusquement rassuré, et les envoya vers le sous-sol où se trouvait la salle du dancing en leur précisant que leur chanteuse les y attendait déjà et que la prochaine fois, pour ne pas gêner les clients, mieux valait prendre l'entrée de service, ce à quoi Guillaume répondit « merci, m'sieur » avant de descendre les escaliers, toujours suivi par ses jeunes recrues.

Leur « chanteuse », elle-même accompagnée de deux autres musiciens, fut la première personne que Guillaume vit en arrivant dans le dancing, dont Dunois ferma soigneusement la porte derrière lui.
- Reste devant, Alfred, lui commanda Guillaume de son habituel ton ferme et froid, abandonnant son accent des quartiers populaires, ton qui contrastait avec sa casquette de mineur et ses vêtements élimés, tu vas faire le guet, si tu vois n'importe quoi de suspect, si tu entends n'importe quoi de suspect, frappe trois coups à la porte.
Dunois s'exécuta et après avoir jeté un coup d’œil pour repérer les sorties de secours, dont une, le savait-il menait directement dans la rue à l'arrière du restaurant, enfin, Vial put se retourner vers la jeune femme, restée debout, dans l'obscurité dont elle ne sortit que pour qu'il puisse vérifier les traits de son visage. C'était bien elle, Elsa Auray, la chef de la Brigade, qui ne parut marquer aucune surprise ou aucune émotion en le voyant, l'ayant visiblement déjà reconnu malgré sa barbe de plusieurs jours. Elle avait toujours l'air de la gamine qu'il avait rencontré des mois auparavant au bord d'une route où devait passer un convoi de prisonniers de la résistance. Peut-être était-elle encore plus pâle, plus frêle qu'à cette époque. Peut-être était-ce surtout du à l'éclairage sombre de la salle de danse, allumée au minimum, selon les vœux du patron qui voulait bien autoriser Honneur et Armée à utiliser ces lieux par amitié pour la famille Vial et par patriotisme comme il le disait lui-même, éclairage qui allongeait les ombres, comme si la lumière et le noir se livraient une bataille. Sauf qu'il n'était plus le temps de se battre, ni d'user de faux-semblants, combien même la confiance entre la Brigade et Honneur et Armée s'était rompue de manière brutale après l'explosion de la bombe à la place de la Concorde. Plusieurs fois, depuis ces événements, Guillaume avait repensé à cette journée et à chaque fois, la colère l'étreignait. Ce n'était pas tant la vision des corps qui l'avait perturbé. En tant que soldat, il avait appris à ne plus détourner le regard devant le sang et les cadavres désarticulés. Non, à chaque fois qu'il revoyait chaque détail de cette journée maudite, qu'il se souvenait de son dernier entretien avec Elsa Auray, de la suffisance avec laquelle Glucks s'était dirigé vers la foule dont les membres d'Honneur et Armée avaient totalement perdu le contrôle, de la force avec laquelle femmes et hommes en colère s'étaient pressé contre lui au mépris de toute sécurité, il se demandait pourquoi la bombe avait explosé. Quitte à ne pas se rendre dans les tribunes, à ne pas parvenir à accomplir leur mission, au moins auraient-ils pu éviter cette bavure tragique. Il n'était pourtant pas le genre d'homme à ressasser le passé. Ce qui était fait était fait, cela ne valait pas la peine de trop s'attarder, mieux valait aller de l'avant.
Sauf qu'en ces circonstances exceptionnelles, ce n'était plus possible. Sa colère lui commandait de trouver des coupables et surtout de trouver une solution pour se racheter. Le choc avait été tel que rien ne pourrait être plus comme avant. Maintenant, les Parisiens n'avaient plus confiance en eux. Maintenant, il surveillait ses arrières avec d'autant plus d'attention qu'il savait que l'un de ses amis s'apprêtait à le poignarder dans le dos. Restait à savoir si Elsa Auray serait cette amie-là. La résistance ne faisait parfois pas de quartiers, il le savait bien lui-même, lui qui était prêt à tout sacrifier pour arriver à ses fins. Fou de constater qu'en voulant combattre les nazis, on finissait toujours par utiliser leurs méthodes.

