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 « Quand j’danse avec le grand frisé... »

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Emy Hale
Emy Hale
La chance ne sourit pas à ceux qui lui font la gueule.



Féminin

Je parle pas aux cons, ça les instruit.
■ topics : OUVERTS
■ mes posts : 969
■ avatar : Zooey Deschanel
■ profession : Journaliste au Courrier Parisien

PAPIERS !
■ religion: Irrémédiablement athée.
■ situation amoureuse: Célibataire endurcie, le couple c'est bourgeois et catholique, d'abord.
■ avis à la population:

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MessageSujet: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Jeu 14 Avr - 19:28

Nate & Emy

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« Eh meeerdeuh. »
L’air désabusé au possible, Emy contempla un moment durant la cigarette qui venait de lui échapper, choisissant évidement pour point de chute… le milieu du tapis. Précisément, au centimètre près elle en était certaine. Ou peut-être pas, elle avait l’air un peu plus sur la gauche… ou la droite d’ailleurs. Bonne question, était-ce la gauche ou la droite ? Hum. La jeune femme contempla un instant ses mains, avec en tête la célèbre et terrible maxime de son père « la main droite, c’est elle où tu as le pouce à gauche ». Frustrée, elle fronça les sourcils avant de se rejeter contre le moelleux dossier du non moins moelleux canapé en cuir qui occupait tout un mur du salon de son appartement, jetant un regard mauvais au bâton de tabac aux trois quarts consumés qui eut tout de même la bonne idée de s’éteindre rapidement et sans faire de trou dans le tapis. Au milieu, en plus. Ou un peu plus à droite. Non… à gauche. Où était son pouce ? Sans pouvoir s’en empêcher, Emy baissa à nouveau les yeux sur ses paumes ouvertes, l’esprit traversé par toutes sortes de questions existentielles. C’est à cet instant précis qu’une évidence s’imposa à elle : elle avait trop bu. Faisant la moue, elle arrêta ses prunelles rendues brillantes par l’alcool sur la bouteille de Rhum posée sur la table basse, à moitié vide. Non, plein ! Il fallait qu’elle pense pleine. Parce que vide était symbole de pessimisme, de pensées noires et autres sympathiques choses du même genre, or elle en avait assez. Assez de broyer du noir, justement. Elle contempla donc la bouteille à moitié vi… pleine d’un œil hagard avant d’hausser les épaules pour elle-même. Elle avait trop bu, c’était un fait. Mais il y avait longtemps alors… c’était aussi une révélation qui se fêtait, non ? Non ? Tant pis, elle n’était pas de cet avis. Aussi est-ce sans plus se poser de question qu’elle avala d’une traite la fin du seul verre posé à côté de la bouteille… entamée.

Un soupir satisfait au bout des lèvres elle laissa sa tête retomber en arrière et fixa son attention sur le lustre du plafond qui avait une sacrée tendance à tournée ce soir. Vers la gauche ! A moins que… non, la droite. Enfin, à tourner, quoi. Dans un sens, ou dans l’autre, elle s’en foutait finalement. Pourquoi avait-elle bu comme ça déjà ? Ah oui, pour ne pas – plus – déprimer. Parce que c’est bien connu, on avait beau avoir tous les amis du monde, parfois, aucun ne pourrait remplacer l’alcool. L’alcool et une bonne cigarette et… d’ailleurs, pourquoi n’était-elle pas entrain de fumer ? Baissant vivement la tête, elle tâtonna à ses côtés sur le sofa pour retrouver son paquet, un vertige l’empêchant d’y voir totalement clair. Enfin, ses mains rencontrèrent la précieuse petite boîte de Camel et c’est par automatisme qu’elle la porte à ses lèvres, laissant retomber sa tête dans sa position initiale. Elle disait donc – ou plutôt, pensait donc – pourquoi avait-elle… attendez, elle ne fumait toujours pas. Avec un éclat de rire rauque, elle loucha sur sa clope qui, coincée entre ses lèvres, attendait sagement d’être allumée. Nouveaux tâtonnement, nouvel objet… et c’est une fois seulement qu’elle eut trouvé son briquet et enflammé de bout de la fine tige blanche qu’elle put reprendre correctement le cours de ses pensées. … Et quelles pensées, déjà ? A nouveau, elle poussa un soupir. Définitivement trop bu. Mais tant pis, au moins avait-elle ainsi d’autres sujets de préoccupation qu’un bout de quais parisiens, un mur, cinq allemands et un jeune homme. Enfin… quand elle ne se mettait à pas y penser du moins. Or, il n’était pas question de commencer. Inspirant une grande bouffée de tabac, elle s’amusa à tenter de deviner des formes dans les volutes de fumée qui s’échappèrent de ses lèvres. Oooh… un lama. Ah non, un chameau. Sourcils froncés, elle se concentra… avant de constater avec désolation que le petit nuage blanc s’était déjà dissipé. Tant pis, lama ou chameau, la question resterait en suspens.

D’un geste qui trahissait l’habitude, elle tapota d’un coup sec sur la cigarette pour en faire tomber les cendres dans le petit truc en verre – une bougie à la base, non ? – auquel elle avait destiné ce rôle et la coinça à nouveau entre ses lèvres, jetant un nouveau regard autour d’elle. Le monde tournait, comme le lustre. Le monde entier, oui : son appartement, la ville qu’elle apercevait dehors et sans doute même le reste de… du monde. Prise d’une soudaine inspiration, elle se leva – se rattrapant évidement de justesse à l’accoudoir du sofa. Non seulement il tournait, mais il tanguait aussi. Lâchant l’accoudoir, elle fit un essai. Ah non, en fait, c’était elle qui tanguait. Alors si le monde tournait et qu’elle tanguait… ils n’allaient pas s’en sortir. Qu’ils fassent au moins la même chose, ça arrangerait tout le monde ! Et comme elle ne pouvait vraiment pas changer quoi que ce soit aux effets de cet excellent Rhum sur elle… le monde n’avait qu’à arrêter de tourner et se mettre à tanguer. Et dans le même sens, si possible ! De gauche à droite. Ou l’inverse. En fait, elle ne savait toujours pas. Une fois plus ou moins assurée sur ses pieds, elle se dirigea vers la radio qui égrenait quelques notes depuis bientôt deux heures, mais à un volume tellement bas qu’elle n’était pas certaine de les avoir entendu jusque là. Doucement, elle tourna le bouton et enfin, les premières notes d’une de ses chansons favorites emplirent le salon. A la voix de Damia se superposa bientôt la sienne, plutôt juste malgré la dose d’alcool qu’elle devait avoir dans le sang. En même temps, elle n’avait pas quelques années d’expérience avec son cher Rhum pour rien…
« Quand j’danse avec le grand frisé, il a une façon d’m’enlacer… »

Bien plus sûre de ses jambes que lorsqu’il s’agissait simplement de marcher, elle se laissa aller à quelques pas de danse qui s’interrompirent à l’instant même où, sous la plante de l’un de ses pieds nus, elle sentit… une brûlure. D’un bond, elle recula. Forcément, elle était au milieu du tapis. Et qu’y avait-il au milieu du tapis ? La clope à peine éteinte. Laissa une série de jurons couvrir un instant la voix de Damia, elle se pencha tant bien que mal et ramassa l’objet du crime pour le jeter vaguement sur la table. A côté de la bouteille, quelle précision… ou pas. Avait-elle visé le cendrier sur le canapé ? Hum, oui, hein. Loupé. Haussant un sourcil perplexe, elle porta la cigarette qu’elle avait en main à ses lèvres et reprit la chanson, s’abstenant de danser cette fois.
« … sa chose à lui, j’l’ai dans l’sang quoi… c’est mon chéri. Aussi je l’aimeuuh, je l’aime mon graaand frisééé ! »
Un sourire, suivit d’un éclat de rire étira ses lèvres. Elle adorait cette chanson. Laissant là le centre du tapis – centre gauche ou droite ? elle ne savait toujours pas – elle se dirigea vers la grande fenêtre qui ouvrait sur son balcon. D’un geste assuré – car si ses pensées ne tenaient pas toujours le choc, son corps lui, maîtrisait parfaitement l’alcool – elle ouvrit et laissa l’air de la soirée l’envelopper.
« Brrrrrr ! marmonna-t-elle, en constatant que non seulement il faisait froid, mais qu’en plus un souffle d’air avait éteint sa cigarette. »
Un instant, elle hésita devant la fenêtre, sentant la fraîcheur s’infiltrer dans tous ses vêtements. Si l’on pouvait parler de vêtements… Une chemise, trop grande, s’arrêtant en haut de ses cuisses, et ses bas à jarretelles qu’elle n’avait pas songé à retirer. Vaguement indécent, mais après tout, elle était chez elle, non ? Avisant le bout éteint de la Camel, elle se détourna de la vitre – toujours ouverte – et se concentra sur un nouvel objectif : son briquet.

Hum. Mais où l’avait-elle foutu ? D’un regard, elle embrassa la pièce. Table ? Non, juste la bouteille. D’ailleurs, elle allait en profiter pour se servir un verre, tiens. Joignant le geste à la pensée, elle remplit à nouveau le petit récipient en but une gorgée. Voilà qui allait l’aider. Alors, ce briquet ? Là ! Se penchant au dessus du sofa, elle ralluma la cigarette et en tira une autre bouffée. Verre en main et tabac aux lèvres… tout allait bien. Enfin, jusqu’à ce que soudain, quelques coups ne soient frappés à la porte. Elle resta un moment immobile, alors que la voix de Mistinguett remplaçait celle de Damia. Rah non, pas elle. Sourcils froncés elle envisagea d’aller couper la radio mais de nouveaux coups se firent entendre. Ah oui, la porte… Verre dans une main, cigarette dans l’autre, elle se dirigea vers l’entrée, sans même se demander qui pouvait avoir la sombre idée d’être venu la voir à une heure pareille. Coinçant la Camel dans sa bouche pour libérer une main – la droite, ça, elle en était sûre – elle appuya sur la poignée… ce qui n’eut pas le moindre effet. Elle appuya à nouveau. Rien toujours. Bon. Ça ne fonctionnait plus ? A moins que… un grognement sur les lèvres, elle tourna la clef. Quelle idiote. Enfin, elle parvint à ouvrir. Cheveux ébouriffés, tenue toujours aussi indécente et regard dans le flou, elle dévisagea le nouveau venu.
« ‘soir… marmonna-t-elle avant de se détourner. »
D’un pas vaguement titubant, elle reprit la direction du salon où la radio chantait toujours. L’avait-elle reconnu pour le laissa ainsi entrer. Elle ne saurait dire. Elle espérait simplement qu’il refermerait bien la porte derrière lui – sait-on jamais, avec les gens…
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MessageSujet: Re: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Jeu 21 Avr - 16:14

    « Le jour où je ne serai plus un enfant, je serai mort ! »

    La porte se claque, et il semblerait que j’ai disparu dans ma chambre, bien trop agacé par les paroles de ma génitrice. Et alors ? Je gagne ma vie, la sienne par ailleurs, et je suis loin d’être embêtant. Mais juste parce que j’ai ramené une jeune fille à la maison cette nuit, et que je ne l’ai pas conviée au petit déjeuné avec ma mère, la voilà qui s’emporte. Je ne vais quand même pas lui présenter une femme que je ne compte pas revoir ! Manquerait plus que ça ! Et qu’en plus je sois exposé à tout un tas de reproches. Si ma mère était encore capable de concevoir, je dirais qu’elle a ses règles. Les hormones lui jouent un peu trop de tours, depuis quelques jours. Il faudrait peut-être lui trouver quelqu’un pour lui changer les idées… Mais une fois encore, c’est moi qui serais accusé d’être un enfant… Ce que je ne nie pas être !

    Je soupire, alors que ma porte se referme dans un brouhaha sans précédents. Je décide de m’installer sur le piano, que je n’ai pas touché depuis… Depuis… Non, en fait, il serait mieux de ne pas y toucher, justement, histoire de ne pas faire remonter de vieux souvenirs qui n’ont rien à faire là. Ouais, c’est mieux ainsi, vous ne direz d’ailleurs pas la contraire. Bien, dans ce cas il me faut une occupation. Dessiner ? Non, mauvaise idée, ça risquerait de partir loin. Et si tu te rendais utile ? Sors, change-toi les idées… Et ramène le pain ! Ben voyons… Non, j’ai mieux !

