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 Après tout, c'est juste un café.

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Elsa Auray
Elsa Auray
J'ai vu la mort se marrer et ramasser ce qu'il restait.



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MessageSujet: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Mer 16 Juin - 23:29

Après tout, c'est juste un café. Rachel-rachel-hurd-wood-1194671_100_100 Après tout, c'est juste un café. 532338icone1
« Sur les rives du temps
Il s'est abîmé,
Et chante dès à présent
Les complaintes du passé. »


« Un jour, tu verras, le printemps reviendra. »
Paris, juin 1940. Au milieu de ces ruines des quelques bâtiments déjà détruits ; au milieu de ces rues bruyantes dans lesquelles courait, indicible, cette sombre et oppressante rumeur des temps obscurs ; au milieu de ces patrouilles de la gestapo, de la milice ; au milieu de ce Paris vaincu, difficile de croire au bel optimisme de cette phrase. Difficile de s’imaginer voir revenir le printemps, de pouvoir penser retourner aux temps allègres que la guerre avait balayé. Car malgré les apparences que quelques uns voulaient bien donner, malgré les mensonges intimes des uns et des autres, oui, Paris était bel et bien occupé. Paris et la France, quoi que pouvaient bien en dire quelques uns en brandissant bien haut leur prétendue zone libre. Libre de qui ? Des allemands, sans doute. Des allemands qui n’avaient qu’un geste à faire pour que Vichy se plie à leurs moindre désirs. Alors, « libre », bien sûr. Libre comme pouvait l’être un animal enfermé dans une réserve avec l’illusion d’être bien mieux lotit que ses compagnons cloîtrés dans un zoo. Pétain et son gouvernement ne valaient pas mieux. Ils n’étaient qu’une grande mascarade, faite pour laisser croire à qui le voudrait bien que la France avait encore le pouvoir de décider totalement de son sort ; et que ceux-là ferment les yeux sur ce qui se passait réellement, au Nord comme au Sud. Il faut le dire : l’ignorance est tellement plus confortable. Et pourtant, comment en vouloir à ces gens ? Chacun tentait de survivre à sa façon, de continuer le plus normalement possible et parfois, cette bienheureuse ignorance restait la seule et unique solution. Alors oui, peut-être que le printemps reviendrait, mais qui serait encore là pour le voir ?

Un mouvement attira un instant le regard d’Elsa, coupant ici le flot de pensées qu’elle ressassait depuis un moment déjà. Sans qu’un seul de ses traits ne trahisse cette soudaine interruption, elle releva la tête, suivant du regard le camion qui passa à quelques pas d’elle sur la route qu’elle s’apprêtait à traverser. D’un œil expert, elle nota les inscriptions allemandes peintes en blanc à l’arrière. Un chargement d’armes, en route vers la caserne la plus proche. Encore un ; combien en passait-il par jour de similaires dans Paris ? Une centaine, peut-être plus… Tous destinés à renforcer un ennemi déjà bien trop armé. Quelle pitié. Injustice, diraient d’autres en songeant à ce que devaient faire certains pour se procurer ne serait-ce qu’un millième de la quantité d’armes qui voyageait en ces temps troublés. Certes, mais ne dit-on pas que la raison du plus fort est toujours la meilleur ? Un soupir intérieur échappa à Elsa tandis que ses prunelles impassibles achevaient de suivre le camion jusqu’à ce qu’il ne disparaisse au coin de la rue. Ça, il y avait longtemps qu’elle s’y était résignée. Mais ça ne voulait pas dire que le plus fort devait rester éternellement le plus fort ; et c’est dans ce but qu’elle tenta de deviner à que dépôt pouvait se rendre le véhicule. La brigade avait cruellement besoin d’armes. En subtiliser quelques unes à l’ennemi serait d’ailleurs sans doute la prochaine tâche à laquelle s’atteler, si la chose s’avérait possible. Les allemands savaient à quoi s’attendre dans ce domaine là au moins, les dépôts étaient bien gardés. Tout était bien gardé. Mais ces entrepôts plus que le reste.

Elsa hésita un infime instant à changer de direction et à suivre l’objet de ses réflexions. Pour le bien de la lutte qu’ils menaient tous. Et aussi pour ne pas se rendre à ce rendez-vous, il fallait l’avouer. Son visage froid se durcit un infime instant, là où chez d’autres il se serait crispé. Mais il y avait longtemps que la jeune femme avait banni toute expression de la sorte de ses traits pâles. Longtemps… du moins, c’est ce qu’il lui semblait. Il y avait également longtemps, à ses yeux, qu’elle n’avait pas croisé Caroline. Ce qui, me direz-vous, expliquait sans doute l’empressement que cette dernière avait mit à lui fixer rendez-vous dans ce petit café, à deux pas du Trocadéro puisque ce sont des choses qui se font, entres amies. Vieilles amies même, si l’on voulait être exactes, mais ce mot avait prit une nouvelle définition pour la jeune résistante depuis que tout ceux à qui elle tenait vraiment lui avaient été retirés. Tout comme les mots sentiment, affection, chaleur, sensibilité et bien d’autres du même genre. Bannis, aux aussi, les temps ne leurs étaient pas favorables. Un cri retentit aux côtés de la jeune femme qui s’était arrêtée et qui observa d’un œil toujours aussi inexpressif les deux enfants qui se couraient après en riant lui passer devant à toute allure. En d’autre temps, justement, un vague sourire aurait peut-être étiré ses lèvres mais elle se contenta de continuer sa route vers de ce fameux café, laissant de côté ses plans divers et variés pour laisser ses pensées presque aussi froides que ses regards vagabonder dans la même direction.