Les deux chefs des réseaux de résistance les plus recherchés de la capitale se considérèrent un instant, se toisant sans aménité, avant que Guillaume n'ôte sa casquette pour la déposer sur une table, dévoilant deux grands yeux bleus au regard dur et des cheveux ébouriffés, bien peu convenables pour un militaire. Il tira une chaise pour s'asseoir devant elle, et d'un geste de la tête, invita Elsa à s'installer devant lui.
- A nous de jouer, à présent, dit-il alors que les accompagnateurs de la jeune résistante sortaient de l'ombre derrière elle, avant que nous commencions, Paul, peux-tu te mettre au piano ? Cela couvrira nos paroles.
La Fayette, pianiste de formation dans sa vie officielle, obéit prestement et tira rapidement quelques accords enjoués au piano de la salle. Le regard de Guillaume le considéra une courte seconde, avant de retourner se poser sur Elsa Auray qui, pour une chanteuse, n'aurait sans doute pas l'occasion de faire beaucoup de vocalises. Il n'avait pas beaucoup d'estime pour elle, encore moins depuis qu'elle lui avait fait faux bond, mais il fallait faire avec elle. Dieu seul savait toutefois comment cette discussion allait pouvoir finir. L'échec avait peut-être plus encore consommé leur rupture.
- Qu'est-ce que vous fichiez à l'ambassade de Vichy pour l'intronisation de Cabanel ? Prononça-t-il à mi-voix, non sans jeter un regard méfiant aux complices de  la jeune femme qu'il ne se souvenait pas avoir déjà vu, après ce qui s'est passé, vous feriez mieux ne pas prendre trop de risque. Vous devriez faire profil bas. Surtout maintenant que vous connaissez ma véritable identité.
C'était certainement une façon un peu abrupte de commencer la conversation, mais Guillaume n'avait guère envie de s'embarrasser de manières, une vaste perte de temps selon lui, d'autant que les deux chefs de la résistance, lors de cette réunion à hauts risques, avaient autre chose à faire que des politesses. Vial sentait déjà cette colère habituelle monter en lui à nouveau, dès ces premières paroles. Et s'il demeura impassible, sous le regard glacial d'Elsa, il comprit enfin en une seconde pourquoi cette rage l'habitait depuis plusieurs jours. Ce n'était pas tant la Brigade, la bombe ou l'impuissance qui le faisaient trembler de colère, c'était cette honte terrible qui le dévorait et contre laquelle il ne pouvait rien.
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Elsa Auray
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J'ai vu la mort se marrer et ramasser ce qu'il restait.



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MessageSujet: Re: [La Coupole] Quand les résistants règlent leurs comptes...   [La Coupole] Quand les résistants règlent leurs comptes... Icon_minitime1Mer 23 Déc - 2:54

La petite ampoule pendue au plafond hésita un instant à rester allumée, projetant ainsi une lumière blafarde et intermittente dans l'entrée de la célèbre salle de danse de La Coupole. Le patron du restaurant, une fois assuré que la pièce ne serait pas replongée dans le noir dans la seconde qui suivait, se risqua un peu plus avant, allumant le minimum de lampes, juste assez pour faire baigner le dancing qui avait connu des heures plus glorieuses dans une ambiance rendue d'autant plus sinistre que l'endroit était ordinairement connu pour être animé, empli de musique et d'éclats de rires qui tintaient à l'unisson des verres qui s'entrechoquaient. Il n'en était rien ce jour-là, alors que le maître des lieux se tournait vers les trois silhouettes qui le suivaient à distance dans la grande salle. À la décharge de cette salle emblématique de Montparnasse, la soirée était encore loin alors que l'après-midi battait son plein et dans quelques heures, les tables de l'étage se rempliraient sûrement de clients venus prendre un café (ou ce qu'il en restait) puis manger et pourquoi pas, aller esquisser quelques pas de danse dans le fameux dancing qui avait fait couler bien des litres d'encre depuis qu'il était devenu le lieu à connaître du quartier. Les clients, les dîneurs, les danseurs en question ne seraient simplement plus exactement ceux qui, venus de tous les horizons, fréquentaient l'endroit avant l'arrivée des Allemands et avant que ceux-ci ne prennent possession de tous les endroits que les Parisiens avaient à cœur. Du moins, c'était ce que l'on pouvait supposer, car il en était probablement de La Coupole comme de tous les lieux réputés de la capitale et la jeune femme qui s'était arrêtée au centre