    Je m’empare de cette même veste légère que j’ai revêtue le jour de Noël, et qui faillit me coûter une pneumonie. Quelques secondes plus tard, d’un claquement de langue, j’appelle Grin, qui doit probablement roupiller dans un recoin de la pièce. La petite rouquine a pris pour habitude de rester nichée ici, bien au chaud, puisque la seule fois où elle a osé sortir, ma mère a manqué de la tuer en la prenant pour un rat. C’est sûr qu’entre un écureuil et un rat la ressemblance est frappante… La bestiole ne tarde cependant pas à montrer le bout de son nez orangé, me fixant de ses grands yeux globuleux.

    « Ah, ben t’es là… Viens, on va se promener mon petit. »

    Comme si elle était capable de me comprendre, elle fait un bond du lit jusqu’au sol, pour venir, le long de ma jambe, grimper et se nicher sur mon épaule. Position parfaite, voilà de quoi draguer une bonne bande de jeunes filles. Et mettre ma mère encore plus en colère. Très bon plan, vraiment. Après une main experte passée dans ma chevelure un peu trop fournie à mon goût, je prends le chemin de l’entrée. Sauf qu’elle ne souhaite pas en finir là, la vieille bique. Je ne la regarde pas, et pousse déjà la porte pour sortir enfin.

    « Où est-ce que tu comptes aller, jeune homme ?
    -Dehors ! »

    Ca, c’est de la réponse… La porte claque une nouvelle fois. Le temps que je descende les escaliers en colimaçon, et me voilà sorti, en plein dans la rue qui est déjà bien animée. Nous sommes en fin d’après midi… Et tout le monde se hâte de rentrer avant que le couvre-feu ne soit mis en place. Mais après tout, n’est-ce pas typiquement Résistant d’aller à l’encontre des autres ? Le seul hic, c’est que je suis légèrement désarmé. Ben oui, ça t’apprendra à jouer les super héros ! Ca fait combien de temps que t’es sans armes pour te balader, hein ? Un certain temps déjà ! Alors ce serait bien d’y remédier pendant que les boutiques sont encore ouvertes… Et ça tombe bien, je pense savoir qui pourrait m’aider à me fournir en couteau. Pas besoin d’arme à feu, juste d’une lame bien affutée.

    La boutique se rapproche, et le temps m’est compté. C’est alors que la fameuse enseigne de l’artisan sculpteur Daniel Leconte m’apparaît. Je n’y ai jamais mis les pieds, mais on dit qu’il a de quoi satisfaire beaucoup de clients. Même les plus difficiles. Aussi, dit-on qu’il fabrique de somptueux couteaux, qu’il cache aux Boches pour ne les vendre qu’à des clients qui en feront bon usage. Et quel usage, pour ma part… La clochette sonne, j’ai à peine poussé la porte que l’homme, à la barbe déjà grisonnante, s’avance derrière son comptoir.

    « Que puis-je pour vous, monsieur ?
    -Bonsoir, je fais en vérifiant que personne ne m’écoute. Je suis à la recherche d’un… Couteau. »

    Il me dévisage un instant, comme pour m’analyser, et vérifier que je ne compte pas tuer quelqu’un ici. Je lui adresse un sourire presque amical, déposant mes deux mains à plat sur la surface boisée, et lui montre mes paumes, en signe de paix. Mais son regard ne s’y arrête pas, trop occupé à observer la petite bête rousse qui s’est agrippée à ma veste. Le silence se fait, mais je ne trouve pas cela utile de le briser. Après tout, il serait idiot de laisser filer ma seule chance d’avoir une arme parfaitement adaptée. Sans dire un mot de plus, le vieil artisan fait volte face, partant fouiner dans son arrière boutique. Il semblerait que mon sourire ait fonctionné. Lorsqu’il revient, il vérifie à son tour que personne n’est entré pendant son absence, puis dépose un caisson en bois devant moi. Après une courte hésitation, l’homme fait coulisser les deux fermoirs, pour laisser apparaître une rangée de couteaux –à peu près trente-, tous différents les uns des autres. Et à en juger par la petite mouche qui orne la lame, ce sont des Laguiole. Mes yeux s’emplissent d’émerveillement. J’ignorais qu’on pouvait en trouver ici.

    « Je pense avoir ce qu’il vous faut, jeune homme. Vous semblez plein d’ambition. »

    Je suis ses doigts qui caressent chaque manche en bois, comme si au toucher il était capable de repérer la pièce qu’il cherchait. D’ailleurs, je pense que c’est le cas. Si c’est bien lui le coutelier, il doit être capable de les reconnaître les yeux fermés. Sa main s’arrête alors sur une pièce, située presque au centre des autres couteaux.

    « Lame s’acier, 3 mm d’épaisseur au talon, 8 mm par plaquette… Le manche est en bois d’ébène, et de rose. 21.5 cm lorsqu’il est ouvert, 12 fermé. Il est très léger, et voyez ici… »

    Ses doigts parcourent la lame, puis le manche. Je ne le quitte pas des yeux, un peu trop absorbé par la contemplation de l’objet. C’est la première fois que je vois une telle finesse. Peut-être même que mon précédent Opinel n’avait rien de comparable à la précision du Laguiole. Je fixe enfin un endroit, dans le manche, où est poinçonnée la célèbre Croix du Berger. Ceci dit, malgré que l’objet soit incontestablement magnifique…

    « Je n’ai pas grand-chose à vous proposer pour une pièce pareille, je déclare froidement.
    -Les temps sont durs. Si vous en faites bon usage, je vous le laisse pour trois fois rien. »

    Tentant. Va pour ce couteau là. Cette merveille, si je puis dire. Et lorsque j’ai réglé au vieil homme ce que je lui dois, je me décide à sortir. Mais la nuit tombe, et si j’en juge les uniformes verts qui commencent à se balader, je pense que je ferais mieux de me dépêcher –ou du moins me rendre invisible si je compte errer après couvre-feu. Le couteau glissé dans ma poche, je me sens bien plus en sécurité. J’empreinte la première rue qui me vient, marchant alors à l’aveuglette, comme pour me persuader que je rentrerai vite à la maison. Manque de chance, il semblerait que mon instinct ait décidé de me tromper car…

    « Wer ist da? Wer? »
    (Qui est là ? Y’a quelqu’un ?)

    Zut. Je me retrouve face à face avec un Boche, qui doit être un peu aveugle, puisqu’il ne m’a pas encore vu. Tapi dans l’ombre, j’espère qu’il ne me remarquera pas. Je me colle contre le mur le plus proche, retenant ma respiration, des fois qu’il soit moins sourd qu’aveugle. Ses bottes me laissent penser qu’il s’approche, puisque ses pas se font de plus entendre. Et quand je suis à peu près sûr qu’il ne tardera pas à me voir… Je fais un bond magistral, le bousculant au passage. La surprise est telle que le soldat se retrouve sur les fesses. Et là, comme un lapin qui fuit sa proie, je détale. Et la seule idée qui me vienne, bien que loin d’être brillante, est de me réfugier dans le premier immeuble Haussmannien qui se présente à moi. Et ce n’est que lorsque j’y entre, complètement essoufflé, que je crois le reconnaître. Eh ben bravo, Nate, on croirait que tu l’as fais exprès… La ferme ! Trop tard de toute façon, vas voir s’il y a quelqu’un, et réfugie-toi là-bas, ou alors tu ne finiras pas la nuit vivant. Ouais…

    Je toque, trois coups fermes et distincts. J’espère qu’elle est là. Une certaine attente plus tard, le loquet coulisse, et la porte s’ouvre. Je distingue la silhouette bien trop familière de la petite Emy, bien qu’elle me paraisse étrangement ailleurs ce soir.

    « ‘soir. »

    L’inquiétude naît. Elle me laisse entrer. Sans faire d’histoires ! Pas de regard en mitraillette, et pas de paroles incendiaires… Ouah ! Et quelle démarche ! Serait-elle malade ? J’entre, sans dire mot, puis ferme soigneusement la porte avant de la suivre au centre de la pièce. Ca sent la cigarette, et… Le Rhum.

    « Un verre ne serait pas de refus, merci… »

    Ben quoi ?
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Emy Hale
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MessageSujet: Re: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Mar 26 Avr - 19:37

Se saouler seule ? Pitoyable, diraient certains. Emy elle-même, une heure plutôt, l’avait pensé en sortant la bouteille du buffet dans lequel elle était soigneusement dissimulée – qu’on ne la voit pas trop, les bons alcools se faisant plutôt rares ces derniers temps. Car il fallait rendre cette justice aux allemands : ils avaient bon goût. … Malheureusement. S’ils s’étaient seulement contentés des piquettes… Mais non, évidement. Ils avaient gagné la guerre, et du même coup, l’alcool aussi. Et le tabac. Et le café. Très important, le café. Au moins autant que le tabac. Et l’alcool. La vie quoi. Les boches leur piquaient la vie ! Rien que pour ça, tiens, elle serait bien rentrée dans la résistance. D’ailleurs oui, c’était peut-être ça la solution. D’un geste vif, Emy porta le Rhum à ses lèvres, mais s’arrêta nettement au milieu de son geste, soudain traversée par un éclair de lucidité – si l’on pouvait encore appeler ça de la lucidité. Verre à la main, cigarette coincée entre deux doigts, elle resta un instant plantée au milieu du salon, sourcils soudain froncés. C’était idiot. On ne devenait pas résistant pour quelques bouteilles, du café et du tabac – aussi capitales et essentielles ces trois choses soient-elles à sa survie dans ce monde hostile. Chacun ses armes, hein. D’ailleurs, pourrait-elle seulement être une résistante ? Pause, tout le monde, c’est l’heure de l’introspection. Elle était insolente et totalement inconsciente. Le mot discrétion ne lui était qu’une vague notion et elle avait un don inné pour se faire remarquer. Elle ne pouvait croiser un uniforme – noir, vert, bleu, jaune, rose comme vous voudrez – sans être prise de nausée ou d’une soudaine et irrépressible tendance à la provocation ou à la colère. Elle n’avait jamais tenu une arme et n’avait pas la moindre idée de comment fonctionnaient ces engins. Et puis surtout, elle avait encore de l’alcool, du tabac et même du café, si elle cherchait bien dans ses placards. D’ailleurs, même sans bien chercher : la boîte se trouvait précisément sur le coin droit… ou gauche de l’évier de la cuisine, juste à côté d’une tasse à moitié pleine… ou vide, le tout dans un équilibre précaire sur une assiette fêlée. Peut-être même y avait-il un verre avec… Et pourquoi pensait-elle à ça, déjà ? Pour la deuxième fois, la chose s’imposa à elle : elle avait vraiment et définitivement trop bu.

Jusque là debout et immobile, Emy se retourna, soudain rappelée à elle par la voix du jeune homme qu’elle venait de laisser entrer. Trop bu, oui, au point d’ouvrir sa porte à… à… n’importe qui. Un grand sourire étira néanmoins ses lèvres. Avait-elle bien entendu : « verre » ? Bien, elle ne serait plus seule à se saouler, très bien. Et même si lui ne se saoulait pas, d’ailleurs, elle aurait au moins quelqu’un avec qui débattre sur l’alignement exact du minuscule trou laissé par sa clope sur le tapis.
« Un verre, deux, quatre, dix si tu veux ! s’exclama-t-elle en tournant sur elle-même avant de se diriger vers le buffet. »
Jugeant qu’elle approchait une zone dangereuse – pleine de trucs fragiles, vous comprenez ? - elle vérifia qu’elle maîtrisait encore assez bien ses jambes – check –, qu’elle savait parfaitement ce qu’elle faisait – check –, qu’elle ne tanguait pas - no check - … trop du moins et alla s’agenouiller devant le meuble duquel elle extirpa le premier verre venu sans la moindre casse. Bravo. A nouveau debout, elle brandit le petit récipient, éclatant d’un rire claire, avant de se rendre compte qu’elle avait oublié le sien par terre. Une moue aux lèvres, elle se baissa à nouveau, posa sa cigarette, récupéra son verre, reprit sa cigarette, la coinça dans sa bouche et se dirigea enfin vers la table basse et le canapé sur lequel s’était installé le jeune homme.
« Tiens, fit-elle en lui tendant enfin son dû. J’ai du Rhum… et euuh… du Scotch ! A true one, sir ! Made in je sais plus où in England ! »
Oui, quand elle était ivre, elle parlait anglais. Ou russe. Quand les mots en français lui paraissaient trop… flous. Trop compliqués. Et tant pis pour les français bien français qui ne comprenaient rien d’autre que leur langue truffés d’irréguliers et autres absurdités du genre. Sa langue aussi, à Emy, me direz-vous. Mais pas dans ces moments là. Enfin pas toujours.