C’était vrai, jusqu’à il y avait quelques heures, il y avait longtemps qu’elle n’avait pas vu Caroline Lisieux – grande amie d’antan, dirons nous. La guerre et tout ses chambardements avait suffit à séparer les deux jeunes femmes, comme elle l’avait fait de tout le monde avec Elsa. Les uns en prison, les autres aux camps, les troisièmes enfuis et enfin, les morts. Étrangement, c’est ceux qu’elle avait perdu de vue depuis longtemps que l’occupation lui avait fait retrouver. Dont, le frère de Caroline. Entre autres. Étrange chose que le hasard tout de même… Sur cette idées, la frêle jeune femme s’arrêta enfin devant la porte qui l’intéressait. Le café était animé, de français comme d’allemands d’ailleurs, mais à quoi bon s’en formaliser : ils étaient partout. Froidement, comme l’aurait fait n’importe quel badin, elle leur jeta un vague regard en poussant la porte puis avisa une table dans un coin près de la vitrine. Caroline n’était pas encore là. Tranquillement, Elsa s’installa sur la chaise de laquelle l’on avait une vue dégagée sur l’ensemble du café – habitude et précaution indispensable - puis, posant ses deux prunelles froides sur ce qu’elle pouvait voir de l’extérieur, s’appuya sur la table de bois. Un rayon de soleil digne d’un mois de juin vint un instant faire briller le bleu glacial de son regard qui dévisageait sans vraiment les voir les badauds qui passaient par là. Qu’allaient bien pourvoir se dire les deux – anciennes ? – amies, là était toute la question, bien qu’elle ne préoccupa pas foncièrement Elsa qui, de toute façon, ne parlait plus beaucoup. Elle pourrait bien lui dire qu’elle savait où était son frère, ce qu’il faisait mais ce dernier ne le voulait pas. Quant au reste, quand on sait qu’elle parlait à peu près autant qu’elle souriait… Enfin, après tout, c'était juste un café.


Dernière édition par Elsa Auray le Mar 29 Juin - 15:26, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Jeu 17 Juin - 9:34

Il n'y avait rien à faire. Je ne pouvais m'empêcher de me sentir nerveuse et de marquer un temps d'arrêt dès que ma main se posait sur une poignée de porte pour gagner l'extérieur d'un bâtiment quelconque. Encore aujourd'hui, en sortant de ma répétition, alors que je sortais par la porte des artistes, je frémis légèrement au moment de l'ouvrir. Les allemands... Si je n'avais rien contre les civils, les militaires me faisaient peur. Ils avaient très mauvaise réputation, et, malgré les tentatives du gouvernement nazi pour étouffer les rumeurs, tout le monde savait bien les massacres que la Wehrmacht avait commis pour arriver jusqu'à notre belle capitale. Derrière mon perpétuel air enjoué, mon assurance et mon "je m'en foutisme", je détestais ces militaires. Contrairement à la plupart des danseuses avec qui je travaillais, je ne m'étais pas jetée au coup du premier officier allemand venu. Reinhard Fehmer avait été une exception. D'ailleurs, s'il était allemand, il ne faisait pas parti de l'armé. La seule chose qui aurait pu me mettre mal à l'aise était son refus total de parler de lui et sa manière d'éluder mes questions. Enfin... Ca n'avait été qu'une nuit, ce ne serait certes pas pour la vie.

Je me décidais enfin à abaisser cette poignée de malheur, et à franchir le seuil. Dehors, le temps était plutôt agréable. Et il y avait assez longtemps que je tannais Elsa pour qu'on se voit. Mon amie avait tellement changer ces derniers temps. Elle n'était plus la même... Décidé à comprendre, je m'étais rendue chez elle, pour parler à sa mère, que j'avais toujours beaucoup apprécier. Une voisine m'avait dit que la Gestapo les avaient emmenées, elle et sa soeur. C'était un vrai cauchemar. Comment passer à côté, ignorer tout ça? Non, je ne pouvais pas,... Et en même temps, j'avais tellement peur. Pas de perdre la vie, la mort ne m'avait jamais effrayée. Non, j'avais peur de souffrir, et de ne plus pouvoir danser. Cela paraissait sans doute égoïste, mais je m'étais tellement battue pour mon rêve, que je ne supportais pas de penser qu'il pourrait s'écrouler un jour.

Sur le trajet entre l'Opéra Garnier et le café où nous nous étions donnés rendez vous, au Trocadéro, je ne pouvais m'empêcher de repenser à mon enfance. Avant... Avant qu'André ne se mette à faire n'importe quoi... Qu'il disparaisse, que ma mère ne meurt... Que mes amis changent... Tout s'effondrait autour de nous. Et plus rien jamais ne serait comme avant. Mais personne ne se doutait de mes sombres pensées, camouflées derrière un sourire de façade, charmant et simple. Toujours faire semblant. Cela ne faisait que quelques mois que les allemands étaient là, et j'avais l'impression que cela faisait un siècle.

Le café qu'Elsa avait choisit était parfait, avec une jolie vue sur la tour Eiffel. Qui aurait pu croire que derrière ce temps magnifique, se cachaient les pires souffrances que la France connaissait... Je poussais la porte, cherchant mon amie du regard. Un serveur vint dans ma direction, mais je lui fis signe que c'était inutile. Je venais de repérer Elsa.

-Bonjour! lui lançai-je d'un ton enjoué.

Elle semblait encore plus glaciale que d'habitude. Mon Dieu, Elsa, qu'est ce qui t'as faite changer à ce point?
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MessageSujet: Re: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Jeu 17 Juin - 16:36

Sous son regard impassible, la rue semblait s’animer doucement, au fil des minutes. Les gens sortaient, tickets de rationnement en main, bien serrés dans leurs poings ou dissimulés au fond de leur sac ; échangeaient des propos badins sur le temps estival ; marchaient, non sans jeter parfois quelques regards inquisiteurs autour d’eux avant de reprendre leur route, droit devant… Là, dans le renfoncement d’une fenêtre, deux garçons se serraient la main avec des airs de conspirateurs qui prenaient invariablement d’espiègles lueurs sur leurs traits enfantins. Ici, nouvelle poignée de main, mais en plein milieu du trottoir entre deux officiers allemands bientôt rejoints par un troisième soldat qui, d’un geste, les invita à le suivre. Derrière, sur un banc, un couple s’enlaçait tranquillement sans avoir l’air de songer un seul instant à ce qui se passaient autour d’eux. Elsa les observa un infime instant de plus que les autres. Lui portait un chapeau marron, semblable à ceux que l’on voyait souvent se balader au détours des rues. Comme Marc, quand il n’était pas à l’action. Mais sans cette trace noire qui se trouvait sur le sien et dont elle s’était tant de fois amusée à tenter de deviner l’origine. Avant. D’ailleurs, elle ne le savait pas, où il avait bien pu la ramasser cette trace. Des deux tourtereaux, les yeux froid de la jeune femme passèrent rapidement au reste de la rue sans qu’une once d’émotion ne puisse se lire sur son visage. Il n’y avait plus de chapeau, pas plus qu’il ne restait de Marc.