de la pièce pour y jeter un regard ne pouvait de toute façon aller beaucoup plus loin que des suppositions. Elle n'avait pas réellement fréquenté l'endroit avant la guerre et à vrai dire, maintenant que la guerre était là, elle s'en serait volontiers passée. Ce n'était ni le patron, qui s'était tourné vers ses deux compagnons et elle pour leur annoncer qu'ils disposaient désormais des lieux à condition d'y maintenir cet éclairage, ni le dancing vide en lui-même, ou sa réputation qui suscitait cette méfiance dont elle avait du mal à se départir. Ni même le sentiment d'avoir pénétré dans un lieu hanté par des éclats du passé dont ceux qui résonnaient aujourd'hui n'étaient que de faibles et pâles ombres. Non, c'était beaucoup plus simple que cela : elle n'avait pas choisi l'endroit. Ce restaurant dans lequel X1 – puisque c'était bien lui qu'elle était venue y rencontre – lui avait donné rendez-vous lui était presque encore inconnu jusque là. Elle connaissait La Coupole de nom, elle y avait peut-être même été entraînée bien des années auparavant pour y danser l'espace d'une soirée, mais rien n'était pareil désormais. Elle en ignorait les issues, elle n'avait jamais rencontré le patron qui se disait convaincu de faire preuve de patriotisme en accueillant les soi-disant nouveaux musiciens pour leur permettre de répéter... bref, Elsa ne pouvait être sûre de rien, et n'avait d'autre choix que de se fier au choix du chef d'Honneur et Armée. Or parmi les sentiments qu'elle pouvait bien nourrir à l'égard de X1, ce n'était certainement pas la confiance qui l'étouffait.

Ils étaient là néanmoins, elle, Marcel et Edouard, qui remerciait le patron et lui assurait qu'ils n'avaient besoin de rien. Ils étaient là et ils n'avaient plus qu'à attendre, attente que la jeune chef de la Brigade comptait mettre à profit pour faire le tour de la salle tandis que ses deux acolytes reconvertis en faux musiciens pour l'occasion déposaient les sacs censés contenir leurs instruments sur une table – un leurre qui n'en était pas totalement un, Marcel avait convaincu une de ses connaissance de lui prêter une guitare pour lui donner contenance, et remplir convenablement sa sacoche, quand bien même l'idée de se faire passer pour l'un des groupes qui pouvaient encore jouer sur la scène de La Coupole l'avait laissé perplexe. Il marmonnait d'ailleurs encore et toujours sur la question, mais Elsa avait cessé de l'écouter depuis longtemps. Celle que l'on avait présentée comme la chanteuse au serveur du restaurant qui n'était pas dans la confidence avait bien d'autres sujets de préoccupation, même s'il aurait été bien difficile pour quiconque de distinguer la moindre trace d'inquiétude sur ses traits pâles, tirés, mais définitivement de glace. Vêtue d'une robe pour passer inaperçue, elle avait rassemblé ses cheveux roux dans un chignon dont quelques mèches rebelles dissimulaient légèrement ses traits – un camouflage rudimentaire, mais il s'agissait d'avoir l'air crédible en chanteuse, même si un œil extérieur lui aurait difficilement prêté beaucoup de voix et des capacités remarquables de vocalises, capacités qu'elle ne possédait probablement pas. Heureusement, elle n'avait pas plus l'intention de chanter que de faire ne serait-ce que hausser la voix ce jour-là. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait, pourtant. Car si les deux chefs des réseaux parmi les plus traqués de la capitale prenaient le risque de se retrouver, ce jour-là, ce n'était pas pour le simple plaisir de visiter le célèbre dancing usé, ni même pour planifier une action ou pour évoquer les missions à venir. La conversation s'annonçait beaucoup plus houleuse qu'elle ne pouvait l'être habituellement entre X1 et Ian puisque cette fois, il s'agissait de parler de ce qui s'était produit sur les Champs Elysées et de trouver une explication à la catastrophe en laquelle s'était changée ce qui devait être leur plus grosse action commune jusque là. La foule bien plus agressive qu'elle n'était censée l'être, Glucks qui n'avait pas suivi le programme prévu... et la bombe, au milieu des badauds et des manifestants. A cette pensée, Elsa, qui finissait d'inspecter les lieux, se tendit légèrement. Malgré toute l'apparente froideur dont elle faisait preuve, elle n'avait pas digéré cet échec, le fait d'avoir manqué leur cible comme les civils qui avaient fait les frais de leurs erreurs – erreur qui avaient failli lui coûter à elle-même plus qu'un mauvais coup à la tête.