« Et… d’autres bouteilles aussi, lâcha-t-elle, pensive, en se laissant tomber à ses côté sur le sofa. »
D’un geste vague, elle désigna le meuble et avala d’une traite ce qui restait dans son verre. Ouuh. Il en restait beaucoup. Rapidement, elle inspira une nouvelle bouffée de tabac. Enfin, essaya, sans succès. Agacée, elle loucha un instant sur sa cigarette… éteinte. Tout en râlant dans sa barbe, elle se leva pour jeter un regard brillant et flou sur le sofa.
« T’aurais pas vu mon briquet ? demanda-t-elle. M’énerve à s’planquer tout l’temps çuilà… ronchonna-t-elle en se détourna aussitôt en direction d’une petite commode, à côté de la fenêtre – toujours ouverte. »
Vivement, elle en ouvrit l’un des tiroirs, sentant indistinctement le regard du jeune homme flotter sur elle. Inconsciemment, elle tira sur sa chemise, avec la soudaine et vague impression de ne pas être véritablement… habillée. Ce qui n’était pas qu’une impression, d’ailleurs. Chemise et bas jarretelles, on avait vu plus… habillé, justement. Ayant tiré un nouveau briquet du petit meuble, elle se retourna, alluma une énième fois sa cigarette, laissa l’objet sur le plateau de la commode, tira une bouffée de tabac et dévisagea à nouveau le jeune homme, installé sur le canapé. Jeune homme que, rappelons-le, elle avait laissé entrer sans même chercher à savoir de qui il s’agissait, simplement poussée par cette irrépressible sensation de le connaître parfaitement. Peut-être serait-il de temps de chercher plus loin, non ? Oui, hein. Sauf que soudain, la radio se mit à égrener quelques notes… qui attirèrent aussitôt l’attention captive et virevoltante d’Emy. Qui c’était déjà… ? Ah oui, Fréhel. En tout cas, Musette faisait partie des chansons qu’elle chantonnait à tout va, ivre comme totalement sobre. Eclatant de rire, elle se laissa aller à tournoyer doucement sur le tapis, chantonnant les premières notes, oubliant une fois de plus son invité surprise. Enfin, jusqu’à ce qu’une nouvelle – et élégante, il fallait au moins lui remettre ça, malgré son taux d’alcool sans doute indécent – volte ne la ramène face à lui, moment précis où elle lui adressa un grand sourire et un nouvel éclat de rire, chantant toujours.


« Musetteuh, brunetteuh… »
Oh, elle aurait volontiers continué. Si elle ne s’était pas soudain rendu compte du point auquel, soudain, le sol s’était mis à tanguer. Ou à tourner. Ou peut-être même les deux. Chancelante, elle jeta un regard mauvais au sol, sachant pertinemment ce qui allait arriver dans une, deux trois seconde. Et brusquement, elle tomba, se retrouvant assise au milieu-droite-centre-gauche du tapis, cigarette dans une main et l’autre levée dans le vide comme si elle avait voulu se raccrocher un quelque chose… d’inexistant. A nouveau, elle éclata de rire, achevant de se laisser tomber en arrière, allongée, ayant totalement oublié l’indécence de sa tenue… et ne pouvant s’empêcher de reprendre les paroles, entrecoupées de quelques éclats.
« Musette en riant dit : "T'es fou, moi me mettre la cor… et merdeuuh ! s’interrompit-elle. Au s’couuurs ! »
Oui, en effet… S’allonger, c’était bien. Se relever… c’est un autre défi. S’offrant une nouvelle bouffée de tabac et envoyant aléatoirement le mégot sur la table basse, elle tenta une nouvelle fois de se redresser, sans succès. Raaah. Pourquoi fallait-il que les choses s’amusent à danser la valse autour d’elle, aussi ? C’est à elle de danser, normalement. Etendue, donc, elle reprit vaguement le fil des paroles attendant… une intervention divine. Ou alors un coup de main, tout simplement. Et sinon tant pis, elle finirait la nuit ici en chantant, hein.
« Musetteuh, brunetteuh… »
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MessageSujet: Re: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Sam 4 Juin - 12:36

    « Un verre, deux, quatre, dix si tu veux ! »

    Décidemment, je la trouve un peu trop joyeuse pour être vraiment elle. Et maintenant qu’elle danse dans la pièce, dans des mouvements plus maladroits les uns que les autres, je peux aisément dire de quelle maladie elle est rongée. Elle a trop bu, et trop fumé. Mais après tout, ce ne sont pas mes affaires. Il est rare de pouvoir déguster un verre de Rhum, avec une Camel au bec, se consumant plus vite que jamais. Les Allemands, encore et toujours, nous les ont retirés, alors autant en profiter tant qu’il en reste ! Je l’observe, se relevant tant bien que mal avec les deux verres, dont un encore vide, et la clope coincée entre les lèvres. Et je réprimande un sourire qui ne veut pourtant pas s’effacer. Quand on ne tient pas l’alcool, il vaut mieux s’abstenir ! Surtout qu’elle m’a laissé rentrer comme si j’étais un ami, un vrai, en qui elle a confiance. Pas de chance, moi je suis Natanael Blondel, l’un de ses pires cauchemars. Enfin, pour sa cigarette que je ne m’empêcherai pas de lui voler quand l’occasion se présentera. Elle s’avance avec quelques difficultés, de façon à me tendre le verre vide pour que je le lui tienne. Mais je trouve cela amusant de ne pas tendre trop le bras, voir si elle est encore capable d’évaluer les distances.

    « Tiens, j’ai du Rhum… et euuh… du Scotch ! A true one, sir ! Made in je sais plus où in England ! Et… d’autres bouteilles aussi… »
    Evidemment, son franglais aussi hideux que drôle ne m’aide pas à garder mon sérieux. En même temps, Nate ne rime pas avec sérieux, je suis sauvé. Je m’empare du verre qu’elle a réussi à ne pas briser en me le tendant, puis la regarde s’effondrer sur le sofa. Elle termine son verre d’une traite, sous mes yeux effarés. Bordel, qu’on lui retire ce verre où elle va nous faire un coma éthylique ! Pour m’empêcher de le lui enlever, je me lève et vais à la recherche d’un alcool assez fort pour me faire passer l’envie d’être méchant. A vrai dire, aucun alcool ne peut l’empêcher… Mais j’aime bien donner de faux espoirs à mes lecteurs.

    « Du Rhum, c’est parfait. Ca t’évitera de te siroter la bouteille à toi toute seule. »
    Je dépose le verre sur la table basse, et m’empare de la bouteille à moitié vide. Ou à moitié pleine, ça marche aussi… J’en verse une bonne dose et referme soigneusement le récipient, en vissant tellement bien le bouchon qu’elle ne parviendra pas à l’ouvrir sir l’envie lui prend encore. Et hop, voilà de quoi bien l’agacer. Je la pousse vers le centre de la petite table, puis retourne m’asseoir à ses côtés sur le canapé en cuir. Après avoir levé mon verre au plafond, comme pour fêter mon énième succès dans ma difficile –mais néanmoins amusante- mission consistant à lui rendre la vie impossible. Nate, t’es un vrai crétin, tu sais ? Ah tiens, j’croyais que t’étais mort, toi.

    « T’aurais pas vu mon briquet ? M’énerve à s’planquer tout l’temps çuilà… »

    Je n’ose pas lui répondre avec cette réplique si… Pimentée, qui ne demande qu’à être crachée à la figure des autres. Non, elle risquerait de devenir méchante –elle est bourrée, les yeux doux ne fonctionneront peut-être pas pour le coup- et me sauter à la gorge. Graouh. Alors je me contente de porter mes lèvres au liquide doré contenu dans mon verre –bien rempli, j’avoue. Une fois qu’il est passé dans mon œsophage, je m’autorise à regarder ce qu’elle est en train de trifouiller dans ses tiroirs.

    « Roh, ce serait bien que tu fasses un peu attention à tes affaires ! T’aurais pu marcher dessus que… »

    J’aperçois l’objet de métal à deux centimètres de mon pied. Ou alors c’est moi, qui aurais pu marcher dessus. C’est que les briquets non plus ne courent pas les rues, de nos jours. On leur a coupé les pattes, les pauvres. Heu Nate ? Vas-y doucement sur le Rhum hein ? Ta gueule, il m’en, faut plus pour être bourré, moi. Je m’autorise à nouveau à la regarder, extirpant un nouveau briquet du tiroir qu’elle a mis sans dessus dessous. Je ramasse l’autre, et le glisse dans l’une de mes poches. Comme ça, si elle perd l’autre, je n’aurais plus qu’à espérer qu’elle n’en ait pas d’autres. Elle fume trop. Elle a toujours trop fumé. Et comment énerver un fumeur ? En préservant un peu sa santé !

    Et c’est alors que, chose totalement inattention –Mon cul !-, mon regard se laisse un peu emmener vers sa silhouette. Elle commence à danser, puis tournoyer au centre de la pièce. Après une énième gorgée de Rhum, je me rends enfin compte que… Woaw… Elle n’a pas froid comme ça ? Mes yeux sortent de leur orbite. Comment expliquer que je n’ai même pas remarqué sa tenue. Normalement, c’est le premier réflexe qui me vient. Peut-être que quand elles ne sont pas habillées, on les remarque moins ? Non, c’est contre nature, ça. Je me laisse tout de même la dévisager. De toute façon, elle n’y verra que du feu –surtout maintenant qu’elle tournoie maladroitement. Ca sent la gamelle dans l’air. Mais je ne la préviens pas. Je ne peux m’empêcher de détailler ses longues jambes, emprisonnées dans des bas transparents, reliés à sa lingerie. Lingerie recouverte par une chemise entrouverte en haut, un peu trop grande pour elle par ailleurs. Dans ses mouvement de tournoiement, sa longue chevelure noire, souple comme jamais, laisse dans l’air se propager un parfum. Un peu trop connu, un peu trop bon même. Et ses éclats de rire, dus à l’alcool bien sûr, ne font que conforter mon idée. Quoi, qu’elle est trop jeune ? Oui oui, t’as raison mon vieux, trop jeune pour toi ! Je secoue la tête, noyant donc cette idée dans le Rhum de mon verre, qui ne demande qu’à être bu.

    « Musetteuh, brunetteuh… »

    Rah les femmes… Et les chansons… Un sourire se dessine sur mes lèvres. Elle va tomber, d’ici, allez… Un, ses rires s’estompent. Deux, elle s’arrête de tourner aussi vite que quelques secondes plus tôt. Trois, son expression laisse deviner que ça tourne sévèrement. Et dans la seconde qui suit, elle s’étale sur le tapis qui orne le sol gelé. Sur les fesses, tout de même. Rien de bien grave. Et alors qu’elle s’allonge, il semblerait que ma conscience fasse tout pour que je détourne le regard de ses fines jambes, ou de son décolleté aisément identifiable derrière sa chemise blanche. Je manque de faire tomber le verre que je tiens en main, mais heureusement, mes réflexes n’ont pas été estompés par l’alcool. Je parviens à me rattraper de justesse, me levant pour camoufler la situation. Trop jeune, mon pote ! Trop jeune !

    « Musette en riant dit : "T'es fou, moi me mettre la cor… et merdeuuh ! Au s’couuurs ! »

    Je fronce les sourcils, déposant mon verre sur le bord du fauteuil, en priant pour que la furie n’y passe pas. Que se passe-t-il ? Je la dévisage-juste le visage, cette fois, hum-, puis comprend. Ben alors ! On peut plus se relever ? Je m’avance donc vers elle, m’accroupissant à ses côtés avec mon sourire terriblement amusé. Celui qu’elle a le plus souvent vu sur mes lèvres – si des fois elle s’est rendue compte que j’étais Nate, et pas quelqu’un d’autre…

    « Besoin d’aide, peut-être ? »

    Ce à quoi elle ne répond pas les paroles de la chanson dont je ne connais pas le nom. Moi et les chansons populaires, vous savez… Tant pis pour elle. Je me relève vivement, histoire de retrouver son paquet de cigarettes. Ahah, après tout, elle ne pourra pas me sauter dessus pour me griffer, ou toute autre tentative de défense typiquement féminine. Non, elle est condamnée à décuver tranquillement sur le tapis. Et dans cette tenue, qui… Non, pas besoin de la qualifier. Trop jeune ! Je soupire. Les effets de l’alcool commençant à me monter un peu à la tête, je retire ma veste, la jetant sur l’autre accoudoir du sofa. Bientôt, je me retrouve paquet de Camel en main, extirpant un des bâtons pour le glisser entre mes lèvres.