En revanche, il y avait bien cette silhouette familière qui s’invita soudain dans son champ de vision. Caroline venait de tourner au coin de la rue ; sans doute venait-elle de l’Opéra. Elsa se souvenait encore de cette fois où elles s’étaient amusées à bâtir des châteaux en Espagne. Invariablement, son amie revenait à la danse. Au moins, même en ce temps troublés, il en étaient certains qui parvenaient à s’approcher un peu plus de leurs rêves. Du regard, elle suivit la jeune femme jusqu’à ce qu’elle ne se trouve devant la porte du café auquel elle jeta un nouveau coup d’œil d’ensemble. L’endroit n’avait pas perdu en animation et, dans un coin, une joyeuse bande y contribuait plus qu’honorablement. Ils avaient même invité quelques uns des soldats allemands à les rejoindre pour « boire un coup ensemble vu que demain on s’cognera dessus ». Charmante idée. Pour autant, pas un sourire ne vint effleurer les lèvres pâle de la résistante dont les traits, au contraire, semblaient s’être encore un peu durcit à la vision de Caroline.
« Bonjour ! lança d’ailleurs cette dernière, la tirant de ses pensées et observations.
- Bonjour, répondit Elsa en levant les yeux sur elle. »
Le contraste entre le ton enjoué de la danseuse et celui, sec et éternellement détaché d’Elsa avait largement de quoi refroidir l’atmosphère tant il était prononcé. Qui aurait pu, pour peu qu’on les écoutât, se douter que c’étaient là deux amies qui se retrouvaient lorsque le salut de la belle rousse eut fini de résonner entre elles.

Sans ajouter un mot, elle dévisagea un instant Caroline avant de tourner la tête en direction du garçon qui l’avait suivie de près. A son tour, il les salua, sourire de circonstance aux lèvres, puis leur demanda ce qu’elles désiraient. Comme toujours, Elsa commanda un café. Du moins, ce que l’on se devait d’appeler un café en ces temps où les fameux ersatz allemands avaient remplacé à peu près tout ce que l’on pouvait s’attendre à trouver dans un bar. Et en lieu et place du breuvage favori d’un bon nombre de français, la chicorée s’était invitée en un peu partout, les vrais produits étant quasiment tous destinés au Reich. Le serveur attendit la réponse de Caroline puis tourna les talons en direction du comptoir, laissant un silence planer sur la table des deux jeunes femmes. Sans songer un seul instant à le rompre – à quoi bon parler pour ne rien dire ? – Elsa fit glisser sa main dans sa poche gauche, histoire d’en tirer la monnaie qu’exigerait le garçon à son retour. La poche gauche, jamais la droite. Non, à droite, sous sa tunique qui avait déjà bien vécu, se trouvait le revolver qui ne la quittait que rarement. Sa terrible adresse de tir et son sang froid à toute épreuve avaient poussé les autres, il y avait un certain temps déjà, à lui laisser garder son arme quand la pénurie à laquelle la brigade devait faire face en obligeait d’autre à rendre le matériel après une action. Il faut dire que rares étaient ceux à en faire un aussi bon usage qu’elle.

Elsa tira donc quelques pièces de sa poche, avant de reposer ses prunelles limpides sur la jeune femme qui lui faisait face. De nouveau, la question s’imposait : qu’allaient-elles bien pouvoir se dire ? Caroline avait insisté pour lui fixer ce rendez-vous et derrière ce simple sourire qu’elle arborait souvent, la belle devinait les questions. Si elle avait appris à ne rien laisser passer de ses propres émotions, elle n’en était pas moins devenue redoutable lorsqu’il s’agissait de passer au-delà des masques des autres. D’ailleurs, qui pouvait se targuer de ne pas en porter ces temps-ci ? Les résistants se cachaient, les collaborateurs aussi, les autres ne se dissimulaient non pas eux-mêmes, mais leurs peurs pour tenter de continuer comme si de rien n’était. Les allemands, peut-être. Car en pays conquis, pourquoi se cacher ? Sur cette idée, le serveur refit son apparition et déposa la commande sur la table silencieuse, empocha ce qu’on lui devait et s’en retourna sans d’autres mots que ceux que se doit de prononcer un garçon de café tandis qu’Elsa coulait un nouveau regard sur le reste de la salle. Et encore une fois, le silence persistait.

[Désolée hein, mais Elsa et engager la conversation, ça fait dix XD Et pour les fautes, aussi >< J’ai super mal au crâne --‘]
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MessageSujet: Re: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Jeu 17 Juin - 20:57

Le regard de Elsa était toujours aussi inexpressif que le jour où j'avais réussi à lui arraché ce rendez vous. C'était assez inquiétant. Je pensais que la dernière fois, elle était restée distante uniquement parce que nous nous étions vus quelques minutes entre deux portes, mais là... Le serveur attendait nos commandes. Elle prit un café, ou quelque chose qui pouvait se considérer comme tel, vu les circonstances présentes, et moi un thé. Elle avait à peine répondu à mon bonjour, ses yeux ne voulaient pas se fixer sur moi, papillonnant à droite, à gauche, semblant surveiller quelque chose, chercher quelqu'un. Pas un mot ne fut échanger entre le départ du serveur et son retour. Pourtant, pour se faire des confidences, rien de mieux qu'un endroit bruyant et bondé où tout le monde ne se préoccupait que de soi même. Le serveur revint, et je le remercie d'un signe de tête, avant de régler. Une fois qu'il eut tourné les talons pour la seconde fois, je me décidais enfin à rompre ce silence vraiment étrange entre deux amies de longue date. Tendant la main, je la posais sur la sienne, essayant de capter son regard et son attention, une bonne fois pour toute.

-Comment tu vas? lui demandai-je doucement.

Il était évident, vu son regard, qu'elle n'allait pas bien, mais je ne pouvais pas dire si elle allait vraiment mal. Ce regard froid, terne, inexpressif, glaçant même. Un soupir vaincu franchit la barrière de mes lèvres alors que je me redressais, retirant ma main.

-J'ai appris pour ta mère et ta soeur. Je suis vraiment désolée.

Bien sur, je savais que mon amie était juive. Mais Elsa était mon amie avant toute chose. Jamais je n'aurais pu la dénoncer, ni elle ni personne d'autre d'ailleurs. Rien ne servait de dire quoi que ce soit de plus. Nous savions toutes les deux qu'il y avait très peu d'espoir de les revoir en vie... Je serrais les dents, retenant mes larmes. La mère et la soeur d'Elsa, c'était un peu comme ma propre famille. Depuis le décès de ma mère, les Meyer avaient toujours été là pour moi.