- Bon, qu'est-ce qu'ils foutent ? Ils vont finir par être en retard, marmonna Marcel, sortant la jeune femme de ses pensées.
Elle ne répondit pas, laissant à Edouard la tache délicate de se préoccuper des humeurs de leur compagnon. Elle avait beaucoup de choses à reprocher à X1 – ou Guillaume Vial, puisqu'elle savait désormais qui il était – mais elle savait que la ponctualité ne serait pas un problème. D'ailleurs, à l'instant où elle se tournait vers les deux autres membres de la Brigades, des pas se faisaient entendre dans l'escalier et bientôt, trois silhouettes de dessinèrent dans l'embrasure de la porte, se découpant abruptement dans la lumière toujours aussi blafarde répandue par la petite ampoule. En tête, un homme qu'Elsa reconnut immédiatement, malgré la casquette qui jetait une ombre sur les traits de son visage. Restée dans l'ombre jusque là, elle fit un pas vers X1 sans pour autant le saluer, ni se départir de son éternel masque rendu peut-être plus froid encore par la situation. Elle observa en silence le chef d'Honneur et Armée donner ses ordres à l'un de ses acolytes, non sans envoyer d'un signe de la tête Edouard accompagner celui qui se faisait appeler Alfred, pour se tenir au courant des issues et surveiller lui aussi ce sur quoi il fallait jeter un œil. Ils ne sauraient être trop prudents, encore moins maintenant, alors que les événements des Champs Elysées avaient poussé les Allemands à accentuer leurs recherches et surtout, alors qu'un traître se cachait parmi eux. Dans quel réseau ? Chacun avait probablement sa petite idée sur la question et en dévisageant Guillaume qui lui faisait face, Elsa songea qu'ils allaient désormais avoir bien du mal à conjuguer leurs efforts pour les débusquer, maintenant que le peu de confiance que les deux réseau avaient réussi à nouer s'était envolée. Tout comme elle, il devait probablement avoir ses idées sur la question, soupçonner certains de ses hommes, et surtout ceux des autres. Elle imaginait difficilement quelqu'un de si prompt à tout contrôler que lui songer à ses propres recrues en premier, lui qui avait toujours l'air de considérer qu'il savait ce qu'il faisait, et qu'il le savait mieux que le reste du monde. Oui, la conversation promettait d'être houleuse car outre la question du traître à éliminer, il allait falloir parler des responsabilités des uns et des autres dans ce qui s'était passé. Et la jeune résistante n'était pas décidée à se laisser accuser d'incompétence sans répliquer. Elle alla néanmoins prendre sa place face à Guillaume qui, ayant ôté sa casquette, lui laissa enfin deviner ses traits en entiers, et son regard aussi dur que celui d'Elsa était froid. S'ils n'avaient pas été aussi éloignés l'un de l'autre en tous points, X1 et Ian auraient probablement pu former une sacrée paire. Mais ce jour-là, l'entente cordiale qui présidait encore quelques jours plus tôt entre les deux chefs qui, dès leur première rencontre, avaient failli s'entre-tuer, semblait bel et bien avoir disparu.

- A nous de jouer, à présent, annonça enfin Guillaume sans plus de préambule, avant que nous commencions, Paul, peux-tu te mettre au piano ? Cela couvrira nos paroles.
Celui que l'on venait de nommer Paul acquiesça et s'assit au piano dont il tira une mélodie guillerette qui tranchait sérieusement avec l'ambiance qui s'était installée entre les six résistants. Elsa allait enfin prendre la parole à son tour, sans s'embarrasser de politesses non plus – après tout, plus vite ils sortaient d'ici, mieux cela valait pour tout le monde – mais alors que les notes commençait à retenir, X1 reprenait déjà.
- Qu'est-ce que vous fichiez à l'ambassade de Vichy pour l'intronisation de Cabanel ? demanda-t-il abruptement, après ce qui s'est passé, vous feriez mieux ne pas prendre trop de risque. Vous devriez faire profil bas. Surtout maintenant que vous connaissez ma véritable identité.