    « Il faudra que tu me donnes le nom de ton fournisseur, Emy. Ca fait bien trois mois qu’on en trouve plus du tout. »
    Je l’allume avec le briquet fraichement ramassé puis, habillement, retourne m’asseoir à ses côtés. La cigarette commence déjà à se consumer alors que j’ingère son contenu toxique –mais incroyablement relaxant. Voyant ses deux prunelles s’éclairer, je lui souris. Je la lui tends, et alors qu’elle s’apprête à l’attraper, je la retirer, et tire une nouvelle fois dessus.

    « Tu en veux ? Il va falloir venir la chercher toute seule, jeune fille ! »

    Une brise légère vient effleurer ma peau, me décrochant un soupire. C’est moi où la pièce est en plein courant d’air ? Je tourne la tête, observant la fenêtre ouverte en grand. Ben voyons, dans une tenue pareille en plus de ça… Je me relève, ayant pitié d’elle au passage. Je lui laisse la cigarette après l’avoir aidée à se remettre sur les fesses. Je ne reviens que lorsque je me suis assuré que la fenêtre était bien fermée. Et à nouveau, je me pose à ses côtés. Je récupère la cigarette entre ses lèvres, sans trop lui laisser le choix. Bientôt, ma main s’empare de son menton, pour qu’elle vienne poser ses yeux dans les miens. Elle ne m’a pas encore reconnu, on dirait.

    « Il est grand temps d’arrêter les bêtises, maintenant. Consignée, tu ne bouges pas d’ici, nah ! »
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Emy Hale
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La chance ne sourit pas à ceux qui lui font la gueule.



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MessageSujet: Re: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Sam 11 Juin - 17:15

C’était un fait avéré, et ce depuis des années : Emy tenait très bien l’alcool. Et même particulièrement le rhum – ce qui n’était pas plus mal, vu la consommation qu’elle en avait toujours fait. C’est dire, donc, à quel point elle en avait pu en boire ce soir… Ni plus ni moins que la moitié de la bouteille, pour être honnête. Rares étaient les fois où elle se laissait aller comme ça – fois dont elle ne tirait d’ailleurs pas que de bon souvenirs, soit dit en passant. Rares, parce qu’elle savait jusqu’où aller. Depuis le temps, elle connaissait ses limites – l’alcool, c’est un truc qui se travaille, attendez ! Elle aurait très bien pu s’arrêter à temps, ce soir mais, en plus du fait que le monde aurait été beaucoup moins drôle pendant ces quelques heures d’ivresse, elle n’avait pu dire non à une vague échappatoire. Parce que si elle remontait la pente, à son rythme, les chutes restaient douloureuses – et dangereuses. Alors pour ne pas retomber un peu plus bas, elle avait sciemment choisi de gagner ce monde flou qu’elle connaissait si bien. Un monde où la droite et la gauche n’existait plus, où les briquets se faisaient la malle et où les beaux bruns aux yeux bleus qui frappaient à la porte à une heure où plus personne ne devrait pouvoir sortir ne lui rappelaient pas une certaine personne que, sobre, elle n’aurait pas été certaine de vouloir voir ce soir. Sympa, comme monde, non ? Toujours surprenant plus. Parce qu’aujourd’hui, c’était les briquets qui se planquaient, mais parfois c’était les cigarettes qui jouaient à cache-cache – et ça, c’était beaucoup moins drôle, sur le moment – quand ça n’étaient pas les bouteilles qui décidaient de disparaître mystérieusement au détour d’un verre de trop. C’est fou ce que ça peut être vivant, une bouteille… qu’elle soit à moitié vide ou à moitié pleine, d’ailleurs.

Vivant, oui, mais jamais au bon moment. Parce que là, allongée sur son tapis à attendre que le lustre de son appartement daigne tendre la main pour l’aider à se relever, Emy aurait volontiers bu, encore. Alors si madame la bouteille de rhum pouvait bouger son contenu et se pointer immédiatement auprès d’elle, en embarquant un truc en verre au passage, le geste serait réellement apprécié. Sauf qu’évidement, Emy eut beau chanter tout ce qu’elle pouvait, aucune formule magique ne fit soudain apparaître ce qu’elle voulait à ses côté. En revanche… oui, c’est bien un visage qui se pencha sur elle. Oh l’invité mystère de la soirée ! Et dire qu’elle avait demandé une intervention divine, à la base… alors c’était lui, Dieu ? Ah bah, sacrée dégaine le vieillard, en fait. Et elle qui croyait qu’il était pur… c’était un pas un verre de rhum qu’il s’était servi lui aussi, hein ?! Ah là là… comme quoi, même dans les églises – qu’elle ne fréquentait plus depuis de très, très nombreuses années – on ne nous dit pas tout ! A moins que ça ne fasse trop longtemps et qu’elle ait loupé le changement subtil du mec chiant et droit en fêtard de première et commanditaire d’orgies avec les dieux grecs ? A vérifier, dites donc. Ça pourrait être drôle, la religion, comme ça… Notant la chose dans un coin obscure de sa tête – et certainement aussi éphémère que son ivresse – elle reprit une fois encore les paroles du refrain de Musette, oubliant que le jeune homme réincarné en Dieu venait de lui demander si elle avait besoin d’aide. Ce qui était le cas, à la base. Mais finalement, on n’était pas si mal, là, sur le tapis. Non ? Attendez, de quoi philosopher, un arrière goût d’alcool sur la langue et toute une nuit pour continuer… que demander de plus ? Une clope peut-être… oui, ça serait bien ça, une clope. D’ailleurs, puisqu’il était là, l’invité mystère…

« Diiiiis… »
Eeeeh… ah bah, non, plus là en fait. Fronçant les sourcils, Emy réalisa avec un temps de retard – voire deux – que le jeune homme n’était plus penché au-dessus d’elle. Une moue aux lèvres, elle tourna la tête, pour finalement apercevoir ses jambes de l’autre côté de la table basse. Parfait, il allait pouvoir ramener la bouteille, le briquet, et les cigarettes. Quand je vous dis que c’est Dieu cet homme ! La belle reposa donc ses prunelles sur le lustre qui continuait à valser dans tous les sens possibles et imaginables, reprenant pour elle-même et là où elles en étaient les paroles de la chanson de Fréhel, jusqu’à ce que Dieu, donc, ne la coupe dans son élan.
« Il faudra que tu me donnes le nom de ton fournisseur, Emy. Ca fait bien trois mois qu’on en trouve plus du tout. »
On trouve plus de quoi ? Tant bien que mal – plutôt mal, d’ailleurs – elle redressa un peu la tête pour voir de quoi il parlait. Vaguement, elle entrevit… une de ses Camel ! Eh oh, c’est mes clopes ça ! Hum, et puis si c’était vraiment Dieu, il n’aurait pas besoin d’un fournisseur en plus ! Raaah, ces hommes qui veulent à tout prix vous faire croire qu’ils sont plus que ce qu’ils sont et qui vous déçoivent à la fin… Un rire au bout des lèvres, Emy le suivit des yeux alors qu’il se rapprochait.
« Alors là… tu rêves ! annonça-t-elle avec un grand sourire, alors que ses prunelles s’éclairaient à la vue de la cigarette. »
Est-ce à cause de cette réponse qu’il lui retira le bâton de tabac alors qu’elle s’apprêtait à l’attraper – toujours allongée sur son tapis ? Peut-être. Toujours est-il que, saisie d’un faux espoir, Emy lui adressa une moue boudeuse au possible alors qu’il tirait une nouvelle bouffée de fumée sur la Camel dont le bout se consumait dangereusement.

« Tu en veux ? Il va falloir venir la chercher toute seule, jeune fille ! »
Chouette, un défi ! Concentrée, après avoir laissé échapper un éclat de rire, elle leva la main en direction de la clope que, à cette distance, elle voyait... double à l’instant même où il tourna la tête. Sentant le bout lui frôler de près les doigts, elle les retira aussitôt, marmonnant un juron dans sa barbe. Eh franchement, ma clope quoi… Elle allait crier à la torture ou à non assistance à personne en danger lorsqu’elle vit le jeune homme se relever et l’abandonner là à son triste sort, mais n’eut pas le temps de trouver les mots qu’elle voulait en autre chose qu’en russe avant qu’il ne lui tende les mains pour la relever à son tour. Un vertige plus tard, elle était à nouveau assise… une cigarette entre les doigts en prime ! Ravie, elle la porta à ses lèvres en suivant celui qui finalement n’était pas Dieu des yeux en direction de la fenêtre grande ouverte. Ah, c’était ça le courant d’air. Dépitée, elle jeta un regard sur ses jambes encore couverte de ses bas puis sur le haut de sa chemise au décolleté devenu indécent dans ses différents essais de mouvement. Vaguement, elle tira dessus, constatant, blasée, qu’il retombait aussitôt. Rapidement, donc, elle oublia ce détail pour se concentrer sur sa cigarette et sur le beau brun qui revenait vers elle. Beau, il fallait l’avouer. En plus de cette drôle d’impression qu’elle avait, mais qu’elle n’avait absolument pas cherché à comprendre. Clope coincée entre les lèvres, elle l’observa s’asseoir… et la lui subtiliser dans la moindre subtilité – ouh, que c’est bien dit !
« Eeeeeeh ! protesta-t-elle, coupée dans une éventuelle tentative d’en dire plus par la façon dont il lui pris le menton.
- Il est grand temps d’arrêter les bêtises, maintenant. Consignée, tu ne bouges pas d’ici, nah ! »

Un instant, Emy fronça les sourcils, le temps simplement de comprendre ce qu’il lui racontait. Et puis, furtif, un sourire équivoque effleura ses lèvres, prunelles plantées dans celle du jeune homme. Punie ? Bien sûr… Doucement, elle posa une main sur son poignet, pour qu’il arrête de lui tenir le menton – bah ouais, ça l’empêchait de parler – et s’approcha dangereusement, parvenant sans mal – victoire – à se mettre à genoux face à lui. Mais, toujours souriante, et de la façon la plus mutine possible, elle ne s’arrêta pas, s’approchant encore et encore avant de reprendre la parole ?
« Consignée ? Huuum… J’suis certaine que y’a moyen de s’arranger… susurra-t-elle en avançant encore, jusqu’à le pousser à partir en arrière à son tour. »
Combien de temps y avait-il qu’elle n’avait pas fait des choses pareilles ? Longtemps. Et autant vous dire qu’elle ne réalisait pas totalement, renouant simplement avec une vieille habitude. Emy et les hommes, une longue histoire après tout… Ignorant totalement le fait que sa chemise soit bien trop grande pour rester discrète sur ce qu’elle était sensée cachée, elle s’approcha encore un peu avant de s’arrêter, avec cette même moue, toujours, aux lèvres. Incapable de rester sérieuse plus longtemps, elle éclata de rire.
« Alors, qui c’est qui bouge plus, hein ? claironna-t-elle, sans toutefois changer de position, qu’un œil non averti aurait pu trouver très subversive. »
Dieu qu’elle était idiote quand elle était ivre.
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MessageSujet: Re: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Dim 3 Juil - 21:58

    « Alors là… tu rêves ! »
    Ben quoi ? On n’a jamais tué personne pour avoir été trop curieux. Ah ? Si ? Oh, oui, c’est vrai, c’est un peu le fondement de notre société, j’avais laissé le détail de côté ahah. Ici, un homme meurt d’envie d’une cigarette, d’un café bien noir et de tout le chocolat qu’il n’a pas mangé depuis des mois. Et cette charmante jeune fille n’a pas la moindre idée de ce qu’est la misère ! Non, je déconne. Si j’avais ne serait-ce que de quoi nous nourrir, ma mère et moi, ce serait déjà bien. Mais si pour avoir de quoi manger, il faut vendre son âme au diable, je préfère rester du côté des anges et mourir libre. Même si pour ça il faudra que je devienne un squelette et que je sacrifie ma vie pour en sauver d’autres. La mort après tout, c’est naturel. Et j’aime mieux mourir de faim que de me savoir exploité jusqu’au bout par les nazis. Et alors que je refuse une première fois de lui tendre ma cigarette, elle proteste. Chacun son tour ! Sa main se pose sur mon poignet, tentant en vain de retirer mes doigts qui maintiennent son menton. Non, toujours pas reconnu ? Bon, après tout c’est pas bien grave, autant en profiter !

