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 [Conférence] Collaboration et collaborations 1940-1944, définitions, formes et niveaux

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Edouard Cabanel
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MessageSujet: [Conférence] Collaboration et collaborations 1940-1944, définitions, formes et niveaux   [Conférence] Collaboration et collaborations 1940-1944, définitions, formes et niveaux Icon_minitime1Jeu 16 Jan - 23:22

J'ai pu assister la semaine dernière à une conférence de François Broche sur le thème de la collaboration et je me disais qu'il n'était peut-être pas inintéressant que je fasse partager mes prises de notes (un peu améliorées n'ayez crainte  laugh ) sur le sujet. Ce que j'ai bien aimé dans cette intervention, c'est que François Broche donne un panorama très large de la collaboration, remet quelques idées en place concernant Vichy et surtout que certaines de ses idées sont peut-être discutables. Donc n'hésitez pas à réagir si vous le souhaitez  face .
J'en profite pour dire que de nombreuses publications sur le sujet devraient sortir en 2014 (comme un documentaire sur France 3 ou une exposition aux Archives nationales) !


Collaboration et collaborations 1940-1944
définitions, formes et niveaux
François Broche
(Journaliste et historien spécialiste de la France libre,
auteur de l'Armée française sous l'occupation)


Introduction
La rencontre de Montoire entre Pétain et Hitler a lieu le 24 octobre 1940. La fameuse poignée de main est vue comme une trahison, elle est l'acceptation de la défaite militaire : elle implique l'occupation de la moitié du territoire et la collaboration. 22 juin 1940 : convention de l'armistice de Rethondes. Le mot est explicitement mentionné dans la convention de l'armistice. Mais c'est surtout le choix de l'une des voies de la collaboration. Pétain incarne alors l’État français. Il faut rappeler que le 1er acte constitutionnel, le 11 juillet, abolissait la République. La collaboration d’État est pratiquée par un gouvernement soucieux de conserver souveraineté sur zone libre et d'assurer une continuité.
A Paris, la collaboration d’État ne cesse d'être critiquée, brocardée par hommes qui veulent une direction plus allemande, les « collaborationnistes » (Fernand de Brinon, délégué du gouvernement français dans les territoires occupés). Cette opposition avec la collaboration de Vichy dure jusqu'à la fin. Interprétations diverses de cette collaboration : Laval, Flandin (déc-janvier 41), Darlan. Il faut savoir que certains militaires pensaient que ce n'était pas incompatible avec revanche. D'autres pensaient que la révolution nationale était compatible avec la résistance, on les appelle les « vichysto-résistants » (Delattre de Tassigny, Mitterrand, Fourcade, etc). Voir livre sur la question de Bénédicte Vergez-Chaignon, Les vichysto-résistants de 1940 à nos jours (Perrin). Il sont passés de Vichy à la résistance. Mais en réalité, ceux-ci n'ont pas d'influence sur politique du maréchal. Double langage à Vichy : les dirigeants ne cessent de se réclamer d'un double jeu ce qui n'est pas vrai et ne correspond pas à la politique suivie, qui s'enfonce toujours plus dans voie de la collaboration.


Le terme de « collaboration »
C'est un mot ancien qui vient du latin. Cette « collaboration » s'instaure entre vainqueur et vaincu, occupant et occupé. C'est un rapport de soumission qui est étranger à son acception originelle. La collaboration est un rapport de force. Dans l'armistice, l'expression exacte est « collaborer de manière correcte ». On sait que le maréchal préférait le mot de « cohabitation ». Ministre des Finances Henri Deroy disait que le maréchal ne s'était engagé à rien dans cet armistice mais la collaboration engage bien à quelque chose. Un autre mot est utilisé par René Belin, ministre du Travail : « coopération ». Mot de « réconciliation » chez les collaborationnistes, Pierre Laval l'aimait bien dans ses déclarations. Mais il n'y avait pas de volonté mutuelle de mettre fin au conflit. Aucune réalité chez les Nazis évidemment qui voulaient abaissement durable.
Le 1er utilisateur du mot « collaboration » est Bergerie, un proche du maréchal, député de Nantes, radical, qui dans sa déclaration du 8 juillet 1940, dénonce la IIIe République, réclame un ordre nouveau et le retour du gouvernement à Paris. Le mot est lancé et le contenu est fixé. Ces hommes gardent l'illusion d'une marge d'influence française et d'une improbable renaissance d'un gouvernement de révolution qui doit pourtant acquiescer à l'Allemagne. Laval réutilise le terme puis plus du tout à partir d'octobre 1940. Pétain de son côté déclare vouloir une collaboration internationale avec Allemands et Italiens dans un message inspiré par Gaston Bergerie. Hitler a retenu le mot qui flottait dans l'air, il l'accepte d'autant plus qu'on ne le définit pas (et qu'il va donc pouvoir en faire ce qu'il souhaite).