Cette introduction, à laquelle Elsa ne s'attendait pas, donnait au moins le ton de ce qui allait suivre. Évidemment, elle n'aurait jamais dû le croiser, ni apprendre sa véritable identité – quand bien même il ne s'était lui-même probablement pas gêné pour se renseigner sur elle, ce qui devait être d'autant plus facile qu'il s'avérait que X1 travaillait officiellement pour Vichy et les Allemands. Mais la façon dont il venait encore de lui dicter sa conduite fit monter d'un cran la nervosité froide d'Elsa, qui se raidit imperceptiblement face à lui.
- Je n'ai pas besoin de vous pour savoir ce que je dois faire, rétorqua-t-elle aussitôt. Gardez vos ordres pour vos hommes.
D'un geste, elle fit taire Marcel qui, appuyé sur une table non loin d'eux, allait s'étonner de cette histoire d'ambassade dont il n'était pas au courant. Ce n'était pas le moment de s'expliquer.
- J'avais un message urgent à faire passer, et pas d'autre choix, c'est tout ce que vous avez besoin de savoir. Et vous en savez déjà trop, reprit-elle en sentant une forme d'agacement poindre, elle que tout laissait indifférente.
Elle n'était pas venue s'expliquer sur ses faits et gestes en dehors de l'action du défilé, et il n'était pas question de lui parler de Cabanel. Elle ne soupçonnait pas X1 lui-même d'être ce traître qu'il recherchait – quand bien même elle ne pouvait totalement se fier à lui – mais elle ne connaissait pas les types qui l'accompagnaient, et vu la situation particulière de l'ambassadeur, autant ne pas répandre la nouvelle de sa collaboration avec Londres sur tous les toits.

- Quant à votre identité, c'est le dernier de mes problèmes, conclut-elle avant de reprendre, sur un ton toujours aussi glacial, mais plus égal : maintenant, nous ne sommes pas là pour parler de l'ambassade. Personne ne veut traîner ici, finissons-en.
Non pas que cette conversation la réjouisse particulièrement, elle remuait avec elle une sourde colère et des souvenirs dont elle aurait préféré se passer. Mais puisque Vial parlait de ne pas prendre de risques, il était inutile de perdre du temps et de s'éterniser ici en palabres inutiles, ils avaient bien assez à faire avec le véritable sujet de cette rencontre sous haute tension. Une tension qui augmenta encore d'un cran au moment d'aborder leur échec. Ils avaient tous beaucoup de reproches à se faire, mais Elsa ne voulut pas, pour une fois, laisser à X1 l'honneur d'ouvrir le bal. Elle n'avait aucun goût pour les débats véhéments, et considérait généralement comme inutile de s'accabler de reproches pour quelque chose qui s'était déjà produit et sur lequel on ne pouvait revenir – ce qui lui donnait cette réputation de n'avoir rien à faire des éventuelles représailles qui suivaient ses actions. Mais l'attitude de Guillaume avant même qu'ils aient réellement débuté cette réunion avait réussi à toucher cette colère froide qui ne la lâchait pas depuis l'explosion de la bombe, une colère à laquelle se mêlaient probablement des remords, car elle n'avait pas pris les bonnes décision sur le moment, et la paranoïa croissante à l'idée de savoir qu'il y avait dans son entourage quelqu'un qui pouvait à tout moment donner tout ce qu'il savait aux Allemands. Un mélange détonnant qui rendait plus glacial et dur encore le regard bleu qu'elle fixa sur X1.
- Nous avons été dépassés par la foule dont vous étiez censés vous occuper, à partir du moment où ils ont passé les barrières, la situation nous a échappé... Alors qu'est-ce vous, vous fichiez ? Lança-t-elle, afin de mettre enfin les deux pieds dans le plat.
- Vous n'avez rien géré du tout ! enchaîna Marcel avec véhémence sans qu'Elsa  n'ait le temps de le faire taire. C'est pas faute de vous l'avoir dit, moi, que votre plan était bancal !
Le regard noir et appuyé de sa chef arriva trop tard. Or c'était exactement le genre de reproche inutile qu'elle avait prévu de bannir de la discussion... parce que la discussion risquait fort de tourner court.