    Mais, me sortant de ma réflexion au sujet de notre pauvreté à tous, sa main vient de poser sur mon poignet, dans l’espoir que ce dernier lui laisse plus de répit, et que mes doigts libèrent son menton. Chose qu’évidemment, il ne se produira pas. Enfin, presque. C’est-à-dire qu’il est difficile de ne pas obéir à une femme –ou du moins faire semblant- qui se met à genoux devant vous, dans une tenue aussi découverte. Et d’autant plus que son décolleté un peu trop généreux pour mes pauvres petits yeux, se rapproche dangereusement. C’est drôle comme dans ces moments-là on peut oublier ses principes. Elle est jeune, certes, mais je ne peux m’empêcher d’apprécier ses courbes gracieuses, enfermées dans un corset, et des bas encore plus alléchants… C’est mal, je sais, de la contempler. Mais après tout, c’est elle qui s’avance, qui entreprend le jeu de la séduction. Pour une fois… Et aussi drôle que cela puisse paraître, je me sens capable de la suivre, et exceptionnellement de me laisser faire. Quant à ma conscience… C’est une autre histoire. Je l’entends déjà hurler. Si elle avait été dotée de mains, elle m’aurait probablement tiré les oreilles pour me rappeler à l’ordre. Mais je m’en fiche. Une femme, peu importe son âge, reste une femme. Si je n’ai pas le droit de la toucher, je peux toujours la regarder. C’est naturel, non ? Bien qu’actuellement, la nature ne soit pas une bonne justification pour vivre. L’exemple des juifs en est une bonne illustration.

    « Consignée ? Huuum… J’suis certaine que y’a moyen de s’arranger… »

    Oui, il y a toujours moyen de s’arranger. Cette fois, réellement déstabilisé, je me vois contraint de partir en arrière pour éviter que mon visage ne touche de trop près ses formes. Mais pourtant, la jeune femme continue de s’avancer, comme si elle n’était pas déjà assez exposée à mon regard. Si j’avais été capable de ressentir de la gêne, probablement aurais-je eu les joues teintées de rose. Mais je reste de marbre, comme toujours. Mes yeux, eux, ne peuvent n’empêcher de détailler chaque centimètre de sa peau, ni de découvrir de nouveaux endroits qu’ils ne connaissaient pas encore. Je laisse ma conscience hurler, trop occuper pour y prêter vraiment attention. Après tout, ce n’est qu’une voix sans mains, n’est-ce pas ? Mes lèvres se pincent, alors que je redeviens bercé par mes instincts. C’est mal de dévorer une personne des yeux avec aussi peu de retenue. C’est mal de dévisager une jeune fille alors qu’on s’interdit de la toucher. En même temps, c’est mal de provoquer un homme qui n’a pas touché une femme depuis… Non, en fait je n’ose pas compter. La solitude m’a déjà bien vidé la tête, et saccagé le moral ces derniers temps. Alors si c’est elle qui me cherche, je ne vois pas ce que je fais à me sermonner. Je ne fais que subir, n’est-ce pas ?

    La solitude est pesante depuis qu’Elsa m’a contraint à quitter mon foyer. Pesante depuis que je me dois de vivre dans une pièce à peine plus grande qu’un placard à balais, tout cela parce qu’il ne faut pas attirer l’attention. Un clochard est plus discret qu’un gamin aisé coureur de jupons. Ce dernier trouve facilement les informations auprès de ses conquêtes. Alors qu’Honorine m’a proposé de m’héberger, il a fallut que je refuse. Mais refuser à contrecœur, pour vivre dans la minuscule pièce. Sans oublier la sensation de lâcheté qui me tiraille le cœur. Comment vivra ma mère, sans mon salaire, et mon aide ? Sera-t-elle capable d’assumer la solitude comme moi je le fais ? Parce qu’être interdit de fréquenter des femmes et sa propre famille est supportable lorsqu’on sait qu’à tout moment, tout pourrait basculer. D’un côté, je suis rassuré de couper les ponts avec ma mère, qui pourrait souffrir plus profondément si je mourrais en habitant encore sous son toit. Mais quand on vit uniquement pour quelqu’un, comme ma mère le faisait avec moi, alors l’histoire est différente. Mes dernières paroles résonnent encore dans ma tête. Je ne fais pas ça pour te faire du mal, tu le sais. Je le fais par amour pour toi, maman. Et depuis, plus rien. Tout cela à cause d’une mission qui aurait pu basculer au drame. Et maintenant que je n’ai plus que la Résistance, et la Brigade plus particulièrement, ma soif de vengeance s’est intensifiée. Et ma soif de compagnie aussi, pendant qu’on y est… Compagnie plutôt agréable ce soir, ce qui est un fait rarissime.

    « Alors, qui c’est qui bouge plus, hein ? »

    Je bats des paupières pour revenir à la réalité. Brusquement, je replonge mon regard dans ce qui ressemble à… Non, je ne dirais rien. Rien d’autre que le fait que ce soit drôlement beau. Ma main n’ayant toujours pas lâché son visage, décide de s’en aller brusquement, comme si une seconde de plus pouvait tout changer. Ce qui est à peu près la vérité, finalement. Mes bras se retrouvent derrière moi, soutenant mon corps qui n’est qu’à quelques minuscules centimètres du siens. Et je ne cesse de la dévisager. Elle a changé depuis le temps qu’on se connait. Beaucoup… Mais elle reste trop jeune pour toi, crétin. Maintenant, pousse-là. Mais je ne peux pas. Je me perds un vague instant dans ses yeux. Deux prunelles émeraude qui me mettent au défi. Mais elle est encore trop saoule pour se rendre compte de ce qu’elle est en train de faire. A moi, qui plus est.

    « Tu es… »

    Je pourrais dire des tas de choses, là, envouté par ses prunelles ardentes, qui ne demandent qu’à être adulées. Mais la solitude de tant de jours m’aveugle, et j’en ai bien conscience. Il faudrait un peu se tenir, surtout face à une jeune fille que je connais depuis des lustres, et que je ne risque pas de voir plus dénudée que cela. Mais il est vrai qu’elle l’est. Je veux dire… Qu’elle a ce certain petit truc qui fait que les hommes la veulent. Elle sait jouer de ses atouts, et cela ne fait aucun doute. Sauf qu’il m’est impossible de succomber à ça, justement. C’est comme éprouver du désir pour la seule personne qui soit capable de vous renvoyer à votre place. Oui voilà, c’est ça. Elle ne serait plus aussi efficace, et deviendrait trop facile à manipuler. Et puis, trop enfant encore. Cependant… Le silence de plomb de la pièce, que je laisse volontairement s’installer, ne me fait pas reprendre mes esprits totalement. Mais assez pour que je dépose mes mains sur ses hanches -non sans profiter de la chaleur de sa peau que je sens au travers du tissu- pour la repousser. Assez tout de même pour laisser échapper un mot. Un unique mot que je n’aurais jamais voulu prononcer pour la décrire. Jamais.

    « …Belle. »

    Une fois encore, ma gêne intérieure ne déteint pas sur mes traits. Je reste totalement détaché de la situation, même si en moi je bouillonne d’avoir laissé échappé quelques pensées de trop. Je ne cherche pas à détailler son expression, préférant lui faire croire que je n’ai rien dis, et qu’elle a halluciné. Après tout, elle est tellement mal qu’elle pourrait le croire. Je me relève, brusquement, puis me met à marcher dans la pièce, à grands pas lents et posés pour retrouver mon calme. Je n’ai pas dis ça, elle n’a pas pu l’entendre, voyons. Oui, c’est ça.

    « J’ai besoin que tu me rendes un service, Emy. »

    Voilà de quoi aborder le réel sujet de ma visite. Mais aussi de quoi détourner son attention de mon compliment un peu trop impulsif. Aussi vrai soit-il…
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MessageSujet: Re: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Ven 8 Juil - 18:09

Sans doute demain matin, lorsqu’elle se réveillerait avec une gueule de bois carabinée et des souvenirs confus de la soirée qu’elle avait passé, aurait-elle une nouvelle fois – parce ça n’était certainement pas la première fois qu’elle se saoulait un peu trop – l’occasion de comprendre les gens qui craignaient de perde le contrôle – et donc, de se saouler, bien souvent. Cette fois-ci plus encore que les précédentes, car une chose était certaine, si elle avait été ne serait-ce qu’un peu moins ivre, jamais elle ne se serait comportée comme elle le faisait avec le jeune homme. D’abord parce qu’elle aurait rapidement mis un nom sur son visage et qu’il était justement la personne avec laquelle elle ne pouvait pas agir comme ça, et ensuite parce que, si ça n’avait pas été lui, et donc s’il n’y avait pas eu au moins une personne assez raisonnable pour savoir où arrêter les choses, elle se serait rapidement rendue compte de l’erreur qu’elle faisait en empruntant les chemins de la séduction. Si elle était dans cet état ce soir, ça n’était pas par pure et simple envie de se saouler jusqu’à en perdre la notion de droite et gauche, de voir le lustre et tout le reste de l’appartement tourner et de se poser des questions sur la présence ou non d’un dieu auquel elle ne croyait pas à ses côté. Si tout allait bien, ce soir, elle n’aurait certainement pas foncé tête baissée dans la même échappatoire que celle qui lui avait tant de fois évité de trop sombres pensées à la mort de Natasha. L’alcool était pour Emy une vieille amie, souveraine doctoresse dans l’art de repousser les souvenirs le temps d’une soirée quand rien d’autre ne fonctionnait. Sans doute n’était-ce d’ailleurs pas la première fois que l’invité mystère du jour, qu’il lui faudrait bien finir par reconnaître, la voyait dans cet état, lui qui avait également tout vu de ce qui s’était passé avec la sœur de la jeune femme. Finalement, c’était un fait : Nate savait tout des évènements les plus sombres de la vie d’Emy, y compris le dernier en date. Raison pour laquelle, si elle avait pris le temps de secouer ses neurones endormi par le rhum, elle n’aurait jamais tenté de « s’arranger » comme elle était entrain de le faire.

Mais c’était un détail qu’elle ignorait, et là tout de suite, elle s’amusait. Bien plus qu’elle ne l’aurait fait si elle était restée seule pour vider sa bouteille, d’ailleurs. C’est bien connu, boire c’est sympa, mais boire en groupe, c’est mieux. Après, c’est plus facile de comparer le sens de rotation du lustre, et aussi le placement exact du minuscule trou créé par une cigarette mal éteinte dans le tapis. Centre-droite ou milieu-gauche alors ? Tiens, peut-être qu’elle pourrait le lui demander, à l’invité mystère. Vu qu’il avait moins bu, peut-être qu’il pourrait trancher la question, qu’elle passe enfin à autre chose. Mais évidement, ça aussi Emy l’avait oublié en se penchant sur lui, de la façon la plus indécente possible, et ce le plus inconsciemment du monde. Comme s’il pouvait la consigner sur son propre tapis, non mais je rêve ! Après lui avoir piqué sa clope en plus… Décidément, mais où va le monde ? Là, elle réclamait vengeance ! Non mais oh. Vengeance bien peu douloureuse, d’ailleurs, mais à part le coincer là, elle n’était pas vraiment en état de faire quoi que ce soit – voyez-vous ? Et puis d’ailleurs, ne dit-on pas que la vengeance est un plat qui se mange froid ? Bah cette fois, il serait glacial, voilà – si seulement elle s’en souvenait d’ici une dizaine d’heures, lorsqu’elle aurait dormi et récupérer un minimum de ses esprits. Ce qui, à la réflexion, n’arriverait d’ailleurs sans doute qu’après une quinzaine d’heures et avec quelques trous de mémoire à la clé. A cette pensée, une moue étira ses lèvres. Pour la troisième fois de la soirée, elle s’en fit la remarque intérieure, elle avait beaucoup trop bu. D’ailleurs, si elle voulait limiter la migraine, elle ferait peut-être bien d’aller se coucher… mais après tout, foutu pour foutu, autant aller jusqu’au bout. Mieux vaut vivre de remords que de regrets comme disait… comme disait elle ne savait plus qui, mais en tout cas, il le disait. Ou elle, d’ailleurs. Pourquoi est-ce que les phrases intelligentes comme ça sortiraient toujours de la bouche d’un homme ? Parce que franchement, niveau neurones et subtilité, la preuve en avait assez été donnée. Les hommes sont moins bons.