-J'imagine que tu as changé de nom, dis-je à mi voix.

J'avais l'impression de parler à un mur. Elle ne disait rien, aucun muscle de son visage ne se décrispait. Bon Dieu, Elsa, qu'est ce qui t'es arrivée??
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MessageSujet: Re: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Sam 19 Juin - 0:43

Elsa ne fuyait pas le regard de Caroline. Non, loin de là. D’ailleurs, Elsa ne fuyait pas les regards, quels qu’ils soient, quelle que puissent êtres les personnes qui les lui adressaient. Mais depuis ces derniers mois, les choses avaient changé. Et un rendez-vous dans un café avec une amie pouvait prendre des proportions assez… inattendues, elle ne le savait que trop. Alors oui, la jeune clandestine – puisqu’en perdant son identité, c’est ce qu’elle était devenue – était aux aguets, raison pour laquelle ses prunelles auxquelles rien ou presque n’échappait erraient régulièrement autour d’elle. Néanmoins, lorsque la main de Caroline se posa sur la sienne, elle baissa aussitôt les yeux vers elle. Elle attendit, sans toutefois que son regard ne prennent une once d’expression, sans même avoir seulement l’air de l’interroger. Elle la fixa simplement, froidement, jusqu’à ce qu’elle ne desserre les lèvres.
« Comment vas-tu ? »
Elsa la dévisagea un instant, toujours aussi impassible, comme si la question lui avait échappé. A vrai dire, il y avait longtemps qu’elle ne prenait plus la peine de répondre à ça. Comment allait-elle ? Aussi bien qu’elle le pouvait dans la situation dans laquelle elle était, c'est-à-dire sans famille, engagée parmi ceux que les allemands traitaient de terroristes avec la responsabilité de tout faire pour protéger les autres tout en réduisant au silence les ennemis. Oui, car depuis quelques temps, c’était à elle qu’était revenue la place de « chef » de la brigade – bien que cela n’ai pas une importance capitale. Depuis deux semaines, trois peut-être - elle ne comptait pas - puisque Marc avait laissé le titre vacant, en sautant sur sa propre bombe après avoir été abattu par un soldat.

« J’ai appris pour ta mère et ta sœur. Je suis vraiment désolée. »
La main de Caroline s’était retirée de la sienne, sur un soupir qui n’échappa pas à Elsa. Certaines choses avaient changé, oui. Elle posa à nouveau ses prunelles froides, qui se firent presque glaciales à l’allusion de l’arrestation de Jade et Sarah. Il n’y avait là rien d’agressif, et rares seraient les personnes à pouvoir y voir une émotion quelconque. Pourtant, la pensée de Marc conjuguée à celle de sa famille ne pouvait laisser la jeune femme indifférente. Néanmoins, rien, pas même une légère crispation, ne bougea sur son visage. Caroline, en revanche, ne put dissimuler aux yeux perçant de son amie l’étincelle qui brilla dans son regard et les larmes qu’elle réprimait. Ce qui se concevait. Sarah, à la mort de sa mère, l’avait prise sous son aile, l’avait considérée comme sa propre fille, ne faisant presque aucune distinction entre elle et ses deux véritables enfants. Sarah avait toujours été ainsi. Généreuse, ouverte, souriante et maternelle.
« Ne le sois pas. Ce qui est fait est fait maintenant, répondit Elsa sur un ton terriblement détaché pour le sujet abordé. »
Oh, ne pensez pas que la probable mort – on ne revenait pas des camps, inutile de se faire des illusions - de sa famille lui soit indifférente. Non. Elle était tout simplement incapable d’exprimer la moindre émotion face aux autres : elle avait trop perdu. Se laisser aller, c’était s’attacher. S’attacher, c’était perdre à nouveau. Les autres ne devaient rester que… des autres. Ce à quoi elle était terriblement bien parvenue.

« J’imagines que tu as changé de nom. »
La voix de Caroline s’éleva à nouveau, bien que légèrement altérée.
« Oui, répondit Elsa, comme s’il s’agissait d’une chose des plus banales. »
Ce qui n’était pas tout à fait faux, du reste. Les juifs échappés aux rafles changeaient d’identités, les camarades changeaient leurs noms… Quelque chose de courant, en somme, mais que l’on se gardait bien d’ébruiter. Une nouvelle identité signifiait la clandestinité, c’était sans appel. Or, être clandestin n’avait jamais été bien vu et l’était encore moins en ce moment. Les juifs, les étrangers, les communistes, ceux qui s’engageaient dans la résistance… Des gens de l’ombre. Rester à la lumière était un luxe que tous ne pouvaient pas se permettre. Rester ce qu’on pouvait être avant la guerre, un petit miracle dont rares étaient ceux à pouvoir se vanter.
« Auray. Il paraît que ça sonne mieux que Meyer, ajouta-t-elle soudain, froidement. »
Cynique, quand elle ne restait pas muette. Et toujours avec ce détachement glacial qui ne la lâchait pas. Et qu’elle ne lâchait pas non plus d’ailleurs. Elle eut une vague pensée pour le professeur d’histoire auquel elle avait emprunté son patronyme. Trop répandu pour qu’il ne risque quoi que ce soit, si tant est qu’il était toujours ici. Les gens disparaissaient si souvent. Enfuis, arrêtés, déportés, morts… Combien de familles avaient ainsi perdu un ou plusieurs de leurs membres sans savoir ni pourquoi ni comment ?