Comment définir la collaboration ?
La collaboration ne fut pas un bloc. Paxton montre que c'est aussi complexe que la résistance. C'est surtout l'histoire féroce de divisions internes inexpiables. Hoffman de son côté parle bien d'un bloc mais il ne fait référence qu'aux collaborateurs actifs. On peut pourtant se placer dans une perspective élargie. On a regroupé sous ce terme des immigrés de l'intérieur, affairistes, intellectuels, voyous, héros de cause perdue etc... Parfois certains hommes d'affaire qui tremblent devant le communisme. Des intellectuels comme Pierre Drieu La Rochelle ou Brasillach qui sont des admirateurs du fascisme. On rêve d'une Europe cimentée par lui.
Par nature, on a une série d’ambiguïtés. Le flou originel rend difficile une définition objective. Le collaborateur serait le contraire du résistant : il a aidé directement ou pas l'occupant en profitant plus ou moins de la situation. Mais on peut participer à la collaboration sans être collaborateur, en ne faisant rien justement. Ne rien faire est collaborer, ce qui s'oppose à résister (qui est un acte et ne peut être passif). Il y a des caractéristiques communes à tous les collaborateurs passifs ou actifs : acceptation de la défaite et de l'armistice qui en découle, condamnation de tous les « dissidents » qui s'y opposent.
Ceux qui ne veulent rien faire s'opposent à ceux qui veulent agir (Germaine Tillon qui déclare refuser de tourner le dos). C'est dire non, ne pas accepter la présence des Allemands et tout ce qui découle. Tillon crée réseau du Musée de l'Homme dès 1940.


Qui sont les collaborateurs ?
On parle à cette date-là des « 40 millions de pétainistes » qui placent une confiance aveugle en Pétain, leur suprême espérance. Le maréchal veut une France rassemblée autour de lui, résolue à se redresser, débarrassée d'un régime qui avait failli, d'un personnel politique qui n'avait pas préparé la guerre. Au fur et à mesure, cette croyance se voue en culte du maréchal jusqu'au célèbre chant « Maréchal, nous voilà ! » et manifestations pour le sauveur en zone sud. À partir de 1942, avec l'accentuation de la répression, les grandes rafles, le débarquement allié en Afrique du Nord, l'étoile du maréchal se met à pâlir. Mais il garde des partisans jusqu'à la fin. Toutefois, il est de plus en plus récusé, notamment à Paris mais aussi à Vichy.
En 1940, on cherche à donner côté positif à la collaboration. Elle est pratiquée par beaucoup de Français qui ne sont pas liés à l'extrême droite. Quelques exemples :

  • D'abord les hommes de gauche. La défaite bouscule les clivages gauche/droite. Ces hommes-là ont collaboré avec régime autoritaire et plus étonnant, avec les Allemands. Ce n'est pas une adhésion au fascisme mais au pacifisme intégral qui se voit avec le refus de prendre les armes. Jean Giono : « j'aime mieux être Allemand vivant que Français mort ». Mais peut-on vraiment parler de « Front populaire devenu collaborateur » ? Jacques Doriot vient du PC, Marcel Déat vient de la SFIO. Beaucoup de syndicalistes sont présents dans le gouvernement. Mais on ne peut vraiment répondre à cette question et de toute façon, ces hommes tombent irrésistiblement dans l'extrême droite.

  • Hauts fonctionnaires : habitués à servir l’État, ils assurent la continuité administrative.

  • Attentistes, les plus nombreux. Par leur refus de s'engager, ils sont donc des soutiens actifs du régime. Tout en donnant bonne conscience pour ceux qui s'y réfugient. L'attentisme peut avoir diverses causes : lâcheté, fatalisme, pacifisme etc. Il concerne la majorité des Français. Peu se sont vraiment engagés dans la collaboration ou la résistance. C'est l'acceptation du moindre mal par peur ou lassitude. On est convaincu que la libération viendra des Alliés. Dans cette acceptation, l'attentisme peut parfois désigner forme de complicité (accueil des Allemands), parfois forme de résistance (écoute de la BBC).




Quelles sont les formes de la collaboration ?
La collaboration n'a jamais été une politique vraiment fixée, c'est un concept mouvant, un large éventail d'idées et de comportements qu'il est impossible d'enserrer dans un cadre. Il vaudrait mieux parler de « collaborations », de diverses formes/niveaux de collaboration. La situation est unique en France. En Europe, les Allemands ont mis au point quatre statuts pour les vaincus : annexion (Silésie par exemple), administration directe (Pologne), indirecte (Danemark), alliance dans Axe (Bulgarie, Finlande). France a l'annexion (Alsace-Lorraine), l'administration directe (zone nord) et indirecte (zone sud confiée à Vichy, du moins jusqu'en 42). Les collaborationnistes de Paris veulent une alliance mais Hitler ne le souhaite pas. Du coup, la collaboration varie selon les zones, selon les pressions, populations, elle adopte des formes variables. Les délateurs se réclament du civisme. On évoque souvent collaboration intellectuelle et artistique (cinéma). Mais trois autres exemples :



  • La collaboration économique.