Et ce soir encore, il n’était pas très subtile, le beau brun, à l’observer comme ça. Mais comme elle était bien loin de pouvoir prendre ombrage de quoi que ce soit, elle se contenta de laisser un sourire victorieux étirer ses lèvres. Ça n’était pas tout à fait ce qu’elle avait prévu, mais au moins, elle avait gagné. Ne restait plus qu’à récupérer un paquet de cigarettes… et là, la victoire serait complètement complète – c’est un pléonasme, et alors ? Alors qu’il tenait toujours vaguement son menton, le jeune homme retira sa main et dû se servir de ses deux bras pour se soutenir. Emy, elle, avait retrouvé un équilibre tout à fait honorable et n’avait absolument aucun mal à tenir dans la position qu’elle avait adopté, ce qui, en soit, était un petit exploit. Mais quand je vous dis qu’Emy et l’alcool sont de vieilles amies, c’est qu’elles ne le sont pas à moitié voyons… Et pour qu’une amitié soit sincère, il faut apprendre à s’apprivoiser, à se faire confiance et à savoir donner en retour. Elle, elle disait et pensait de belles conneries sous l’effet du rhum qui lui, la laissait tranquille dans tout ce qui était essentiel comme marcher, ou tenir debout. Sauf quand elle se mettait à danser évidement, mais ça, c’était encore une autre histoire. Sans vraiment y prendre garde, la belle avait planté son regard dans celui du jeune homme. Sans doute aurait-elle pu le reconnaître maintenant si elle avait cherché à connaître la couleur de ses yeux mais la vision un peu troublée, elle se contenta de le fixer en silence, en attendant qu’il ouvre la bouche pour reconnaître sa défaite.
« Tu es… commença-t-il. »
A nouveau, un sourire étira les lèvres d’Emy. Elle était quoi, alors ? Très forte ? Imbattable ? Sa maîtresse ? Beaucoup de possibilités à vrai dire, et pas une seule fois elle ne pensa à ce qui allait réellement être dit. A vrai dire, si elle n’avait pas encore mis de nom sur son visage, sans doute son inconscient avait-il déjà sa petite idée sur la question – raison pour laquelle beaucoup de choses lui semblèrent impossible à imaginer.
« … belle. »
Dont celle-ci, par exemple. Alors qu’il avait posé ses mains sur les hanches de la jeune femme, celle-ci arqua un sourcil en le dévisageant. Elle était… belle ? Mais eeh, elle avait gagné surtout ! Non mais oh. Enfin, c’était déjà pas mal comme compliment. Elle pouvait être belle, et avoir gagné. Oui, en fait, elle prenait. Et tandis que cette réflexion totalement confuse et embuée d’alcool la menait à cette conclusion, l’homme en question la poussa doucement en arrière avant de se redresser.

Assise sur le tapis, Emy l’observa un instant tourner en rond dans la pièce, visiblement contrarié. Parce qu’il lui avait dit qu’elle était belle. Oh, rien de grave. Même s’il ne trouvait pas les mots, elle se contenterait de celui-ci… Oubliant un instant la voix qui lui susurrait qu’elle se prenait vraiment pour n’importe quoi quand elle était ivre, elle entreprit de se lever à son tour. S’aidant de la table, elle plissa les yeux, concentrée. D’abord, s’appuyer sur le plateau. Ensuite, plier correctement ses jambes. Puis pousser un peu avec son bras. Et enfin faire en sorte de tenir debout. Bon, allons-y. Etape une… okay. Etape deux… check. Etape trois…
« J’ai besoin que tu me rendes un service, Emy. »
… bon aussi. Etape quatre… validée. Ce n’est qu’une fois qu’elle se fut redressée, tenant comme par merveille sur ses deux pieds qu’elle se tourna vers lui, sourcils froncés.
« Ah, je me disais bien que le compliment était pas gratuit, railla-t-elle avant d’éclater de rire. »
En fait non, elle ne se disait rien, mais quitte à sortir connerie sur connerie… autant continuer, elle était sur la bonne voie. Titubant légèrement, elle alla s’affaler sur le canapé, qui était quand même beaucoup plus confortable. Là, elle trouva rapidement son paquet bientôt vide, et sortit rapidement la cigarette dont elle rêvait quelques instants plus tôt. La coinçant entre ses lèvres, elle leva à nouveau la tête vers son invité mystère.
« Tout ce que tu veux… si tu me trouve un briquet, lança-t-elle en souriant de toutes ses dents dans une expression sans doute hautement comique. »
De toute façon demain, elle ne s’en souviendrait pas… enfin, pensait-elle.
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MessageSujet: Re: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Sam 16 Juil - 16:39

    Je reprends mes esprits assez rapidement, comme à mon habitude. En fait, il suffit de prendre une bonne bouffée d’air, et de penser à autre chose. Ma mère me disait souvent que rester focalisé sur quelque chose ne pouvait pas aider à avancer. Je soupire, les yeux rivés sur mon propre sort. Que vais-je devenir ? Je n’en ai pas la moindre idée. J’ai pourtant la chance de pouvoir vivre bien grâce à Honorine et mon salaire un peu plus élevé que celui d’un vulgaire libraire. Et puis, même si elle me prend le moral et me donne la solitude, je peux mieux vivre avec mes actions dans la Resistance. J’ai quitté notre appartement plutôt douillet du Quartier Latin et me suis installé dans le Quartier du Marais. J’aurais pu choisir un endroit moins dangereux –j’y ai découvert une importante communauté juive clandestine- mais il me fallait rester proche de ma mère. Au cas où, vous voyez ? Ma logeuse, une petite vieille aigrie, m’a réservé une petite chambre aménagée au sous-sol, bien éclairée et avec tous les essentiels à la vie. Et plus besoin de me cacher pour travailler sur mes traductions. Le seul inconvénient au garage, c’est ma difficulté à capter Radio Londres… Je suis donc souvent obligé d’aller discrètement écouter à la porte de la Grand-Mère, au cas où quelque chose soit intéressant…

    « Ah, je me disais bien que le compliment était pas gratuit. »

    Je n’aime pas bien ce ton amusé qu’elle prend. Mais comme à chaque fois, je fais attention à ne pas le montrer à mon interlocutrice… Aussi à l’Ouest soit-elle. J’aurais très bien pu lui dire que mon compliment ne lui était pas du tout adressé, ou encore qu’elle avait rêvé. Elle aurait été capable de le gober dans son état. Sauf que les cris de ma conscience ne pourront rien faire au fait que je le pensais. Et que tout cela était sorti tout seul, sans que je puisse le contrôler. Croyez-moi, cela ne m’enchante guère. Je me contente donc d’hausser les épaules en réponse. Que faire de plus, si ce n’est s’enfoncer plus encore ? D’ailleurs, je ne cesse de faire les cents pas dans la pièce, comme agacé. Ce qui est un le cas, vous l’aurez compris. Peu de temps après, je comprends qu’elle a de nouveau mis la main sur une cigarette, qu’elle s’empresse de mettre dans sa bouge. Ainsi, prête à fumer, il ne manque que le feu aux fesses du bâton empoisonné. Chose qu’elle ne peut pas faire… Puisque je suis l’unique détenteur d’un briquet, dans cette pièce.

    « Tout ce que tu veux… si tu me trouve un briquet. »

    Je ris. Un rire jaune, sans aucune touche d’humour. J’ai oublié ce que c’était que rire, vraiment je veux dire… Les heures passées enfermées dans une cave, à traduire méticuleusement des articles bourrés de sous entendus m’ont ramolli la cervelle. Ceux que je croise, de vieilles connaissances, me trouvent changé. Pour certains je suis d’une froideur peu habituelle, pour d’autres je suis devenu encore plus insupportable que je l’étais avant. Mais peu importe. Tout ce qui compte, c’est que je mes proches aillent bien.

    Ceci dit, ayant pitié d’elle, je m’en approche en mesurant chaque fait et geste. Par la même occasion, je détourne le regard de son décolleté trop plongeant, ou de ses jambes beaucoup trop longues. Ne pas la fixer. Oooh ! La jolie chauve-souris ! Le briquet sort de la poche de mon pantalon –un peu usé, je l’avoue- et ma main s’empresse de l’actionner. Je l’emmène près du visage de la jeune femme, illuminant ses yeux par la même occasion. Je peux difficilement résister à l’envie de les contempler, avec leurs millions de reflets. Une fois la cigarette allumée, je préfère reculer et lui tourner le dos. Prétexter un trouble pour mieux faire passer son message, c’est bien non ? Eh, Nate, tu ne vas quand même pas nous faire avaler que ton trouble est si difficile à obtenir ! Elle a de beaux yeux hein ? Eh, je croyais qu’il fallait que j’oublie tout ça ? Ah oui, autant pour moi… Bouh, quelle horreur, tu ne pourrais pas trouver mieux ? Intérieurement, je me sens soupirer. Elle me fatigue cette voix, peut-être devrais-je voir un médecin ?

    « Bon écoutes-moi bien. Je m’en vais. Je quitte le quartier, et par la même occasion, je laisse ma mère. »
    Ces quelques mots sont dits avec lenteur, et quelque part, je prends mon temps pour que toute son attention soit rivée sur moi. Je sais qu’avec un taux alcoolique dans le sang élevé, la compréhension est d’autant plus difficile que les mots sont rapprochés, et mâchés. Je prends une légère pause, comme pour chercher mes mots. Pourtant, je sais pertinemment ce que je dois dire, après avoir répété des centaines de fois devant le miroir de l’arrière boutique. Honorine m’a elle-même aidé à les formuler. Je ne devrais pas avoir de problèmes à les prononcer. Mais il me faut se moment de silence pour reprendre mes esprits. J’en profite également pour m’emparer de sa cigarette et en tirer une bonne bouffée. Après avoir éliminé les cendres qui s’accumulaient, je la lui remets entre les lèvres et poursuit sur le même ton.

    « Ne me demande pas pourquoi, c’est comme ça. Il fallait que je prenne mes distances pour éviter d’étouffer. »

    Quel beau menteur je fais. Mais à vrai dire, c’est plutôt dans mon nouvel appartement que j’étouffe. Aucune fenêtre, juste une vulgaire aération pour que l’air entre et sorte… Ma claustrophobie ne m’a pas encore fait des siennes puisque je n’ai pas le temps d’y penser. Je me demande juste comment je fais pour vivre dans ce trou à rat. Même ma Grin n’arrive pas à s’y faire. En parlant de la petite boule de poils, elle refuse catégoriquement de me suivre en mission depuis que nous avons changé de vie. Comme si elle avait compris qu’hors de la maison, je ne suis plus Natanael Blondel mais Marcel Pivot. On aura beau dire, ces bestioles sont d’une rare intelligence.

    « Je… J’aurais juste besoin que tu veilles sur ma mère, Emy. Prends soin d’elle, tu sais mieux que quiconque que la solitude viendrait à sa perte. Et tu es la seule à la connaître assez bien pour la sortir de cela. »

    Une fois de plus, je m’empare de la cigarette, en fume une latte, et la lui rend. Tu fumes alors que tu prétends étouffer ? Tu es un sacré gaillard, Natanael ! Heu pardon, Marcel. C’est que c’est moche, t’aurais pu choisir mieux ! La prochaine fois c’est toi qui choisira, comme ça peut-être que tu cesseras de m’emmerder ? J’évite de croiser les yeux d’Emy, la laissant seule dans sa réflexion –bien que j’aie un doute sur sa capacité à aligner deux idées parfaitement logiques- je retourne marcher dans la pièce. En long, en large, en travers.

    Mais alors que, les paupières closes, je fais demi-tour sans prendre la peine d’estimer la distance qui nous sépare. Mauvaise idée. Très mauvaise idée. Lorsque mes iris s’illuminent, je me retrouve nez à nez avec la jeune fille. Oh oui, très mauvais plan. Ca t’apprendra à ouvrir tes yeux, crétin. Une inspiration qui, normalement, était destinée à reprendre mes esprits, emmène à mes narines l’odeur sucrée de son parfum que même la cigarette n’a pas réussi à effacer. Peu à peu, ma main s’approche de ses lèvres, lui retirant le bâton incandescent presque terminé. Je m’empresse de le déposer dans le cendrier le plus proche, avant de me retrouver à nouveau face à elle. Mon compliment est encore plus valable maintenant qu’elle me regarde dans les yeux –bien que cela m’arrache la bouche de le dire, et la cervelle de le penser. Et comme je le craignais, je ne peux m’empêcher d’aller poser mes mains dans le creux de ses reins, et de caresser ses lèvres des miennes. Son haleine sent le rhum, et pourtant je ne peux qu’en vouloir encore. Ma conscience ne bronche pas, résignée. Et étrangement, c’est ce qui cloche. Revenant par moi-même à mes esprits, je m’écarte. Et la vue de son regard me laisse penser qu’elle a enfin compris qui je suis. A croire que moi aussi, je dégage une odeur et un goût particulier, reconnaissable parmi n’importe quoi d’autre. A croire que c’est cela…

    « Fais-le, et je te rends ton briquet. »
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Emy Hale
Emy Hale
La chance ne sourit pas à ceux qui lui font la gueule.