Auray, et non plus Meyer. Caroline ne pouvait pas s’en douter, mais en lui faisant part de détails qu’elle aurait, dans d’autres circonstances, jugé inutiles et dangereux de donner, Elsa lui fournissait une preuve de cette ancienne amitié. C’était toujours comme ça. Elle accordait sa confiance à quelqu’un, appréciait une personne plus que les autres mais il pouvait se passer tellement de temps avant que l’intéressé ne s’en rende compte. Son comportement différait si peu… Seul un jeune homme savait réellement, à vrai dire. Pour les autres, ceux qu’elle côtoyait au quotidien, ceux de la brigade, elle restait cette chef froide aux tendances presque insensibles. Un véritable bloc de glace, pourvue d’à peu près autant de sentiments. Surtout pour ceux qui se doutaient de quelque chose avec Marc – beaucoup, soit dit en passant. Pas une fois elle n’avait témoigné la moindre émotion à l’annonce de sa mort ou les jours suivant. Enfin si. Mais pas devant eux. D’où ce surnom, « Ice ». Jamais elle n’y aurait songé, mais on le lui avait en quelque sorte attribué. Depuis, elle s’en servait pour la brigade, même si les anciens connaissaient parfaitement son véritable prénom.
« Qu’est-ce que tu fais, toi ? »
La question fusa, de manière plutôt inattendue, toujours aussi impassiblement. Elsa ramena ses prunelles implacables de froideur sur Caroline. Par là, elle entendait : ce qu’elle faisait maintenant, avec les allemands, les occupations, les fameux « attentas terroristes » dont on entendait de plus en plus parler. Rester neutre, en cette époque troublée, était devenu un parti impossible à prendre. Être neutre, c’était à la fois refuser et accepter ce qui se passait ; un paradoxe inenvisageable.
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MessageSujet: Re: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Sam 19 Juin - 15:16

Enfin, depuis la première fois que j'étais entrée dans la pièce, mis à part son "bonjour" glacial, elle reprit la parole.

-Oui

J'eu du mal à retenir un soupir rassuré. Je ne voulais pas qu'il lui arrive quoi que ce soit. Elle semblait tellement... Différente, par rapport à il y a quelques mois. Sa vie s'était effondrée... Je ne pouvais que la plaindre, et encore, pas à voix haute, car elle détestait cela. Au moins, ainsi, avec son nouveau nom, les allemands ne pourraient pas la retrouver aussi facilement. J'espérai juste qu'ils n'avaient pas son signalement.

-Auray. Il paraît que ça sonne mieux que Meyer.

Ironie froide. Devoir changer de nom, c'était ne plus être soi même, renier une part de soi, de sa vie, son passé. Je déglutis avec difficulté, cachant mon malaise derrière ma tasse de thé, dont je bu une gorgée. Je n'aimais pas forcer les gens à se confier, mais je détestais la sentir aussi mal. Oui, je la connaissais assez pour savoir quand elle n'allait pas bien, même si elle le cachait très bien.

-C'est joli... fut la seul chose que je pu répondre, un peu maladroitement.

Qu'est ce que sa famille avait fait pour mériter ça? Rien... rien de mal. Victime de la mégalomanie et des idéaux de quelques uns. Ca faisait mal, trop mal. Comment avoir une vie normale après ça? J'essayais de me convaincre que la guerre et l'occupation ne dureraient pas toujours, que nous pourrions ravoir des vies convenables, qu'un jour, tout ça serait le passé, mais il était difficile de le faire. Au fond de moi, cette sensation atroce, permanente, que je ne survivrai pas... Pourquoi? Je n'avais rien fait non plus, mais la justice n'existait pas de nos jours. Je serrais les dents. Il me fallait prendre exemple sur Elsa, rester forte, quoi qu'il advienne. Elle rompit le silence:

-Qu’est-ce que tu fais, toi?

Je reposais ma tasse de thé, me laissant aller contre le dossier de ma chaise, laissant un instant mon regard dévier vers l'extérieur. A voir tous ces jeunes gens aller dans la rue main dans la main, ces jeunes mères avec leurs bébés... Comment penser que nous étions en guerre?

-Toujours pareil, répondis-je... Je danse toujours à l'opéra.

On pouvait penser que je menais une vie facile, futile... Mais moi, je savais qu'il n'en était rien. J'avais travailler trop dur pour que ma vie ne s'effondre maintenant! Et je ne laisserai personne m'empêcher de faire ce que je voulais. Tout n'était pas que fête, champagne... J'hésitai à lui parler de Reinhard... Ce que j'avais fais, je l'assumais, sans en être particulièrement fière. C'était si différent de mon comportement habituel.

-Où vies-tu désormais?

Je me doutais bien que l'appartement familiale n'était pas une option. Il devait avoir été surveillé un certain temps... Maudits nazis. Comment peut-on détester quelqu'un à cause de ses croyances, son origine? C'était injuste, et déplacé. Un jour, ce seront eux qui seront pourchassés, il fallait croire, et espérer, même si l'espérance est la pire des choses en ce monde, qui nous force à toujours avancer.

-Tu sais que si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là. On est amies après tout.
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Elsa Auray
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MessageSujet: Re: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Dim 20 Juin - 17:40

« Toujours pareil, je danse toujours à l’opéra. »
Aucune réaction. Pourtant Elsa savait. Elle savait pertinemment à quel point la jeune femme avait travaillé pour être là où elle se trouvait aujourd’hui. Elle la revoyait lui parler de ballets, d’opéras, de chorégraphies avec des étoiles dans les yeux, comme un gosse. Avant. Quand l’on pouvait ne se préoccuper que de réaliser ses rêves et espérer s’en sortir, y arriver sans qu’une nouvelle journée plus noire encore que la précédente ne vienne ronger peu à peu les maigres réserves d’espoir restantes. D’une certaine façon, Caroline était admirable. Admirable d’y croire encore et de ne pas baisser les bras, malgré ce que l’on pouvait éventuellement en penser. « Danser, en ces temps de guerre ? » se disaient certainement certains, en plus d’autres commentaires à peu près aussi sceptique. Chacun sa façon de vivre et de continuer. Toutes ces pensées traversèrent l’esprit d’Elsa aussi froidement que ce que pouvait l’exprimer son regard. A vrai dire, elle ne songeait pas foncièrement à cela. Non, elle pensait que son amie voulait lui parler de quelque chose. Et qu’elle hésitait à le faire. On cachait difficilement ce genre de choses à la jeune clandestine. A peu près aussi difficilement que de se douter de ce qui se passait derrière ce visage pâle et impassible qui semblait envisager les choses sans en tirer aucun sentiment. Enfin, semblait…