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MessageSujet: Re: [La Coupole] Quand les résistants règlent leurs comptes...   [La Coupole] Quand les résistants règlent leurs comptes... Icon_minitime1Sam 31 Déc - 19:12

Les notes de musique s'égrenaient dans la salle de danse de La Coupole, sur une mesure légère et enjouée. Installé au piano, La Fayette jouait des airs qui auraient tout à fait eu leur place dans le café avant guerre, comme s'il souhaitait faire revivre l'inconscience des années 20 et 30, invoquer les ombres des jazz bands qui avaient défilé là et de tous les artistes qui avaient un jour dansé ou bu sur cette piste de danse au milieu de ces table aux lignes Art déco sur lesquelles le pseudo groupe de musique s'était installé. Mais le rappel de ce passé glorieux n'était là que pour donner le change, le temps d'un rendez-vous secret dont beaucoup aurait payé cher pour connaître la date et le lieu. Bien sûr, le soir même, un véritable groupe de musique prendrait place dans ces lieux, les Parisiens les plus aisés et leurs amis allemands iraient se remplir la panse de denrées introuvables dans les magasins à l'étage au-dessus et pendant un court moment, peut-être quelques minutes ou quelques secondes, certains croiraient que rien n'avait changé. Tout cela n'était pourtant que mascarade. Les rires ou le champagne n'effaçaient pas les longues queues devant les magasins, les cris anonymes qui montaient des prisons parisiennes ou le torrent de haine des lettres de dénonciation qui arrivaient sur les bureaux des policiers. On avait beau augmenter le son de la musique, elle ne faisait pas battre le cœur du quartier Montparnasse au même rythme qu'avant la guerre. Finalement, les seules notes qui étaient peut-être dignes du véritable esprit de la Coupole et de ceux qui y avaient fait la fête, c'était celles de La Fayette (ou de Paul officiellement). A moins qu'elles ne soient qu'une mascarade de plus.

Mais Guillaume Vial n'avait que faire de la musique. A peine avait-il tourné la tête pour vérifier que La Fayette avait bien exécuté son ordre, à peine entendait-il les notes joyeuses qui contrastait tellement avec la teneur des propos qu'il avait à échanger avec la chef de la Brigade. En l'occurrence, la musique avait son utilité parce qu'elle couvrait leurs paroles, ou parce qu'elle justifiait leur couverture (même si le serveur n'allait pas entendre beaucoup de chant), c'était tout ce qui comptait. Il ne voyait que rarement Ian, en raison des consignes de sécurité et de la clandestinité de la jeune femme qui allait de maison sûre en maison sûre pour perdre les pistes que pourraient avoir les Allemands – ou du moins le supposait-il. Il n'allait pas gâcher ce rendez-vous en se laissant distraire par des questions bassement matérielles. Et surtout, Guillaume refusait de prendre le risque d'une décapitation complète de la résistance parisienne : il n'était donc pas question de s'attarder.

C'était d'ailleurs sur cette question de la sécurité que Vial, sans laisser le temps à Ian d'en placer une, attaqua la conversation. Du coin de l’œil, sans quitter une seule fois la jeune femme du regard, il vit l'expression étonnée de l'homme qui l'accompagnait, qu'elle n'avait visiblement pas tenu au courant de ses dernières missions – et encore moins du fait qu'elle savait désormais la véritable identité de X1 (ce qui n'était pas un mal en l'occurrence).
- Je n'ai pas besoin de vous pour savoir ce que je dois faire, répliqua immédiatement la chef de la Brigade, dont la voix trahissait la crispation, gardez vos ordres pour vos hommes.
Le lieutenant-colonel esquissa un geste agacé mais elle ne voulut pas le laisser s'en défendre :
- J'avais un message urgent à faire passer et pas d'autre choix, c'est tout ce que vous avez besoin de savoir. Et vous en savez déjà trop.