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Je parle pas aux cons, ça les instruit.
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MessageSujet: Re: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Jeu 21 Juil - 12:48

Tout ce qu’il voulait contre un briquer… il faisait une affaire, là, le beau brun. Elle aurait pu lui demander un dédommagement en paquets de cigarettes ou le forcer à se mettre à genoux et à lui vouer un culte pendant au moins trente secondes, après tout. Tiens, d’ailleurs, ça, c’était une idée à noter. Quitte à rendre des services, autant se faire aduler en retour, hein. Enfin pas cette fois, parce qu’elle avait déjà demandé son briquet, et que là, c’était tout ce dont elle rêvait, mais un jour prochain, peut-être. Si elle s’en souvenait, et si on lui redemandait un service. Ce qui, pour cette dernière condition, était fort possible, mais quant à la première… Bref, elle verrait bien. En attendant, elle ne bougerait pas de ce canapé, quoi qu’il lui demande s’il ne lui retrouver pas ce foutu briquet qui passait sa vie à lui échapper. Oh, elle en avait d’autres, sans doute. Disséminés un peu partout dans l’appartement – avec une grosse concentration dans sa chambre. Mais là tout de suite, à l’idée de se lever, une moue agacée tordit ses lèvres. Mouais, pas envie. Elle avait un beau jeune homme à disposition, alors autant en profiter. Au rire qui échappa au jeune homme en question, Emy leva les yeux vers lui, qui tournait toujours en rond. Eh oh, tu vas me donner le tournis à force, si tu continues… et franchement, non hein, mauvaise idée. Elle le suivit néanmoins du regard, jusqu’à ce qu’il s’arrête enfin et s’approche d’elle, une main dans sa poche. Ouh, ça, ça sent le briquet/ Et bingo, d’ailleurs. Avec un grand sourire, elle observa le petit objet s’approcher du bout de la cigarette coincée entre ses lèvres, allant jusqu’à loucher sur le bout qui s’enflamma, avant de pousser un soupir satisfait. S’enfonçant un peu plus dans le cuir du sofa, elle tira une bouffée de tabac. Aaaaah, bah voilà. Il est là le bonheur. Non ? Ah bon. Bah, on en rediscutera demain…

Laissant échapper la fumée, elle le dévisagea à nouveau alors qu’il lui tournait ostensiblement le dos. Bon allez, demande-le ton service, qu’on en finisse et qu’on passe à autre chose. Un instant, elle envisagea l’idée d’aller se coucher dès qu’il lui aurait dit ce qu’il voulait, estimant à six bonnes heures la migraine qui allait lui faire regretter la moitié de cette bouteille de rhum qu’elle avait réussi à avaler dans la soirée. Plus vite elle dormirait, plus vite ça serait passé… si l’invité mystère se décidait enfin à ouvrir la bouche. Fronçant les sourcils, elle tira une nouvelle fois sur la cigarette.
« Bon écoutes-moi bien. Je m’en vais. Je quitte le quartier, et par la même occasion, je laisse ma mère. »
Etrange comme ce ton sérieux lui rappelait quelque chose. Attentive autant qu’il était possible de l’être, elle hocha la tête. Ah, parce qu’il habitait dans le quartier ? C’est pour ça qu’elle pensait l’avoir déjà vu ! Un voisin, ou quelqu’un comme ça. Un voisin qu’elle devait bien connaître d’ailleurs pour qu’il se mette à lui parler comme ça. Mais, toujours incapable de retrouver un nom comme de s’attarder un peu plus de deux secondes sur une même idée, elle exhala de nouvelles volutes de fumée, les yeux papillonnant autour d’elle à la recherche d’un nouveau truc à faire. Dans la fond, la radio continuait à chanter, mais à ce niveau là, elle ne parvint pas non plus à reconnaître la chanson. Tant pis. Elle s’en souviendrait demain. Enfin, peut-être…
« Eeeeeh ! protesta-t-elle, soudain interrompue dans ses pensées par la translation de sa cigarette de sa bouche à celle du jeune homme. »
Avant qu’elle n’ait eu le temps d’en dire plus, cependant, le bâton réintégra ses lèvres, la poussant à se taire. Tant qu’il la lui rendait, elle voulait bien partager… mais un peu, faut pas pousser !

« Ne me demande pas pourquoi, c’est comme ça. Il fallait que je prenne mes distances pour éviter d’étouffer, continua-t-il ensuite, toujours aussi sérieux. »
Bah, elle ne lui avait rien demandé. Fronçant à nouveau les sourcils, elle plissa les yeux. Pourquoi est-ce qu’il lui disait tout ça à la fin. Là, il était temps de faire un effort et d’essayer de se concentrer, de mettre un nom sur sa tête pour comprendre un minimum de ce qui se passait. Parce que ça commençait à l’agacer, son petit manège. Elle voulait passer une bonne soirée, elle.
« Je… J’aurais juste besoin que tu veilles sur ma mère, Emy. Prends soin d’elle, tu sais mieux que quiconque que la solitude viendrait à sa perte. Et tu es la seule à la connaître assez bien pour la sortir de cela. »
De froncés, ses sourcils s’arquèrent. Elle le fixait intensément lorsqu’il s’arrêta de tourner en rond, pile devant elle, tentant d’aligner deux pensées cohérentes et dignes de ce nom… et de mettre des mots sur la désagréable impression d’avoir fait beaucoup de bêtises ce soir qui la saisit soudain. Impression qui prit tout son sens lorsque, face à elle, le jeune homme se figea. Malgré elle, Emy planta son regard dans le sien… bleu. Très, très bleu. Un bleu comme elle n’en avait jamais vu… sinon dans ses yeux à lui. A Nate. Et brusquement, dans un élan de lucidité, elle le trouva enfin, le nom qu’elle cherchait. A l’instant précis où, après lui avoir retiré sa cigarette presque terminée des lèvres, il se penchait dangereusement vers elle. La jeune femme ouvrit de grands yeux, se serait volontiers dégagée, mais déjà les mains de Nate s’étaient posées et creux de ses reins, et ses lèvres sur les siennes. Emy, ou comment revenir à la réalité en deux secondes. Etourdie par l’alcool, elle ne réagit pas tout de suite, se contentant de se laisser faire comme un pantin, jusqu’à ce qu’il s’éloigne de lui-même, sans qu’elle ne cesse de le fixer, les prunelles traversées par tout un tas de choses dont faire la liste serait bien trop long.

« Fais-le, et je te rends ton briquet. »
Un instant, elle resta figée. Alors là, bravo Nate. Parce que dégriser l’espace d’un baiser, ça ne m’étais encore jamais arrivé. Tu viens de battre un record.
« J’m’en fous, j’en ai plein, mais… Mais bordel Nate, qu’est-ce que tu fous là ?! laissa-t-elle soudain échapper en se redressant, quittant le canapé. »
De justesse, elle réussi à tenir sur ses deux jambes et à faire deux pas en arrière. Mon Dieu. Elle avait ostensiblement… dragué Nate. Elle… elle était restée dans cette tenue devant Nate. Elle avait, ENCORE, embrassé Nate. Enfin non, il l’avait embrassée. Mais au diable le détail, le résultat était le même. Perdue, elle fronça les sourcils, réalisant soudain et avec quelques temps de retard tout ce qu’il venait de lui dire. Eh merde, pourquoi avait-elle bu autant ?
« Attends, mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu t’en vas ? demanda-t-elle en passant une main fébrile sur son front. Raaah, pourquoi ne comprenait-elle rien ? »
Si elle connaissait quelqu’un qui n’étouffait pas avec sa mère, c’était bien lui. Du grand n’importe quoi cette histoire. Repoussant quelques mèches de cheveux en arrière, elle alla couper la radio qui commencer sérieusement à lui taper sur les nerfs – oui, l’humeur d’Emy changeait vite avec l’alcool – et s’adossa au premier mur venu parce que la pièce tournait beaucoup trop à son goût. Marmonnant quelques jurons incompréhensibles – en russe, s’il vous plait – elle posa à nouveau ses deux yeux sur le jeune homme, espérant un instant qu’elle avait rêvé. Mais non, impossible de se tromper. C’était bien ses lèvres qu’elle avait senties, et personne d’autres – eh merde, pourquoi connaissait-elle aussi bien le goût des lèvres de Nate ? Vivement, elle se frotta un instant le visage pour essayer d’y voir plus clair. Il voulait qu’elle veille sur sa mère ?
« Bien sûr que je vais le faire. Enfin, peut-être… s’embrouilla-t-elle, s’agaçant elle-même. Rah, mais Nate, pourquoi tu me l’as pas dis plus tôt ? »
C’est vrai ça, au lieu de laisser faire toutes ces conneries… et oh mon dieu, Nate lui avait dit qu’elle était belle. NATE. Pourquoi était-elle ivre déjà ? Ah oui, non, inutile de chercher à rappeler les images qu’elle voulait chasser.
« Bon, tu me rends mon briquet, oui ? »
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MessageSujet: Re: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Lun 25 Juil - 22:22

    Il semblerait que lorsque je me suis légèrement éloigné d’elle, sa conscience se reprenne. Car en effet, je peux voir à présent dans ses yeux cette lueur de surprise. C’est un peu comme si la Emy qu’elle était en ce moment ne devait pas être la Emy que je devais voir. Faisant mine de rien, je la laisse s’affoler toute seule. Il n’est pas question que je perde mon calme pour un baiser inoffensif, qu’il ait lieu d’être ou non. Etrangement, j’ai l’impression que sa capacité à raisonner est redevenue à peu près normale. Combien de fois l’ai-je vue perdre la tête avec un verre de trop ? Je ne saurais le compter. Ceci dit, aller jusqu’à se dandiner devant moi dans une tenue un peu osée, c’est le comble du comble, pour une femme qui est censée ne pas m’aimer. Cette fois, je ne peux pas m’empêcher de laisser mes yeux détailler ses longues jambes mises à nu. Et quand sa voix retentit, mes prunelles reviennent dans les siennes. Toujours comme si rien ne s’était passé.

    « J’m’en fous, j’en ai plein, mais… Mais bordel Nate, qu’est-ce que tu fous là ?! »
    Et lui répondre qu’elle m’a laissé rentrer sans broncher ? Non merci. C’est pourtant la vérité. Elle n’a même pas cherché à savoir qui elle laissait l’observer. Je dirais même, la dévorer des yeux. Etaler ses jambes et son décolleté, c’est se jeter dans la gueule du loup. Et si ça avait été l’officier allemand ? Ah non, impossible… Un des autres soldats venus l’importuner ? Elle aurait pu de nouveau tomber dans le panneau. Et rien que la pensée de cette horrible chose qui s’est passée, j’ai des frissons qui parcourent mon échine. Non, je n’aime mieux pas y repenser. Ma solitude est déjà assez préoccupante comme ça. Je me contente d’hausser les épaules, comme réponse. Qu’elle croit que je suis entré sans frapper si elle le veut, je m’en fiche. Il faudra juste apprendre à se contrôler. Mes yeux se posent sur la bouteille de rhum à moitié vide –ou pleine. Peut-être aurait-elle pu éviter de se frotter un peu trop à moi. Oui, c’est ça, un surplus de rhum va jusqu’à me faire sortir des bêtises ! Elle est belle… Ahah, qu’est-ce qu’il ne faut pas dire ! Abruti… Plus pensé que ce compliment, tu meurs.