« Ou vies-tu désormais ? »
Question pertinente. Elsa leva les yeux vers Caroline, ses prunelles glaciale sondant les siennes, comme pour y lire tout ce qu’elle y pouvait. Se doutait-elle de quelque chose quant aux activités de la résistante ? Non fut la réponse que cette dernière se formula en pensée tout en se demandant s’il était bon de le lui dire. Peut-être. En attendant de trancher la question, elle resta totalement muette quant à sa demande. L’espace d’un instant, ses yeux dérivèrent sur le groupe d’allemands, à l’autre coin du bar, qui ne se souciaient maintenant de rien d’autre que de leurs chopes de bières. Malgré cela, parler pouvait toujours être dangereux. Comme tout ce qu’elle faisait, mais le sang-froid d’Elsa savait aussi la pousser à ne pas prendre de risques inutiles, surtout lorsqu’il ne s’agissait que d’une banale conversation. Combien avaient bien put se faire prendre sur de pareilles sottises ? Une bribe de mot entendue, et les choses pouvaient se terminer aussi sec. Les officiers ne cherchaient que rarement à comprendre. Telle personne avait dit ça selon telle autre personne, alors telle personne devait être arrêtée. Ou tuée. Qui n’avait jamais entendu parler des victimes que pouvaient faire ces fameux coups de filets de la milice et de la gestapo ? Et ce parfois sur un simple témoignage. Anonyme, qui plus est. Oui, la glaciale jeune femme avait toutes les raisons du monde de ne pas répondre. Et d’ailleurs, elle ne ressentait pas le besoin de s’en justifier, pas même vis-à-vis d’elle-même.

« Tu sais que si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là. On est amies après tout.
- Ce qui n’est pas forcément une bonne chose. Tu ne devrais pas, répondit aussitôt Elsa, glaciale, en plongeant son regard dans celui de Caroline. »
Non en effet. Et pour elle. Sans parler de confiance aveugle, la résistante savait que son amie ne la dénoncerait pas, même si elle savait tout. Mais elle, en revanche, vivait dans une insécurité constante et pouvait très bien éveiller les doutes de tel ou tel officier allemand. C’était là que Caroline risquait gros. D’abord à avoir eu des contact avec une juive échappée, ensuite pour avoir couvert une « terroriste active ». D’ailleurs, avait-elle compris le sens de sa réplique ? Un éclat de rire plus fort que les autres à la table des allemands attira un instant l’attention d’Elsa qui les observa encore un infime instant, avant de laisser errer ses prunelles sur la vitrine puis de revenir à Caroline et à sa tasse de café dont elle but une gorgée. Sans sourciller, malgré la qualité déplorable de la chose qui semblait empirer au fur et à mesure que les mois passaient. Sans doute valait-il mieux supprimer le produit plutôt que de continuer à le rabaisser. La jeune femme n’en avala pas moins une nouvelle gorgée.

« Tu veux me dire quelque chose, Caroline. »
Elle s’était exprimée froidement, toujours. Pas un muscle de son visage n’avait bougé, seulement ses lèvres pour prononcer cette phrase qui n’était absolument pas une question, et cela se sentait dans son ton. Elle n’exigeait rien, elle constatait seulement. Ses grandes prunelles impassible fixèrent un instant son amie, avant de se poser de nouveau sur l’ersatz qu’elle avait dans sa tasse, dans un regard froidement expressif, cette fois, avant d’en avaler une nouvelle gorgée. Froidement expressif, en ce sens où l’on pourrait, avec un peu d’entraînement, comprendre sa perplexité face à cette… chose.
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MessageSujet: Re: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Lun 21 Juin - 14:02

-Ce qui n’est pas forcément une bonne chose. Tu ne devrais pas.

Sa voix avait claqué, aussi froide que de la glace, me coupant presque la parole. Je la regardais, sans comprendre. Il semblait y avoir un double sens à ses paroles. Avait-elle peur que je la dénonce? Jamais je n'aurais fais ça. Il y avait quelque chose de plus, d'étrange. Comme si un secret plus lourd que sa véritable religion pesait sur ses épaules. Du regard, je lui demandais de m'en dire plus, d'être plus explicite. Les rires à la table des allemands nous firent relever la tête. Je soupirais en baissant les yeux, un peu à court d'argument et de sang froid. Je ne comprenais plus l'une de mes plus anciennes amies. Cette guerre détruisait vraiment tout. Je m'en fichais qu'elle soit juive, communiste ou quoi que ce soit d'autre. Nous avions toutes deux perdus assez d'être chers pour que je ne veuille pas la perdre elle aussi. Je sentais les larmes me monter aux yeux, mais je les ravalais. Il fallait rester forte, et quoi qu'il advienne, ne jamais faiblir. Elsa rompit le silence tendu qui s'était instauré entre nous, changeant de sujet.

-Tu veux me dire quelque chose, Caroline.

Je relevais les yeux, lui lançant un regard plein d'incompréhension. Lui dire quoi? Il semblait qu'elle ne veuille plus que nous nous voyions, alors quoi... Ce à quoi j'avais pensé paraissait bien futile par rapport à ce qui se déroulait à cet instant dans le café, entre Elsa et moi. Je fermais les yeux, serrant les dents pour ne pas exploser. J'avais tellement l'habitude de réprimer mes émotions derrière mon sourire enjoué que ça ne fut pas très long. Rouvrant les yeux, je plongeais mon regard dans le sien, à la recherche de la moindre faille. Aucune bien sur... Le contraire eut été étonnant. Pourtant, je la connaissais assez pour savoir que derrière le vernis ultra lisse, il y avait nombre d'aspérités. Je passais ma main sur mon visage, dans un geste lasse, avant de dire à mi voix.

-J'ai couché avec un allemand. Un civil...

Je ne savais pas pourquoi je lui disais ça. Mais c'était tellement différent de mon comportement habituel. Jamais je n'aurais fais une telle chose il y a quelques temps, qu'il soit français, allemand, anglais, militaire, civil... J'avais peur maintenant. La peur fait faire n'importe quoi. Je n'étais pas très fière... Mais ça avait été tellement bien. Elle me regardait toujours aussi froidement. C'était vraiment agaçant de ne pas savoir ce à quoi elle pensait.
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MessageSujet: Re: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Mer 23 Juin - 18:20

Elsa ne releva pas le regard d’incompréhension que lui lança son amie. Elle n’y réagit pas le moins du monde, ne revint pas sur ses paroles. Il n’y avait rien à ne pas comprendre. Ce qu’elle venait de dire était on ne peu plus clair. Pas de double sens ni d’énigme qu’elle pourrait être la seule à comprendre. D’ailleurs, ce n’était pas son genre. Quitte à parler, autant le faire pour dire ce que l’on a à dire. Inutile de s’encombrer de mots détournés et de tournures de phrase vides de sens, si bien que l’on en comprenait plus le but premier. Ou alors lorsqu’il fallait parler de résistance – mais là encore, la jeune femme ne parlait pas beaucoup. Et avec de simples sous entendus lorsqu’il fallait expressément dire quelque chose. Oui, ce qu’elle venait de dire à Caroline était clair, aussi ne prit-elle pas le parti de lui en dire plus, se contentant de l’observer. D’ailleurs, était-ce vraiment cela que son amie ne comprenait pas ? Etait-ce pour cela qu’Elsa la vit serrer les poings, les dents et fermer les yeux l’espace d’un instant, comme pour recouvrer un sang-froid qui commençait à l’abandonner ? Certainement pas, à la réflexion. Sans ajouter un mot, elle tourna la tête vers la vitrine, portant une nouvelle fois sa tasse à ses lèvres. Elle erra dans la rue sans but précis, toujours à l’affut du moindre détail important, attendant que Caroline ne décide si oui ou non elle lui dirait ce qu’elle avait dans l’esprit. Après tout, et la froide clandestine le reconnaissait sans problème, elle n’engageait pas à la confidence.