En raison des contraintes, il ne peut exister qu'un partenariat inégal pour la collaboration économique (dépréciation du franc, mise au pillage de l'économie française). Hémorragie de capitaux et biens vers Allemagne dans un premier temps. On veut créer des sociétés mixtes avec l'Allemagne (banques parisiennes). Le départ forcé des travailleurs se fait dans le cadre du STO. La collaboration économique permet l'apparition d'affairistes véreux. Au printemps 1942, 170 000 Français travaillaient pour l'armée allemande. Beaucoup pour la construction d'avions etc. Commandes de 4 millions de marks pour l'industrie français.



  • La collaboration « horizontale ».


La fascination est immédiate pour ces jeunes Allemands impeccables dans leurs uniformes. Mais cette forme de collaboration connaît une réprobation unanime par les résistants, Vichy et les Allemands eux mêmes qui considèrent les Français comme une sous-race. A Paris, elle est surtout intellectuelle et mondaine. Elle touche aussi les couches populaires. Nombreuses « embauchées » par les Allemands. 20 000 femmes (soit 60%) sont tondues. 50 000 à 80 000 enfants de boches selon estimation. Dans une large mesure, cette collaboration fut aussi homosexuelle.



  • La collaboration politique.


Elle peut être tactique (minimale pour ordre public), stratégique (appui de l'occupation pour le nouveau régime) ou idéologique (maximale). Pour nuancer, il faut comprendre que toutes les formes de collaboration ont reposé sur la croyance de la victoire des forces de l'Axe et l'illusion que les Allemands accepteraient collaboration. C'est un état d'esprit, une vision globale du conflit. La collaboration n'est pas invention des Allemands, c'est une trouvaille du vaincu. La proposition d'aide de la France est repoussée par Hitler. Le vainqueur ne cherche pas l'approbation du vaincu. Hitler cherche juste neutralité dans son combat contre Angleterre, pas une alliance. Vichy a l'espoir d'une collaboration pour améliorer la situation, mais c'est vite illusoire.


Nuances infinies de collaborations. Chacune a ses propres motivations. Toutes, sauf les vichysto-résistants (qui sauront bien rebondir), finiront mal après Libération. Quand sonnera le règlement de comptes, tous sont poursuivis comme traîtres à la patrie. Beaucoup sont tués, certains sont réhabilités.
La littérature est abondante sur cette période loin d'être oubliée. Mais la collaboration en elle-même est peu étudiée. L'histoire de la collaboration, Que sais-je. Grande exposition aux Archives nationales à venir. 10 février 2014 : documentaire sur la collaboration sur France 3.


Quelques remarques finales
- Attention ! On ne se souciait que très peu du sort des Juifs déportés en Allemagne. Pas d'influence vraiment sur la conduite de la guerre.
- Église catholique a été entièrement loyale à Pétain, sauf quelques exceptions, quelques prises de conscience.
- Il n'y a jamais eu de double-jeu de la part de Vichy, seulement un double-langage. La question juive, la rafle du Vél d'hiv le prouve aisément.
- Si l'épuration a été si mal menée, c'est qu'on avait du mal à définir ce qu'était un collaborateur.
- Changement dans la collaboration à la fin de 42 : on a compris que l'Allemagne ne gagnerait plus la guerre. Stalingrad a été le grand tournant dans la conscience des Français.
- Politique de Laval a été pragmatique du début à la fin. Plus il pensait obtenir des concessions, plus il était obligé de consentir à tout. C'est lui qui a inventé le STO, les Allemands ont exigé 250 000 hommes. Laval est patriote français, il a été sincère jusqu'au bout, De Gaulle ne le maltraite pas trop dans ses mémoires. Tous les collaborateurs ne sont pas des voyous, des affairistes, et des assassins.
- L'histoire de Vichy est une suite de combats entre des factions. Flandin anglophile, Darlan était convaincu de la victoire de l'Allemagne. Loyalisme de façade devant le maréchal (que tout le monde critiquait dans son dos). Hommes de Vichy était entité disparate. Darlan avait fait appel à de grands financiers, des polytechniciens. Pas vraiment de doctrine de Vichy. Révolution nationale jamais vraiment appliquée, Laval ne voulait pas en entendre parler. Concept de « vichysto-résistant » mérite d'être discuté. Exemples cités sont des Vichystes puis des résistants. Autre chose de dire qu'on était à Vichy mais qu'on a participé à la résistance.
- Régime de Vichy n'est pas cohérent ni structuré. Les conditions étaient impossibles. Révolution nationale a tenté de faire quelque chose (politique familiale).
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