    « Eh bien, je suis venu boire un verre ! Tu ne te souviens pas ? Ton invitation ? Roh, il faudra m’attendre avant de t’enfiler la bouteille, la prochaine fois. »

    S’il y a une prochaine fois, bien sûr. Je l’observe avec sa mine béate… Ses sourcils se lèvent, témoignant de son trouble. Et dire que ce soit être la centième fois que cela se produit. Pourquoi sommes nous toujours obligés de passer par cette case ? Pourtant, chacun connaît le goût des lèvres de l’autre, ou même son parfum. Je ne sais pas ce qui me pousse à toujours vouloir me le rappeler. Peut-être que c’est un parfum qui me rappelle notre adolescence fleurie, où les nazis n’avaient pas encore fait tant de mal ? Oui, cela doit être ça…

    « Attends, mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu t’en vas ? »

    En effet, c’est ce que j’ai dis. Il faut dire que je n’ai pas eu le choix. J’aurais préféré garder un œil sur ma mère, lui rapporter ce dont nous avions besoin pour vivre tous les deux. Je me demande comment à présent elle va faire ses courses. Je me demande si la solitude d’une mère abandonnée la pèse, la ronge. Rien que l’idée me glace le sang. Et dire qu’elle m’a mis au monde. C’est elle qui m’a tenu en vie, sans jamais m’empêcher de faire quoi que ce soit pour m’épanouir. Elle m’a laissé ramener des femmes différentes chaque soir, tout en continuant de m’aimer. Elle m’a appris la langue qui me permet de dialoguer avec nos amis de Londres. Et c’est elle qui a entretenu l’amour de père défunt père. Juste la pensée qui me traverse l’esprit et me souffle qu’elle ne survivra pas si je ne suis pas à ses côtés me ôte toute l’émotion qui m’avait submergée alors que mes lèvres avaient un peu trop effleuré celles de la jeune fille. Mes doigts se crispent, je secoue la tête pour oublier.

    « Bien sûr que je vais le faire. Enfin, peut-être… Rah, mais Nate, pourquoi tu me l’as pas dis plus tôt ? »

    Lui dire ? Comment ? Salut, je suis résistant, on m’a découvert et maintenant la Gestapo me traque. Il faut donc que j’aille me cacher ailleurs ! D’ailleurs, mon nouveau nom c’est Marcel ; je suis un incapable, j’ai bousillé les plans de la Brigade en paraissant un peu trop sûr. Maintenant, Elsa m’a fait promettre de rompre tout contact avec ma famille. Bientôt, plus personne n’aura de traces de moi. Maintenant, je suis Marcel Pivot, un pitoyable libraire qui vit dans la misère d’un appartement miteux. Même ma locataire me regarde avec pitié. Si elle savait… Si elle savait que je me morfonds dans la poussière pour sauver son pays… Peut-être m’accorderait-elle quelques moments pour discuter au pied de sa cheminée. J’ai froid la nuit, mes seules amies sont des araignées. Mais pour survivre, c’est comme ça qu’il faut faire. Telle est la France, pays de la romance, de nos jours.

    « Ca s’est fait vite. J’ai rassemblé mes affaires et j’ai sauté sur l’occasion qui se présentait à moi. Un superbe appartement, pour trois fois rien. Je suis mieux tout seul, tu sais. Mais elle a besoin de quelqu’un. Je suis sûr qu’elle te le revaudra. »

    A défaut de ne pas avoir le droit de la voir, sur les ordres précis de la patronne –trop risqué, il faut abandonner le maximum de connaissances, ne garder que celles pouvant être utiles, et encore- je sais que ma mère la remerciera mille fois de me remplacer. Elle qui n’a plus de filles pour venir s’occuper d’elle, sera bien contente d’en trouver une de substitution, bien que tout le monde connaisse sa solide relation avec Yelena. Je hoche la tête, comme un remerciement. De toute façon, je ne vois pas bien ce que je pourrais faire d’autre. J’en ai déjà assez fait pour ce soir. Si si, vraiment. Et maintenant, ses deux yeux sont plantés dans les miens. Je détourne le regard, ne voulant pas risquer un autre baiser. Je ne voudrais pas risquer de bousiller mes négociations.

    « Bon, tu me rends mon briquet, oui ? »

    Ca, par contre, ça se discute. Mais une promesse est une promesse. A contre cœur, je sors mon seul et unique moyen de pression –autre qu’un regard d’acier- et le lui rend. Bientôt, il se retrouve dans la main de son propriétaire, qui semble contente de le retrouver. Je croyais qu’elle en avait plein ? Qu’elle s’en fichait ? Tant pis, une prochaine fois… Peut-être. Sans plus tarder, je remets ma veste sur mes épaules, la ferme doucement, sans pouvoir m’empêcher de la regarder de toute sa hauteur. Evite de lâcher tout haut tes fantasmes, cette fois ! Parce que trouver quelqu’un « joli », c’est fantasmer ? Tu ne serais pas un peu extrémiste, saloperie de voix ? Doucement, un sourire vient se placer au coin de mes lèvres.

    « Je ne sais pas si nous serons amenés à nous voir. Merci pour elle. »

    Et sur ces quelques paroles, je me penche délicatement et vais embrasser sa joue comme je l’aurais fais avec n’importe quelle amie. Sauf que celle-ci, il me faudra l’éloigner de moi. Arrêter de la taquiner, et être le plus mauvais possible pour qu’elle ne se mêle jamais de mes affaires. En voilà encore une de moins sur la liste des personnes connues à abandonner. Et puis, je suppose que je ne serai pas une grande perte pour sa tranquillité. Une pause dans le nid à emmerdes qui répond au nom de Natanael, c’est finalement assez rare. Et ce baiser sur sa joue, là où elle est la plus colorée, sonne pour moi comme un adieu. Pas un au-revoir j’espère, mais un adieu. C’est ainsi qu’on protège du monde de la mort. J’ai commencé très jeune en la sauvant de la noyade, et dernièrement des griffes de violeurs. A présent je la préserve de la plus terrible des choses : la torture à endurer si on se fait attraper par les nazis.
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Emy Hale
Emy Hale
La chance ne sourit pas à ceux qui lui font la gueule.



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MessageSujet: Re: « Quand j’danse avec le grand frisé... »   « Quand j’danse avec le grand frisé... » Icon_minitime1Mer 3 Aoû - 16:31

« Eh bien, je suis venu boire un verre ! Tu ne te souviens pas ? Ton invitation ? Roh, il faudra m’attendre avant de t’enfiler la bouteille, la prochaine fois. »
Oui, mais alors là, non. Elle voulait bien être complètement bourrée, elle voulait bien que ça ne soit pas la première fois… mais avoir invité Nate à boire un verre, non. Il pouvait lui faire avaler beaucoup de choses en cherchant bien, mais pas ça. Elle n’attendait personne ce soir, elle s’en souvenait parfaitement, alors ne me prend pas pour plus naïve que je ne le suis, s’il te plaît. Non mais oh, inviter Nate à boire un verre… manquerait plus que ça. Et pourquoi pas imaginer qu’il lui dise qu’elle était belle, tant qu’à faire, hein ? Oui, bon, certes, ça c’était déjà fait. Gosh. Il lui avait dit qu’elle était belle. Elle devait avoir rêvé. Oui voilà, elle avait rêvé. Elle avait tellement bu qu’elle avait cru que Nate était rentré chez elle – ou plutôt qu’elle l’avait laissé rentrer – qu’il lui avait piqué ses clopes et son briquet, qu’elle l’avait dragué et qu’il lui avait dit qu’elle était belle, puis qu’il quittait sa mère et qu’il comptait sur elle pour lui rendre visite. Emy fermant un instant les yeux, se pinça, avant de les rouvrir. Eh merde, non, il était toujours là. Donc en fait, non, elle n’avait pas rêvé. Perturbée, elle continuait à s’énerver toute seule, complètement perdue et absolument et totalement ivre. Sauf qu’il avait réussi à la sortir de son état de béatitude idiote, celui où elle arrivait enfin à rire de tout, à ne plus penser à rien et à oublier qu’en bas, et même passée la porte de son appartement, c’était la guerre. Merci Nate, vraiment. Grâce à toi non seulement je vais me taper une gueule de bois carabinée plus tôt que prévu, mais en plus je n’aurais même pas eu ma petite soirée dans le monde des tout rose des enfants en entier. C’est triste, quand même.

Enfin, maintenant qu’il était là, autant qu’il lui explique toute l’histoire. Ce qu’elle tenta de lui demander, en réalisant qu’il lui avait dit qu’il partait. Où ? Bonne question. Pourquoi ? Meilleure question encore. Sauf que visiblement, il ne comptait pas lui répondre franchement – oui, elle était peut-être ivre, mais pas encore totalement idiote. Et la réponse qu’elle obtint attira au jeune homme une paire de prunelles inquisitrices et pas convaincues pour deux sous.
« Ça s’est fait vite. J’ai rassemblé mes affaires et j’ai sauté sur l’occasion qui se présentait à moi. Un superbe appartement, pour trois fois rien. Je suis mieux tout seul, tu sais. Mais elle a besoin de quelqu’un. Je suis sûr qu’elle te le revaudra. »
Un superbe appartement pour trois fois rien ? En temps de guerre ? Fous-toi de moi, je te dirai rien ! Seulement voilà, encore agacée de s’être faite profondément avoir et les neurones dans un état déplorable, Emy se contenta de le penser, haussant simplement un sourcil. Bien sûr que sa mère le lui revaudrait, même si elle irait la voir avec plaisir – elle aurait beau la supplier de ne rien en faire, Madame Blondel tiendrait absolument à la remercier. Enfin, oui, mais pas ce soir. Ni demain, ou alors demain soir. Parce que si beaucoup de gens avaient déjà eu l’occasion de voir l’état dans lequel Emy pouvait être après quelques verres de trop, il n’en était pas de même de la mère de Nate. Et bizarrement, elle ne tenait pas à ce que cela change. Sa réputation était déjà sans doute assez corsée pour qu’elle en rajoute. Débauchée, visiblement antinazis et sœur d’une jeune fille suicidée, elle n’avait pas besoin d’en donner en plus l’illustration la plus exacte. Même si elle se foutait du regard des autres, Emy avait un minimum de conscience – et de raison. Et puis elle avait fini par en avoir une douloureuse preuve : une réputation, lorsqu’elle est fondée, a toujours des conséquences. Et pas des plus chouettes, c’est le moins que l’on puisse dire.

Mais bref, elle accepta de s’occuper de sa mère – parce qu’elle n’était pas ingrate, et qu’il lui avait bien assez filé de coup de main pour qu’elle accepte ça, et certainement pas parce que c’était lui ! Manquerait plus qu’elle fasse ça juste pour lui, tiens. C’était Nate quand même. Ahum. Bref. Une chose était sûre dans tout ça… il lui avait promis son briquet. Encore une fois, ne me prend pas pour plus idiote que je ne le suis, même ivre. Une promesse et une promesse, mon petit… Certes, elle avait plein de briquets. Mais là, c’était son Zippo, celui de son père. Alors non, vraiment, finalement, elle ne s’en fichait pas. Oui, elle était lunatique ce soir, et alors ? Main tendue vers lui, elle fronça les sourcils, attendant qu’il lui rende son du. Elle acceptait de jouer la garde-maman pour un briquet seulement, alors il avait intérêt à le lui rendre. Elle aurait pu lui demander plus, hein. Genre… des clopes pour rattraper le nombre de fois où il lui avait volé les siennes. Tiens, elle y penserait, la prochaine fois ! Heureusement pour lui, Nate rendit donc le petit objet, qu’Emy se hâta de poser sur la table basse sur laquelle achevait de s’éteindre la cigarette qu’il lui avait retirée des lèvres.
« Merci, grommela-t-elle en l’observant remettre sa veste, bras croisés devant sa poitrine. »
Quelle idée de restée habillée comme ça aussi… si l’on peut appeler ça « habillée », d’ailleurs. Emy oublia néanmoins rapidement ce détail lorsque, doucement, il s’approcha à nouveau d’elle. Une fois ne lui avait pas suffit. Instinctivement, elle s’écarta légèrement.

« Je ne sais pas si nous serons amenés à nous voir. Merci pour elle. »
A nouveau, elle arqua un sourcil, perplexe. S’ils se reverraient ? Mais Nate, tu sais très bien qu’on finit toujours par se tomber dessus, idiot. Perdue dans cette pensée, elle ne put avoir le réflexe – penser et agir en même temps ? non, vraiment, c’était trop lui demander cette fois – de se décaler lorsqu’il se pencha sur elle… pour planter un baiser sur sa joue. Surprise, elle le regarda avec de grands yeux, ne comprenant définitivement rien à son manège. Demain, peut-être… lorsqu’elle aurait décuvé. Sans bouger, elle l’observa tourner les talons et s’en aller, trop hébétée pour faire quoi que ce soit. La porte claqua, lui arrachant un sursaut. Comme sortie d’un rêve, elle regard autour d’elle. Des mégots, des fringues, une bouteille à moitié vide de rhum, un trou au centre du tapis… oui, mais non, elle rangerait demain. Ecrasant sa dernière cigarette non finie, Emy alla éteindre la lumière du salon et s’éloigna en titubant en direction de sa chambre. Non sans avoir fermé la porte de l’appartement à clef, elle se laissa tomber sur son lit, la tête lui tournant désagréablement. Génial, elle allait passer une bonne nuit…

FIN DU TOPIC

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