« J’ai couché avec un allemand. Un civil… »
Ses prunelles glacées passèrent lentement des tranquilles badauds qui passaient devant le café aux traits un brin coupables de son amie. Elle la dévisagea un moment sans rien dire, consciente que son regard froid et dur ne devait rien avoir d’agréable en ce moment. D’autant que la jeune femme ne semblait déjà pas bien fière d’elle. Avec un allemand… Elsa n’avait aucune rancœur contre le peuple allemand, qui n’avait rien fait de plus que ce que faisaient les français en ayant confiance en Pétain et Vichy. Son inimitié, sa colère, sa haine parfois – pour une personne, surtout – allaient aux nazis. Aux soldats, officiers, SS qui s’étaient installés à Paris et à ceux qui, bien au chaud à Berlin comme en France, étaient aux commandes et manœuvraient tout ce qui se passait. Un allemand à Paris n’était pas qu’un simple homme en balade. Pas qu’un simple « civil ».
« Les salauds ont aussi parfois l’air de civils, rétorqua-t-elle froidement en dardant son regard dans celui de Caroline. »
Elle ne la lâcha pas des yeux, tout en songeant un moment à l’homme auquel son esprit faisait silencieusement référence. Ce Siegfried qu’elle traquait depuis un moment maintenant sans parvenir à trouver derrière lequel de ces hommes anonymes il se trouvait. Qui savait ? Peut-être était-ce celui-là même avec lequel son amie avait passé une nuit ? Le monde dans lequel ils vivaient depuis quelques mois laissait tout imaginer.

Elsa pensa un instant à toutes ces poules que l’on voyait accrochées au cou du premier officier venu. Ce rôle n’allait pas à Caroline telle qu’elle la connaissait – d’ailleurs, elle ne l’en soupçonnait pas. Les allemands étaient en pays conquis. Ils se servaient selon leurs désirs du moment, dans n’importe quel domaine. Que ce soit une envie de se défouler sur un passant au visage ne leur revenant pas ou de passer la nuit avec une femme. Ils le faisaient souvent, ça. Pour obtenir des renseignements parfois. Elle détailla la jeune femme qui lui faisait face. Des renseignements ? Savait-elle quoi que ce soit qui puissent les intéresser ? Après tout, elle n’en savait rien.
« Méfies-toi, ajouta-t-elle. »
Désapprouvait-elle ce que venait de lui dire la danseuse ? D’une certaine façon, peut-être. Mais on l’a vu, beaucoup de choses avaient tendance à laisser Elsa particulièrement indifférente, malgré la teneur des paroles qu’elle avait prononcées. On pourrait dire qu’elle ne concevait que difficilement la chose – compréhensible au regard de ce qui était arrivé à son propre amant, et par la faut de qui. A nouveau, les allemands du bar attirèrent l’attention sur eux, en se levant cette fois-ci, pour sortir. Elsa les suivit impassiblement du regard, notant l’officier qui, resté en retrait, avait échappé à son observation. Ce dernier jeta un dernier regard suspicieux à l’ensemble du café, mais lorsque ses yeux se posèrent un instant sur la table des deux jeunes femmes, Elsa avait déjà baissé la tête sur sa tasse. Observer sans être vue commençait par ne pas se faire remarquer. L’officier sortit, rejoignant les soldats, puis la troupe s’ébranla joyeusement avant de tourner au coin de la rue, celui par lequel était arrivé Caroline.
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MessageSujet: Re: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Jeu 24 Juin - 14:59

On avait l'impression qu'elle n'avait même pas entendu ce que je venais de dire. En même temps, qu'est ce qu'elle aurait pu me répondre? Me faire la morale, hausser le ton? Ce n'était pas son genre. Ca aurait juste pu passer pour étonnant de ma part, moi qui avait toujours, et de loin, été la plus raisonnable... Elsa finit par se tourner vers moi, avant de me regarder dans les yeux. Sa voix était toujours aussi froide quand elle me dit:

-Les salauds ont aussi parfois l’air de civils.

Je haussais les sourcils. Qu'est ce qu'elle voulait dire? J'en avais assez qu'elle s'exprime ainsi par énigme. Mon sang froid, pourtant éternel, était mis à rude épreuve par une Elsa que je ne reconnaissais plus, qui donnait des phrases à double sens, et qui ne semblait plus même vouloir me parler. Elle semblait avoir de nombreux secrets désormais, mais ne s'en ouvrirait pas à moi. Cela se voyait...

-Méfies-toi, finit-elle par ajouter.

Mon sang ne fit qu'un tour. J'attendis que le groupe de soldats qui se tenait au bar quitte le café, trop lentement. Pour essayer de me calmer, je portais ma tasse à mes lèvres, avant de la reposer placidement sur la soucoupe, la regardant dans les yeux. J'étais en colère, en colère qu'on se permette de me juger, me traiter comme une enfant. Elle était la seule à pouvoir tirer un trait ainsi sur vingt ans d'amitié. Moi, cela m'était impossible.

-Tu crois toujours que je suis incapable de me débrouiller toute seule, n'est ce pas? demandai-je froidement, relevant les yeux vers elle.

Une scène, la pire de ma vie, me revint en mémoire. Une main m'arrivant en plein visage, j'atterris contre le mur, j'ai mal. La main me reprend par le cou, et serre, serre... Je ne peux plus respirer, je me débats, mais rien à faire. Finalement, la main me jette, et je me sens tomber, tomber... Je peux compter les marches qui me martèlent le dos, les bras, les jambes. Puis, le trou noir. Là j'étais faible, et sans défense. Mais j'ai grandis, je n'avais que seize ans à l'époque. Désormais, j'en ai vingt trois, et j'ai assez trimé pour savoir que la vie n'est pas un conte de fée. Elsa est bien placée pour le savoir, mais elle semble l'avoir oublier. Comme tout ce qui faisait notre amitié d'ailleurs. Sans finir ma tasse, je me lève.