C'était une fin de non recevoir. Silencieux mais le visage fermé, Guillaume dévisagea son interlocutrice avec dureté. Elle n'avait pas l'air beaucoup plus vieille que la première fois qu'il l'avait rencontrée, même habillée en femme et non en gamin des rues. Ses joues un peu émaciées et sa chevelure rousse lui donnaient un air juvénile qui contrastaient avec son aspect décidé et ses dents serrées quand elle refusait de se justifier. Même s'il l'avait voulu, Vial n'aurait pu être paternaliste avec elle, elle savait se défendre bec et ongles face à ceux qui essayaient de grignoter son autorité. Il y avait dans ce petit être mûri trop vite plus de force de volonté, de courage et d'intelligence que chez beaucoup de personnes qui avaient plus de deux ou trois fois son âge. Il avait beau savoir qui elle était réellement depuis que son informateur à l'ambassade, Diderot, le lui avait dit, avoir entendu parler des souffrances qu'elle avait dû enduré pour arriver jusqu'à sa position actuelle, Elsa Meyer l'étonnait toujours. La guerre – puisqu'on avait beau avoir signé un armistice avec Hitler, les ombres menaient toujours la guerre – l'avait forgée, avait émoussé la jeune fille qu'elle avait dû être, la jeune fille qui devait aimer danser dans les bals populaires à l'image de Diane ou de Béatrice, pour ne laisser d'elle qu'un pic de glace, résistant à tout, même aux blessures les plus profondes. Guillaume n'avait plus devant lui une jeune femme, quel que soit son nom, ni même Ian, le résistant dont le nom revenait sur toutes les lèvres depuis qu'il s'était échappé de la Gestapo et qui devait avoir bien plus de cicatrices à cacher que lui-même, mais un alter-ego. Quelqu'un qui ne reculait jamais malgré les dangers. Et qui n'était pas du genre à s'en laisser compter, surtout devant ses propres hommes.

- Quant à votre identité, c'est la dernier de mes problèmes, continuait-elle à asséner, maintenant, nous ne sommes pas là pour parler de l'ambassade. Personne ne veut traîner ici, finissons-en.
- Je vous fais confiance pour que le fait que vous connaissiez mon identité demeure aussi le dernier de mes problèmes, répliqua Guillaume, d'un ton égal au sien mais dans l'idée d'être plus conciliateur, vous avez raison, finissons-en au plus vite.
Il croisa son regard à ce moment-là et sentit qu'elle non plus n'avait guère envie de passer par cette conversation. Mais ils ne pouvaient y couper. Leurs décisions respectives avaient tué de pauvres Parisiens innocents et mis en danger toute la résistance. S'il ne servait à rien de s'auto-flageller, il fallait pourtant apprendre de leurs erreurs et faire le point. Pourtant, sans doute plus en colère par l'entrée en matière de Guillaume qu'elle ne le laissait paraître, la chef de la Brigade lâcha, d'une voix glaciale :
- Nous avons été dépassés par la foule dont vous étiez censés vous occuper, à partir du moment où ils ont passé les barrières, la situation nous a échappé... Alors qu'est-ce que vous, vous fichiez ?
Guillaume sentit tous ses muscles se tendre et sa mâchoire se crisper. Il avait imaginé de nombreux cas de figure pour cette discussion mais pas que Ian mette les pieds dans le plat de cette façon-là. Il avait vécu et revécu cette journée du défilé de nombreuses fois dans son esprit, en se demandant ce qu'il aurait pu faire pour éviter que la foule ne les déborde, ce qu'il aurait du faire de différent pour éviter le drame, en essayant de déterminer à quel moment cela avait achoppé, mais il avait beau y avoir passé des nuits entières, au détriment de son sommeil, il n'avait pas trouvé. C'était une chose d'être dévoré par les remords, c'en était une autre de se voir reprocher ses erreurs.
- Vous n'avez rien géré du tout !  Renchérit l'homme à la moustache qui se tenait non loin d'eux, c'est pas faute de vous l'avoir dit, moi, que votre plan était bancal !
C'en fut trop. Comme s'il venait d'être giflé, Guillaume recula brusquement sa chaise dans un crissement désagréable, en s'apercevant à peine que La Fayette venait d'interrompre son petit numéro de piano. En un bond, il était debout, considérant de toute sa hauteur ses interlocuteurs, et plus spécialement le résistant de la Brigade qui continuait à le provoquer avec son air fermé.
- Taisez-vous,  murmura-t-il les sourcils froncés, se souvenant à temps qu'il convenait de ne pas faire d'éclats dans un tel lieu, à moins que vous n'ayez d'autres magnifiques démonstrations de ce qui saute aux yeux ? Vous étiez où, vous, quand nous tentions de déplacer une foule bien plus immense que prévu, bien plus en colère que nous le craignions ? Espèce d'imbécile qui prétend toujours savoir ce qu'il aurait fallu faire et comment et pourquoi ! C'est facile après coup de tenir des comptes, comme un vulgaire dactylographe...