-Si tu veux me voir, tu sais où me trouver. Moi, je serais toujours là pour toi, en souvenir de ta mère qui a tout fait pour moi.

Sans attendre sa réponse, je prend mon sac, et quitte le café. J'attend d'avoir pénétré dans le métro pour laisser mes larmes couler.
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MessageSujet: Re: Après tout, c'est juste un café.   Après tout, c'est juste un café. Icon_minitime1Mar 29 Juin - 15:20

Une tasse reposée sur sa soucoupe, un brin trop brusquement peut-être, détacha les prunelles glacées d’Elsa de la vitrine pour les attirer sur Caroline dont le sang-froid était apparemment mis à mal. Elle rencontra son regard, et ne détourna en aucun cas la tête, n’exprimant rien de plus ni de moins – si c’était possible – que quelques secondes plus tôt. Elle pensait ce qu’elle avait dit, mais sans doute son amie ne pouvait-elle pas le comprendre de la même façon qu’elle. Sans doute son amie ne pouvait-elle pas comprendre, tout simplement. Et pas uniquement les paroles de la jeune clandestine. Elle se fixèrent ainsi un temps indéterminée. Quelques secondes à peine seulement, mais pendant lesquelles l’extrême froideur du regard de l’un et la colère déçue des yeux de l’autre se jaugèrent sans ciller. Elsa n’aimait pas cela, au fond. Mais elle ne pouvait et ne voulait pas faire autrement. Il fallait que les choses se passent ainsi, jusqu’à ce que ces jours sombres ne s’éteignent, sans doute. Alors peut-être pourrait-elle tenter d’expliquer à Caroline ce qui s’était passé, ce jour tranquille de juin, dans ce café au pied de la Tour Eiffel. Peut-être, si elle était encore là.
«Tu crois toujours que je suis incapable de me débrouiller toute seule, n'est ce pas ? »
La jeune femme en froncerait presque les sourcils. Ca n’avait rien à voir. Toutefois, elle resta de marbre, se contenta de l’observer se faire froide à son tour, presque distante, si différente de l’attitude dans laquelle elle avait poussé la porte du petit bar.

Peut-être y avait-il un peu de ça, en fait. Elsa ne pensait pas Caroline incapable de se débrouiller seule, comme elle le disait. Elle se doutait bien qu’elle savait quoi faire, comment agir, qu’elle n’avait pas besoin d’elle pour le lui dire. Simplement, un piège était si vite tendu. Oui, vite. Tout arrivait vite, ces temps-ci, sans que l’on ai le temps de le voir venir. On marchait dans la rue pour se rendre à un rendez-vous et l’instant d’après, on était cerné de SS. On montrait ses papiers à un contrôle pour, sans rien comprendre, finir dans les bureaux de la Gestapo. On posait une bombe pour empêcher un convoi allemand de partir et la seconde suivante, on gisait sous une balle, allemande elle aussi… Peut-être Elsa était-elle trop méfiante, mais en ce moment, ça valait certainement mieux que de vivre dans l’inconscience. Elle releva les yeux vers Caroline au même moment qu’elle, qu’une vague de pensées semblait également avoir emporté ailleurs, un instant durant. Pensait-elle à son frère ? Pouvait-elle seulement se douter qu’il n’était pas si loin, qu’elle n’aurait peut-être eu qu’une question à poser, là, dans ce café, pour avoir des nouvelles de lui ? Peut-être. Si Elsa avait estimé qu’elle pouvait lui en parler, malgré les demandes contraires de l’intéressé. Sans doute pas, d’ailleurs. L’anonymat était la première des conditions lorsque l’on partait faire sauter des bureaux allemands, descendre leurs occupants et que les journaux appelaient ça des actes de terrorisme. Des terroristes de vingt ans, à peine plus pour les plus vieux, armés de bicyclettes, de quelques armes volées et de bombes fabriquée à partir de vieux tuyaux.

« Si tu veux me voir, tu sais où me trouver. Moi, je serais toujours là pour toi, en souvenir de ta mère qui a tout fait pour moi. »
Caroline, en colère, se leva soudain sans que le moindre mouvement ne vienne troubler la froide immobilité de la jeune femme. Elsa leva la tête vers son amie qui attrapa presque brusquement son sac et quitta rapidement le café, sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit. Ce qui aurait été peine perdue, d’ailleurs. Elle n’aurait rien répondu, il n’y avait rien à répondre. C’était vrai, la jolie rousse savait où la trouver. Elle savait aussi que, quoi qu’elle vienne lui demander, son amie serai là pour elle – du moins, c’est ce que ces vingt années d’amitié qui les unissaient jusque là laissaient supposer. Elle lança un regard glacial au gérant du café qui la regardait, surpris de voir une de ses clientes s’en aller ainsi et qui détourna la tête sitôt qu’il eut rencontré ses prunelles. Une telle œillade, bien que dépourvu du moindre sentiment hostile, n’engageait pas à la curiosité. D’ailleurs, les histoires de ses clients ne le regardait pas lui, il avait bien assez de problèmes comme ça. Il retourna donc à ses verres mouillés, et Elsa à sa vitrine tandis qu’elle achevait la tasse de chicoré au goût désastreux, songeuse. Oui, elle savait où trouver Caroline, mais elle n’irait pas. Pour son amie, comme pour elle, ça valait beaucoup mieux. Pour ces vingt ans d’amitié, justement, sur lesquelles elle ne pouvait tirer un trait.

Tranquillement, elle reposa à son tour la tasse de mauvaise porcelaine sur sa soucoupe, se leva, veillant bien à passer sa tunique par-dessus le revolver accroché à sa taille, et sortit du café. Un milicien qui y entrait au même moment lui tint galamment la porte, accompagnant cet acte d’un sourire et d’un salut courtois. Elsa hocha poliment la tête en guise de réponse et s’éloigna. Dans une heure, elle passait chez un camarade récupérer quatre grenades. Le lendemain, c’était à l’une des tanières des collègues de cet homme que deux gamins à bicyclette allaient s’attaquer.

FIN
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