Voyant que l'homme tentait à nouveau de prendre la parole, il enchaîna :
- Sans se remettre en question soit-même ! « Je vous l'avais bien dit... »... Personne ne pouvait prévoir ce qu'il allait se passer, personne ! Et certainement pas que vous iriez faire exploser une bombe au beau milieu de la foule, au lieu de la tribune comme c'était prévu. Peut-être est-ce que je pourrais vous demander moi aussi ce qu'il s'est passé ?
Il avait terminé sa diatribe dans un sifflement, les poings serrés. Sa colère n'avait rien eu d'un coup d'éclat. S'il avait parlé plus vite que d'habitude, avec un regard plus dur, il n'avait pas bougé de sa place, ni même élevé la voix. Et son regard avait quitté l'homme pour se poser sur Ian. Il ne comprit donc que le résistant voulait reprendre la parole lorsque pour la première fois depuis le début de la rencontre, La Fayette prit la parole en s'adressant à lui :
- Surtout ne dis plus rien au chef sinon je vais m'occuper de ton cas : tu s'ras tellement de guingois que même ta mère te reconnaîtra pas. Après ce qu’on a vécu ensemble, ça m’ennuierait de devoir t’en coller une mais j'hésiterais pas !

L'intervention extérieure de La Fayette calma brusquement Vial, comme s'il se rendait compte des dangers qu'une escalade dans les mots pouvaient entraîner. Les deux plus gros réseaux de résistance avaient autre chose à faire qu'à se disputer.
- Assez, retourne jouer immédiatement, Paul.
La Fayette acquiesça, sans quitter des yeux son nouvel ennemi personnel, et finit par se rasseoir devant son piano pour jouer une musique plus mécanique et moins enjouée, à l'image de Guillaume qui, ignorant superbement le provocateur, s'installa de nouveau en face de Ian.
- Il ne sert à rien de s'appesantir sur nos erreurs, affirma-t-il en la fixant droit dans les yeux, je crois que non seulement nos torts sont partagés et que nous avons joué de malchance. Mais la vraie raison de notre échec, vous la connaissez. C'est que nous étions attendus. La sécurité était déployée à l'endroit où nous avions prévu d'agir.
Maintenant que l'on revenait sur un terrain qu'il pouvait maîtriser, à savoir la stratégie et les décisions à prendre, Vial se sentait plus à son aise et presque plus détendu. S'appuyant contre le dossier de sa chaise, il joua un instant avec la casquette posée devant lui pour affirmer ensuite, comme s'il annonçait la météo à venir :
- Nous avons un traître, quelqu'un qui connaissait nos plans et nous a vendu aux flics et aux allemands.
Guillaume releva la tête vers Ian pour voir comme elle réagissait et laissa passer un blanc, non sans jeter un coup d’œil au type moustachu comme s'il venait de rentrer dans sa liste personnelle de suspects.
- Si je suis là aujourd'hui, ce n'est pas pour que l'on détermine qui est coupable entre nous. C'est surtout pour que nous unissions nos forces à la découverte de l'identité de cette pourriture. J'ai commencé ma propre enquête dans mon réseau. Afin que nous puissions enfin réellement travailler ensemble sur de bonnes bases. Et que la prochaine fois que vous avez un message à transmettre à quelqu'un dans l'ambassade, vous puissiez faire appel directement à moi au lieu de vous mettre en danger sans raison , termina-t-il d'un ton plus ironique mais toujours sérieux.
Guillaume Vial s'interrompit pour relâcher sa casquette et attendre la réponse de Ian, une réponse qui allait sans doute déterminer dans une grande part l'avenir de la résistance parisienne – si tant est qu'elle ne finisse pas décimée à cause d'un traître. Pour la première fois depuis le début de la conservation, il se sentit légèrement impatient de savoir ce qu'elle allait lui dire. D'habitude, le manque de contrôle l'agaçait profondément et c'était d'ailleurs son principal avec la Brigade. Mais ne pas contrôler ce qu'allait décider Ian avait ses avantages : il allait peut-être pouvoir avoir un véritable allié sur qui compter.
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